Martin Bouygues sort de sa réserve dans un entretien accordé aux Echos et s'explique à propos de TF1, loi audiovisuelle, relations avec le président de la République, immobilier, Bouygues Telecom, Alstom-Areva. Voici le passage concernant la réforme de l'audiovisuel.
Les Echos : Le gouvernement est en train de faire adopter une loi audiovisuelle qui assouplit la réglementation. Etes-vous satisfait ?
M.Bouygues : Il faut voir d'où l'on vient ! Actuellement, TF1 subit des contraintes réglementaires uniques au monde. Dans aucun autre pays il n'y a autant de réglementation sur la télévision. Le problème, c'est que cette sur-réglementation s'applique spécifiquement à TF1 : M6 n'a pas autant d'obligations que nous et je ne parle même pas des chaînes de la télévision numérique terrestre qui en ont très peu et qui, pour certaines, ne les respectent pas... La réglementation d'aujourd'hui - limitation de la publicité, quotas de production et de diffusion notamment - n'est plus du tout adaptée à l'évolution du paysage audiovisuel, ni même à la réglementation européenne. Les règles du jeu ont changé. Quand le gouvernement dit qu'« il faut se reposer des questions sur ces contraintes réglementaires obsolètes », je ne peux qu'approuver.
L.E. : Que répondez-vous à ceux qui disent que cette loi vous est très favorable, que le gouvernement fait « cadeau sur cadeau » à TF1 ?
M.B : Des cadeaux ? Je n'en vois pas. Pour le moment, on est écrasé par le poids de la réglementation. Il y a trois produits surtaxés en France : l'essence, le tabac et la publicité sur TF1 (rires) ! Honnêtement, je voudrais que l'on m'explique ce qu'a fait TF1 pour mériter ça. Je rappelle que nos concurrents de la TNT ne seront pas taxés comme l'est TF1. Et les autres médias qui font de la publicité et avec lesquels nous sommes en compétition ne seront pas taxés du tout. Alors que, nous, nous allons être taxés deux fois pour financer France Télévisions : une fois à l'aller sur TF1 à 3 %, une fois au retour à 0,9 % sur Bouygues Telecom !
L.E. : La suppression de la publicité sur France Télévisions ne va-t-elle pas profiter aux chaînes privées ?
M.B. : Est-ce que TF1 peut s'attendre à des recettes publicitaires supplémentaires ? Tout le monde dit oui, c'est sûr ! Pour ma part je n'en sais rien, le marché publicitaire est très difficile à prévoir pour 2009 et il est en récession. Autant dire clairement dans la loi que, s'il y a des recettes supplémentaires, TF1 sera taxé et que s'il n'y en a pas il ne le sera pas. A ce propos, j'ai lu les déclarations de Patrick de Carolis (le PDG de France Télévisions, NDLR) : « Le lobbying de TF1 et de M6 est choquant et indécent. Si nos concurrents pouvaient nous mettre le pied dessus comme on écrase une cigarette ils le feraient... » Moi, je dis que Patrick de Carolis a totalement perdu son sang-froid. Je suis très choqué par ces propos. Les débats actuels à l'Assemblée nationale sont tout aussi choquants : nous y sommes insultés quotidiennement ! Je demande un peu de respect : Bouygues est un groupe qui existe depuis 1952, qui emploie 150.000 personnes et qui participe au développement économique et au rayonnement de la France. C'est très mal vécu par les salariés de Bouygues, qui se demandent : « Pour qui ces gens nous prennent-ils ? »
L.E : En avez-vous parlé avec le président de la République ?
M.B : Je connais Nicolas Sarkozy depuis très longtemps, c'est vrai. Je suis conscient du fait que nos relations ne doivent pas constituer un avantage pour le groupe Bouygues. Mais cela ne doit pas être un handicap non plus.
L'intégralité de l'interview sur le site des Echos.