Tousser trois fois

Publié le 13 décembre 2008 par Vogelsong @Vogelsong

La presse française est malade et prend le bouillon. Au théâtre de la Colline, les journalistes émettent des poussées stridulantes concernant leurs conditions.

R.Ménard, le pitre de RSF affirmait en 2007 que « N.Sarkozy n’était pas un problème pour la presse ». C’est donc une profession frappée d’amnésie qui feint de se serrer les coudes. En 2007, quasi unanimement, elle présente la candidature de N.Sarkozy comme une option de droite. En effet, les grands quotidiens fustigent la diabolisation du chef de l’UMP. Entre S.Royal et le gesticulant ministre de l’intérieur, ce n’est rien d’autre qu’un bon vieux débat centro-bipolaire. Quand Marianne, la feuille de chou bayrouiste, publie un numéro assassin sur le surexcité du ministère de la police, on affuble l’hebdomadaire de subjectivité caricaturale. La volée de bois vert arrive de toutes parts, de tous bords. La presse dans son ensemble tient son duel Royal/Sarkozy et ne veut pas le lâcher. Libération, tiédasse tâcheron de la presse bobo sponsorisé par Armani et Channel, entretien ce voluptueux débat. Soutenant la candidate de gauche du bout des colonnes, critiquant le spasmodique poulain de TF1 avec une fine modération. Le Monde tire à boulets rouges sur F.Bayrou le prétendu centriste alors qu’il est le vrai candidat de la droite classique. Il est clair que derrière le discours mielleux du béarnais s’embusque une politique économique clairement à droite. L’approche sociétale est juste libérale, on ne peut lui demander moins. Le positionnement du Figaro ne mérite sûrement pas que l’on s’y attarde. En manque de journalistes car tous recasés dans la publi-information ou la retouche photographique, le quotidien à la botte du vendeur d’armes S.Dassault joue les pom-pom girls de la réaction depuis déjà quelques années et n’est plus à proprement parlé un journal d’information.
Économiquement, N.Sarkozy est le parfait bourrin. Le tirage papier en témoigne. Pas question de ronger les marges d’une presse déjà largement sinistrée. Tout le monde va bon gré mal gré à la gamelle.

Un cycle et deux fouilles rectales plus tard, des couinements aigus montent du théâtre de la Colline. Les amblyopes d’hier ont eu la révélation. La presse serait au bord du collapsus. La liberté d’écrire et de diffuser serait en danger en France. Diantre ! Étreinte par l’État UMP. Vaste blague et coups de bambous mérités.
Le happening de pleureuses se tiendra sous la houlette de J.M.Ribes. Ce même clown qui servit de monsieur loyal à la présentation de l’apocalyptique rapport Attali offert à N.Sarkozy pour « libérer » la croissance. Certains ont une mémoire de poisson rouge.
Participeront à ce cocktail d’initiés une brochette de zélateurs de la pensée molle capables de dire tout et son contraire, dont P.Rosenvallon phare de la gauche « moderne » est un digne représentant. Le grand instigateur est E.Plenel qui a découvert il y a peu la presse alternative et la posture d’opposant. Pour lui le réveil est brutal car sous F.Mitterrand, ce n’était sûrement pas facile mais plus simple. Viendront se joindre aux  gémissements des hommes politiques plutôt de gauche (B.Hamon, P.Braouzec), et la droite classique et Villepiniste (F.Bayrou, H.Mariton). Étrange attelage de ceux qui ne réussissent plus à convaincre, et de ceux qui se sentent muselés au sein de leur potentat.

Les observateurs étrangers en témoignent, la presse française c’est le stade médiéval de l’information. Par sa structure, la plupart des journaux sont aux griffes de puissants industriels (armements, BTP, finance). Par ses pratiques de connivences. Par la teneur de ses analyses (voir par exemple toute l’œuvre de J.M.Colombani) et surtout par sa paresse (information circulaire).

Une once de clairvoyance aurait permis d’anticiper le mélange détonnant de l’après mai 2007. Aujourd’hui la profession et surtout ses dirigeants jouent les ébahis, les catastrophés. Mais ils savaient, pertinemment. S.Royal ou N.Sarkozy n’étaient pas des options équivalentes pour les libertés. Cette presse fondue dans le sarkozysme donne la France de 2008 (et d’après). Celle qui penchée la tête en bas, les fondements aux vents doit tousser trois fois sous l’œil inquisiteur et amusé de la maréchaussée.

Vogelsong – 12 décembre 2008 – Paris