La crise actuelle, qui touche le cœur même du capitalisme avec l’effondrement de ses trois piliers –le travail, la consommation et l’accumulation du capital –est pourtant une formidable opportunité d’accompagner, de façon civilisée, lasortie, déjà entamée,d’un système qui domine aujourd’hui la quasi totalité de la planète.
Encore faut-il accepter de penser autrement et, en premier lieu, de comprendre ce qui nous arrive. Dès 1958 ( !) Hannah Arendt écrivait dans Condition de l’homme moderne :
« Plus proche, également décisif peut-être, voici un autre événement non moins menaçant. C’est l’avènement de l’automatisation qui, en quelques décennies, probablement videra les usines et libérera l’humanité de son fardeau le plus ancien et le plus naturel, le fardeau du travail, l’asservissement à la nécessité. Là, encore, c’est un aspect fondamental de la condition humaine qui est en jeu, mais la révolte, le désir d’être délivré des peines du labeur, ne sont pas modernes, ils sont aussi vieux que l’histoire. Le fait même d’être affranchi du travail n’est pas nouveau non plus; il comptait jadis parmi les privilèges les plus solidement établis de la minorité. A cet égard, il semblerait que l’on s’est simplement servi du progrès scientifique et technique pour accomplir ce dont toutes les époques avaient rêvé sans jamais pouvoir y parvenir.
Cela n’est vrai, toutefois, qu’en apparence. L’époque moderne s’accompagne de la glorification théorique du travail et elle arrive en fait à transformer la société tout entière en une société de travailleurs. Le souhait seréalise donc, comme dans les contes de fées, au moment où il ne peut que mystifier. C’est une société de travailleurs que l’on va délivrer des chaînes du travail, et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté. Dans cette société qui est égalitaire, car c’est ainsi que le travail fait vivre ensemble les hommes, il ne reste plus de classe, plus d’aristocratie politique ou spirituelle, qui puisse provoquer une restauration des autres facultés de l’homme. Même les présidents, les rois, les premiers ministres voient dans leurs fonctions des emplois nécessaires à la vie de la société, et parmi les intellectuels il ne reste que quelques solitaires pour considérer ce qu’ils font comme des œuvres et non comme des moyens de gagner leur vie. Ce que nous avons devant nous, c’est la perspective d’une société de travailleurs sans travail, c’est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire.»
L’extension du « tout consommation » à l’ensemble de la planète a retardé cette échéance. La crise actuelle montre qu’aujourd’hui nous l’avons atteinte. Il serait temps que les partis politiques qui font de l’économie un moyen au service du bien-être et du vivre ensemble et non des citoyens des « ressources humaines » au service des entreprises, revoient leurs modes de penser. En commençant, comme les y incitent, par exemple, l’association trans-partis Utopia, par identifier les principales aliénations de nos sociétés développés : le dogme de la croissance comme solution aux maux économiques, le dogme de la consommation comme seul critère d’épanouissement individuel, la centralité de la valeur travail comme seule organisation de la vie sociale. En remettant donc en cause le productivisme et en construisant non des alternances mais des alternatives susceptibles d’entraîner le plusgrand nombre.
Cette question devrait être positionnée comme centrale lors des prochaines élections européennes. A défaut, la régression sociale et politique continuera à s’étendre pendant que la gauche politique se déchirera sur les moyens d’accéder au pouvoir sans savoir pourquoi. Quand les idées sont confuses ou dépassées, le combat entre les personnes est dominant.
Comme en était convaincu André Gorz, la sortie du capitalisme a commencé. Il dépend de nous que cette sortie soit civilisée ou barbare.
Les appels à « relancer la consommation » ou à « améliorer le pouvoir d’achat » venus des différents partis de gauche, anciens et en voie de décomposition ou de paralysie (PS, PCF, Verts), ou en construction, très difficilement et de manière dispersée, (NPA, Parti de Gauche et Nouvel Espace Progressiste) semblent confirmer une incapacité à sortir de la vision productiviste (travail/consommation) dans lequel le capitalisme nous a enfermés. Que ce soit pour le réguler (PS, Verts) ou pour le combattre (NPA, PCF, PG, NEP), ces différents partis conservent cet unique référentiel.
La crise actuelle, qui touche le cœur même du capitalisme avec l’effondrement de ses trois piliers –le travail, la consommation et l’accumulation du capital –est pourtant une formidable opportunité d’accompagner, de façon civilisée, lasortie, déjà entamée,d’un système qui domine aujourd’hui la quasi totalité de la planète.
Encore faut-il accepter de penser autrement et, en premier lieu, de comprendre ce qui nous arrive. Dès 1958 ( !) Hannah Arendt écrivait dans Condition de l’homme moderne :
« Plus proche, également décisif peut-être, voici un autre événement non moins menaçant. C’est l’avènement de l’automatisation qui, en quelques décennies, probablement videra les usines et libérera l’humanité de son fardeau le plus ancien et le plus naturel, le fardeau du travail, l’asservissement à la nécessité. Là, encore, c’est un aspect fondamental de la condition humaine qui est en jeu, mais la révolte, le désir d’être délivré des peines du labeur, ne sont pas modernes, ils sont aussi vieux que l’histoire. Le fait même d’être affranchi du travail n’est pas nouveau non plus; il comptait jadis parmi les privilèges les plus solidement établis de la minorité. A cet égard, il semblerait que l’on s’est simplement servi du progrès scientifique et technique pour accomplir ce dont toutes les époques avaient rêvé sans jamais pouvoir y parvenir.
Cela n’est vrai, toutefois, qu’en apparence. L’époque moderne s’accompagne de la glorification théorique du travail et elle arrive en fait à transformer la société tout entière en une société de travailleurs. Le souhait seréalise donc, comme dans les contes de fées, au moment où il ne peut que mystifier. C’est une société de travailleurs que l’on va délivrer des chaînes du travail, et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté. Dans cette société qui est égalitaire, car c’est ainsi que le travail fait vivre ensemble les hommes, il ne reste plus de classe, plus d’aristocratie politique ou spirituelle, qui puisse provoquer une restauration des autres facultés de l’homme. Même les présidents, les rois, les premiers ministres voient dans leurs fonctions des emplois nécessaires à la vie de la société, et parmi les intellectuels il ne reste que quelques solitaires pour considérer ce qu’ils font comme des œuvres et non comme des moyens de gagner leur vie. Ce que nous avons devant nous, c’est la perspective d’une société de travailleurs sans travail, c’est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire.»
L’extension du « tout consommation » à l’ensemble de la planète a retardé cette échéance. La crise actuelle montre qu’aujourd’hui nous l’avons atteinte. Il serait temps que les partis politiques qui font de l’économie un moyen au service du bien-être et du vivre ensemble et non des citoyens des « ressources humaines » au service des entreprises, revoient leurs modes de penser. En commençant, comme les y incitent, par exemple, l’association trans-partis Utopia, par identifier les principales aliénations de nos sociétés développés : le dogme de la croissance comme solution aux maux économiques, le dogme de la consommation comme seul critère d’épanouissement individuel, la centralité de la valeur travail comme seule organisation de la vie sociale. En remettant donc en cause le productivisme et en construisant non des alternances mais des alternatives susceptibles d’entraîner le plusgrand nombre.
Cette question devrait être positionnée comme centrale lors des prochaines élections européennes. A défaut, la régression sociale et politique continuera à s’étendre pendant que la gauche politique se déchirera sur les moyens d’accéder au pouvoir sans savoir pourquoi. Quand les idées sont confuses ou dépassées, le combat entre les personnes est dominant.
Comme en était convaincu André Gorz, la sortie du capitalisme a commencé. Il dépend de nous que cette sortie soit civilisée ou barbare.
ééé
ééé