Dans le dernier album, il y a un titre qui me plaît particulièrement. « La Compagnie, des wagons-lits ». Il fait écho à ce que le chanteur disait, vingt ans plus tôt, de « la beauté d’Ava Gardner » et des « vapeurs dans les chemins de fer »…
Souchon n’est pas le premier à se lamenter sur les effets désastreux du progrès sur la relation de proximité ! Vigny, avant lui, regrettait la lenteur et diabolisait les voyages ferroviaires… Que dirais-tu Alfred, à l’heure du TGV, AGV et autres nouveaux engins au ban d’essai ? Comme il en a l’art, Souchon ouvre le clavier des réminiscences pour nous avertir du danger :
« La petite lampe jaune envoyait ses dorures
On traversait le Rhône à toute alllure
Wagons lancés, lits balancés
Nous étions les amants enlacés… »
Que reste-t-il au voyageur quand la porte électronique se referme, quand on ne voit déjà plus les visages derrière la vitre glacée, quand, déjà, les éclats du jour, les voix dans les gares, les odeurs et les escarbilles ne passent plus ? L’imagination, la sensation, l’intelligence des lieux définitivement bâillonnées ?
« Sept heures, pain beurre et jolie porcelaine
Longeant les splendeurs de la côte italienne
Air embaumé, Méditerranée
Transports amoureux surannés… »
A travers « la compagnie », je revis l’un des mes grands voyages en train, et le grand soleil de la Sicile déboulant dans la vitre du wagon, à huit heures du matin, Reggio di Calabria, lueur fauve, grosse orange juteuse qui faisait peler la peau et tomber l’écorce !
Dis, Blaise, tu t’en souviens ?