Le monde sarkozyste est un monde de vitesse. Le rythme y sert de postiche. Il masque commodément
Car penser n’est possible qu’à la condition expresse de prendre le temps nécessaire: envisager les enjeux, développer les problèmes et les solutions, puis les objections que l’on pourrait soulever face à ces dernières, cela nécessite stabilité, échange, et réflexion. Donc du temps.
Pierre Bourdieu, il y a douze ans, dénonçait la télévision comme un espace où il est impossible de penser faute de temps. Les questions devant succéder aux interrogations, la réponse - et le travail qu’elle suppose - n’a plus de place. Avant lui, Périclès avait expliqué - du moins d’après Thucydide - ce qui faisait la spécificité de la démocratie athénienne: elle représentait le seul régime politique de son époque où il était possible de prendre le temps de la discussion et de la réflexion avant de se lancer dans l’action. Tout autre type de fonctionnement relevait, d’après Périclès, de l’exercice irréfléchi du pouvoir, et représentait par conséquent une tyrannie où la sagesse collective ne pouvait plus se faire entendre.
Ainsi s’enracinera dans le fonctionnement des débats parlementaires le principe profond du présidentialisme qui putréfie chaque jour un peu plus ce pays.
Purement ornemental, le débat n’aura plus pour fonction que de maintenir l’apparence de la démocratie. Le fait
Que l’on ait trouvé une solution ou non n’a pas d’importance: une fois le temps de discussion rempli, utilement ou non, on fermera le ban.
Téléplouk et l’ORTF auront filmé les débats, le bon peuple aura vu la plaisanterie démocratie en marche, et il n’y aura plus qu’à voter.
À voter quoi? Mais ce qui est était déjà décidé en amont, dans Son Infinie Sagesse, par Notre Président bien sûr! Puis transmis par ses séïdes invertébrés au godillot-UMP, puis aux Chambres d’Enregistrement des Volontés Présidentielles, puis, simultanément, aux hommes-carpettes qui ânonneront leur prompteur devant la caméra et aux gratte-papiers qui recopieront leurs dépêches en se mordant la langue d’application, puis au populo, qui n’aura plus qu’à fermer sa gueule - ou à faire la révolution.
La fin de la discussion est synonyme de la mise en place d’un pouvoir tyrannique, disait Périclès.
Bienvenue dans la fin de la discussion!