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Complètement givrée

Publié le 12 décembre 2008 par Irene

Ce matin, en allant au qi gong, j’ai été pour la première fois saisie par le froid, le vrai, de ces froids bien francs qui vous transpercent le cuir. Pour la première fois depuis que je vis en ville, j’ai dû gratter mon pare-brise avant de faire « route pêche », comme disent les vrais Bretons. Sur l’autoroute, entre Tours et Le Mans, la campagne était complètement givrée. Figée dans cette pellicule blanche qui sublime les paysages les plus ordinaires. Moi qui déteste les peupleraies, j’avoue avoir été touchée par la fragilité des ces grands arbres congelés, qui semblaient pouvoir se briser au moindre souffle. Ça m’a fait penser à un passage de Trois hommes seuls, où l'un des personnages salue la beauté des paysages autoroutiers avec l’une de ces belles phrases à tiroirs dont Christian Oster a le secret : "Vous avez remarqué (...) que les paysages autoroutiers sont beaux, et préservés, en somme, qu'il n'y a que de l'autoroute qu'on les découvre, que de l'intérieur on n'y arrive jamais, dans ces paysages, qu'on ne s'y tient pas parce que personne ne peut s'y tenir à cause du bruit de l'autoroute, précisément, qui ne nous parvient pas à nous, parce que nous le produisons, et que donc on n'y voit jamais personne, d'où cette impression de calme, autour de ces fermes extraordinairement isolées, dans ces champs où des vaches paissent solitairement (…). Je trouve ce paradoxe intéressant et avoue n'y avoir jamais pensé. Sauf que là, j’ai vu de la vie au bord de l’autoroute. Dans le blanc environnant, quelques taches de couleur ont détourné mon regard de la chaussée rectiligne. Du linge. Des vêtements qui séchaient, ou du moins essayaient, sur la clôture parallèle au rail de l’autoroute. Des caravanes, blanches elles aussi, et des gitans dedans.
Le TGV qui me mène de nouveau respirer l’air de Paris s’enfonce à son tour dans une ouate épaisse. Ce soir, je me rends avec une amie aux 30 ans de mon ancienne école, au Palais de Tokyo. Ce n’est pas encore le Japon, mais on s’en rapproche, d’autant plus que demain, je vais avec une autre amie au musée du quai Branly voir une expo sur l'esprit Mingei : « celui qui préside au Japon à la création d'objets du quotidien avec pour cahier des charges, que les objets Mingei doivent être modestes mais non de pacotille, bon marché mais non fragiles ». Des précurseurs de la consommation durable ?
Dans le train, une clémentine facétieuse a éclaboussé le cadre qui me sert de voisin, concentré sur le dernier numéro de Challenges. Saine lecture en temps de crise. Mon challenge à moi, c’est que ma bouteille de X Noir arrive à bon port. On a les défis qu’on peut.

Photo : paysage blanc dans la faible lumière bleue de la Laponie finlandaise (image réalisée sans filtre).


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