Généralement, je suis très réservé sur ceux qui accueillent les voitures de police à coup de pierres, sur les manifestations qui dégénèrent, sur les manifestants qui cassent et brûlent. Non par impératif moral quand on sait l’immensité des casses sociales opérées par ceux qui délocalisent ou spéculent. Mais, la plupart du temps, j’ai remarqué que les gouvernement en place récupéraient rapidement ces évènements auprès des vieux et de ce qu’ils appellent les “majorités silencieuses”.
Il semble, à ce stade, que ce qui se passe en Grèce, dans au moins une quinzaine de villes, soit différent.
D’une part, la Grèce est un des derniers pays européens où les étudiants soient, assez massivement politisés et contestataires, héritage des luttes contre la dictature des colonels. Ensuite, la quasi-totalité des observateurs notent qu’il ne s’agit pas que d’une agitation de groupes anarcho-autonomes, comme le dirait MAM, mais d’un “mouvement de colère généralisé” d’une mobilisation massive d’une jeunesse qui se sent sacrifiée, qui fait preuve d’une grande méfiance face aux appareils politiques de gauche, et que les manifestants bénéficient d’un large soutien dans la population.
La situation économique est financière de la Grèce n’est pas bonne: importante dette publique, innombrables déficits (La Grèce risque de passer sous supervision de la Commission Européenne), inefficacité de l’état, comme on a pu le voir lors des gigantesques incendies de 2007, corruption assez largement répandue, un gouvernement conservateur (fragile car ne disposant que d’une majorité de deux sièges au Parlement) déconsidéré par une vague de scandales et malheureusement une opposition de gauche qui ne vaut guère mieux. Un édito du Monde (9/12/08) parlait d’un état ” impuissant parce qu’il est déliquescent, miné depuis longtemps par le clientélisme, la corruption, le favoritisme… Les grandes familles - les Caramanlis, Mitsotakis, Papandréou - qui se succèdent au pouvoir depuis des décennies et leurs affidés profitent d’un système dont les retombées arrosaient une large partie de la population“. Fait étonnant, les marchés financiers et la bourse d’Athènes n’avaient pas réagi lundi matin à ces évènements, signe de l’estime dans laquelle ils tiennent ce gouvernement.
Mais c’est surtout la jeunesse qui, en Grèce et sur ce terreau, a pris conscience de ses (très) pauvres perspectives d’avenir dans un pays où “Le système éducatif grec est paupérisé, les enseignants au Smic et les universités souvent sous-équipées”. (Libération). A la crise économique qui a suivi les dispendieux Jeux Olympiques de 2004, se rajoutent les effets de la mondialisation et, maintenant ceux de la crise financière et économique. Les journalistes présents dans le pays parlent tous d’une “exaspération” des jeunes sur fond de crise sociale généralisée.
La jonction s’est opérée mercredi avec les centrales syndicales, qui avaient depuis longtemps appelé à une grève nationale avec manifestation de masse, a permis au mouvement de franchir une étape.
Libération terminait ainsi son édito: “On aurait tort de considérer ce qui se passe à Athènes comme un soulèvement exotique sur fond de ruines et de mer bleue. C’est en Europe que ces révoltes éclatent; c’est de la crise qu’elles se nourrissent ; c’est du refus de la politique politicienne qu’elles s’alimentent. Essayons de comprendre ce qui se passe à Athènes. Ce n’est pas aussi loin qu’on le pense”.