Il était une fois dans un pays lointain, les États-Unis, plus précisément sur la côte Ouest, une ville, Los Angeles où vivaient des irréductibles. Ces derniers vivant dans des zones de non-droit s'affranchissaient de bons nombres de règles de sens moral. Gangs, drogue, prostitution, criminalité record, argent sale, corruption, pauvreté, tout réduisait ces quartiers à l'Antre du Diable.
A vrai dire, ils sont ce que la tumeur cancéreuse est au corps humain. Tous les facteurs sont présents pour que se développe de manière anarchique la gangrène, mettant à mal la santé de la société. Bien souvent, ils sont le point de jonction de nombreuses communautés pauvres ayant fuient leur pays en espérant un avenir meilleur auprès de l'Oncle Sam. Hispanique, Européens de l'Est, Afro-américains, Asiatiques, tous sont réunis pour le meilleur et surtout pour le pire. Là où la vision utopique d'une société parfaite où chacun vivrait en harmonie avec son prochain, sans heurts, quelques soit ses us et coutumes ou tout du moins ses origines, reste pour le coup seulement une image d'esprit. La réalité est bien moins rose. Souvent la survie des uns et des autres est perçue comme liée à celle de sa communauté qui mène des guerres d'influences. La confiance accordée, déjà peu élevée, se limite alors souvent à cette dernière. Notons également qu'un lien avec le pays d'origine reste toujours entretenu. Ce lien, sournoisement, sert de passerelle à bons nombres d'organisations criminelles qui exploitent la porte d'entrée que leur offrent ces quartiers pour étendre leur pouvoir dans la manne financière que représente les États-Unis. C'est alors dans ces endroits que se concentrent divers trafic: stupéfiants, armes, capitaux, femmes, etc...
Si on ajoute à cela, la pauvreté des familles issues de l'immigration clandestine. Les habitants privilégiant les activités douteuses de la communauté, à terme, plus protectrices et lucratives que celles de la société qui, elles, semblent dévolues à l'enrichissement de l'homme Blanc. La faiblesse des structures sanitaires transformant ces quartiers en pièges à rats, insalubres, dominés par les lois de la jungle où à priori sa survie reste avant tout une affaire personnelle. Les maladies véhiculées, renforcées par l'emprise grandissante des drogues sur les populations. La domination écrasante des mafias avec à leur tête des magnats tous empreints à de morales douteuses, existants avant tout pour faire grandir leur fortune personnelle et l'influence de leur organisation. Influence telle qu'elles sont maintenant hors de portée de toute tentative de démantellement même pour les sociétés aussi riches et strictes que celle des États-Unis. L'échec social où les taux de scolarisation sont trop faibles creusant un gouffre culturel, laissant peu d'espoir d'avenir meilleur pour les jeunes générations et compromettant, en plus, les possibilités d'intégration au sein de la société. L'augmentation des sujets à la psychopathie avec un quotidien violent, banalisé par la télévision, les jeux vidéos. L'état dans lequel The Shield nous dépeint une facette de l'Amérique devient glaçante et fait vite oublier le fast des beaux quartiers si souvent mis en avant.
La société déploie alors son système immunitaire. On constate que la réponse donnée demeure, dans sa mesure, très insuffisante devant l'ampleur de la lutte à accomplir. Les moyens accordés sont dérisoires comme en témoigne les commissariats montés à la va-vite, où le succès repose davantage sur la qualité des agents et des enquêteurs que sur la technologie ou les moyens humains mis à disposition. A cet effet dans le commissariat de Farmington, bâti ironiquement dans une ancienne église, on compte un ordinateur. De même, sans doute pour économiser des effectifs, on met en place une équipe spéciale, une équipe de choc. Une sorte de commando chargé d'infiltrer les milieux mafieux et détruire à la source les dangers de la rue. Cette organisation implique alors une présence moindre des policiers au plus proche des gens. Ce que ces derniers ne manquent pas de leur rappeler en leur demandant sans cesse où ils sont et pourquoi ils ne les voient pas alors que la violence déborde à leur fenêtre.
Farmington met donc en place une équipe. Remarquez à la base, sa constitution, douteuse et fragile puisque le commandant de police alors en place la monte par pistons. Pas de sélections des membres, pas d'évaluations morales, ni de capacités à affronter le terrain. Pas d'analyses de leurs passifs ou de leurs stratégies pour ébranler la montagne. Ajoutons à cela un commandant de police lui même très douteux, sujet à la dépression et aux coups foireux, on obtient alors non pas un commando taillé pour lutter dignement et efficacement contre le chaos de la rue mais plutôt un gang de la police. Un gang qui fonctionne de la même manière que les autres, en cherchant d'abord à assurer sa survie, en tentant, grâce à la plaque, de s'accaparer des gros coups et monter en respectabilité. Tenir en joug les gangs du coin et récupérer officieusement de substantiels bénéfices, voilà qui assurent sans doute une meilleure protection pour sa famille et espérer quitter un jour rapidement ce marasme. Quand en plus, les difficultés familiales s'accumulent, enfants malades, chômage du conjoint, comment alors continuer à faire vivre sa famille avec son salaire de policier qui ne peut suffire à lui seul à couvrir le coût des soins nécessaires?
Et puis peu accepte de travailler dans de tels milieux. Convenez bien qu'il est bien moins stressant de surveiller les villas des milliardaires d'Hollywood que d'arrêter une guerre des rues. Du coup, les inspecteurs envoyés sont souvent ceux qui ont été poussés vers la sortie ou que plus personne ne voulait. Ce qui fragilise encore un peu plus l'efficacité de ces forces de l'ordre et le retour à l'harmonie.
C'est ainsi que la Strike Team de Farmington emmenée par Vic MacKey, d'abord animé par son nombril, joue avec les lois quand ça l'arrange plutôt que de les faire respecter au sens strict du terme. Ils s'autorisent sans mal à les transgresser pour peu que pour eux ce soit le seul moyen de parvenir au but final. Le problème qui se pose alors est de savoir à quel moment s'arrêter? Et puis, peut-on vraiment s'arrêter et un jour boucler une enquête sans y avoir eu recours? Ce n'est pas la Strike Team qui nous prouvera le contraire et surtout pas Shane. Il est ce que l'on peut appeler un dommage collatéral à ce type de méthodes et quel dommage!
Vic est ce qu'il est, le maitrise complètement puisque sa façon d'être, c'est lui-même. Cela va de soit. Shane, lui, sur lequel on peut parier une enfance difficile étant donné son attachement à protéger les enfants, a vu en Vic, un tuteur, un mentor sur lequel s'appuyer pour un jour déjouer tous les mauvais coups contre lui et être le roi comme Vic y arrive plus ou moins. Vic le fascine et il a sans doute cherché en lui ce qui lui permettrait d'être respecté, totalement respecté. Mais n'est pas Vic MacKey qui le veut. Il a un talent incroyable. Il gère mieux que personne les relations humaines et trouve rapidement le moyen de prendre le dessus sur son interlocuteur. Il arrive en plus à calculer mieux que personne le destin de ses actions. Chose que peu de gens peuvent faire si ce n'est seulement lui-même. Shane suit cette pente et le prend en exemple. A ses risques et périls car lui ne le maitrise pas ce talent. Il ne l'a pas. De plus Shane reste quelque part Shane. Il est moins prévoyant, encore plus égoïste, et bien plus émotif que Vic. Il se laisse davantage mener par ses émotions que par sa raison. Du coup, Shane comme le dit si bien Vic, entre dans un trou noir qui le mène peu à peu à la destruction. Vic lui aussi y entre mais le trou noir, c'est lui. Il engloutit tout sur son passage pour qu'au final, il ne reste...plus que lui.
Enfin, ces méthodes sont-elles vraiment plus efficaces pour arriver au cœur du mal que les plus traditionnelles? Julian ou Ronnie prouvent le contraire. Une enquête, une infiltration dans les règles de l'art mène, elle aussi, sans détour à dénicher les coupables. Reste que cela est bien plus difficile à mettre en place et d'en assurer la réussite que de coller sur la tempe de la racaille un gros calibre et lui demander le nom et l'adresse du coupable. Cela évite également de donner le mauvais exemple. En effet, en utilisant les mêmes méthodes que ceux qu'il combat, Vic à contre coup légitime certaines pratiques. A combien de menaces, a combien de vengeances dans les rues a t'on assisté? Pour finir, le jour où le resplendissant Vic n'est plus là, que se passera t'il?
The Shield nous interroge, ainsi, sur le prix à payer pour notre sécurité. Là où le contrôle de la société échappe, faut-il alors qu'elle déploie, dans la méconnaissance et incompréhension totale des véritables problèmes, des stratagèmes qui font plus penser à une guerre intérieure où chacun des parties défend la force de son égo? Au final, la note est lourde sur le plan moral. Lorsque vient alors le temps de se regarder dans la glace que reste t'il alors de nous et des autres?