Jerôme Frignet, chargé de campagne forêt pour Greenpeace , explique de Poznan l’échec des négociations sur un mécanisme de réduction des émissions de GES liées à la destruction des forêts.
Poznan, le 11 décembre 2008. La nécessité d’inclure un mécanisme de réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à la déforestation et la dégradation forestière (désigné par le brillant acronyme REDD…) apparaissait comme l’un des rares sujets sur lesquels la COP de Poznan pouvait livrer un document formel de négociation, tout au moins sur un nombre limité de points plus ou moins consensuels…
Parmi ces points figuraient la reconnaissance de la nécessité d’impliquer les populations autochtones forestières et de reconnaître leurs droits et intérêts ; la nécessité de reconnaître et d’intégrer la préservation de la biodiversité forestière dans tout futur mécanisme REDD ; l’adoption de méthodes de comptabilisation des émissions cohérentes avec l’objectif de préserver les forêts, en évitant toute incitation perverse à la destruction des forêts naturelles.
Trois jours de discussions à huis clos, conclues en milieu de la nuit dernière, ont ruiné l’essentiel de nos attentes. Il n’y aura pas de décision formelle, même partielle, sur REDD. Les négociateurs n’ont pas pu s’accorder sur ce point. Le document de conclusion des débats marque, certes, quelques progrès de procédure auxquels seuls les plus initiés seront sensibles. Pour le reste, c’est une déception majeure !
La discussion sur la biodiversité a tourné court et rien ne figure à ce sujet dans les conclusions. C’est l’UE qui a timidement (et tardivement) lancé le débat sur la biodiversité, mais USA, Canada, Australie et Inde ont effectué un tir de barrage pour éviter toute référence explicite à ce sujet fondamental ! Et malheureusement, en dépit de tous ses beaux discours, l’Europe a très vite baissé pavillon.
La question des peuples autochtones a également permis de mesurer les scandaleuses résistances de certains pays industrialisés, qui se sont opposés à toute référence à un « droit » ou « aux intérêts » des populations autochtones. Ils ne veulent pas non plus que l’on parle de « peuples ». Bref, ne subsiste à ces coupes en règles que la mention de la « participation pleine et effective des populations autochtones et communautés locales ». Plus que jamais, ces populations déjà marginalisés vont devoir s’organiser et se battre pour faire entendre leur voix et ne pas être les perdantes d’un système REDD qui les excluraient des décisions. La leçon de Poznan est claire : les Etats ne leur feront pas de cadeau, et la suite des négociations restera marquée par les égoïsmes nationaux davantage que par un esprit de solidarité.
Enfin, la discussion (très) technique sur les méthodes de comptabilisation des émissions a aussi fait l’objet de blocages. Ce qui est clair… c’est que rien n’est clair, et qu’il faut redoubler de vigilance pour la suite : le point crucial est de garantir que la conversion de forêts naturelles en plantations (y compris en plantations arborées) soit bien considérée comme de la déforestation – ça paraît évident, et pourtant !…– et que des plantations sur des terres déjà dégradées ne puissent pas compenser la destruction des forêts anciennes.
Que faire maintenant ? Il nous reste deux jours de « segment interministériel » pour obtenir que ces éléments fondamentaux reviennent dans un texte formel produit par la COP, sous forme de conclusions ministérielles, ou quelque chose comme cela !, – vous voyez qu’on parle beaucoup procédures ici ! Pas gagné bien sûr, parce que malheureusement, les mêmes pays seront représentés à ce niveau-là également… Mais il y aura plus de visibilité que derrière les portes fermées du groupe de contact… Forçons-les au moins à s’exprimer à visage découvert. Et puis davantage de visibilité aiguillonnera peut-être nos bien timides représentants européens !
Jérôme Frignet