La belle Rama n'est plus en grâce, et c'est fort regrettable, car pour ma part, je trouve que c'est l'une des rares voix fortes et honnêtes en Sarkozie. Quand je pense que le French Doctor s'est construit une image sur une réputation d'intégrité et de défenseur des faibles...et le voilà qui attaque le Secrétariat aux droits de l'homme le jour même de leur déclaration universelle. Bernard Kouchner est décidément tombé bien bas...
Rama Yade est honnête : elle ne souhaite pas s'investir sur une liste aux Européennes parce qu'elle n'est pas motivée pour le faire. La voilà punie par le Grand Ordonnateur : Nicolas Sarkozy laisse son ministre faire une sortie inacceptable contre elle, renonce à lui proposer le poste de Jouyet et la désigne comme tête de liste sur les sièges éjectables lors du remaniement de janvier. Ce n'est pas facile d'être intègre en politique et de résister quand on est sincèrement attaché à la défense des droits humains. J'ai trouvé bien, d'ailleurs, l'intervention de Copé qui a immédiatement contredit Kouchner et a estimé que Rama Yade avait fait son travail lorsque sa voix était divergente.
Cela dit, au-delà de l'affaire, il y a une rélle problématique qu'il n'est pas aisé de résoudre. La nature de la diplomatie, c'est d'arrondir les angles, alors que la défense des droits humains c'est au contraire de les conserver aussi carrés que possible. Je trouve la déclaration de Kouchner mpal venue, mais je lui accorde tout de même le crédit d'avoir eu surtout cette problématique en vue quand il s'est exprimé. Je crois que ce n'est pas simple de trouver la voie moyenne entre l'efficacité et le principe. Ainsi, vaut-il mieux un tyran réintégré dans la communauté mondiale avec son cortège de crimes, mais, diplomatiquement assagi, ou bien un tyran mis au ban de la communauté mondiale mais bien déterminé à encourager la terreur sous toutes ses formes ? Peut-on s'essuyer sur l'éthique, et jusqu'à quel point ? Et quand je pose cette question, il n'y a pas d'ironie de ma part. Je suis très sérieux et ne prétends pas apporter par avance une réponse convenue. Dans les premiers temps, Sarkozy a semblé s'orienter vers une politique d'efficacité (à ne pas confondre avec la real-politik dont le moteur est le cynisme), notamment avec les otages en Afghanistan, au tout début de son mandat, puis en Lybie, avec les infirmières bulgares. Jusque là, on pouvait discuter de la méhode et de sa pertinence. Dès lors qu'il s'est vu en VRP des usines d'armement (ou autres) et non en Président de la République Française, il a modifié la nature de son action diplomatique.
Je pouvais comprendre son désir d'efficacité en Lybie et en Afghanistan. Mais, quand ils 'agit de signer des contrats commerciaux, il n'est pas nécessaire d'abandonner le droit et la morale : il y a d'autres moyens de pression. La France est une puissance commerciale. L'Europe aussi. Nous n'avons pas vocation à nous incliner devant les tyrans parce qu'ils ont des liquidités et des matières premières. Leurs matières premières, il faut qu'ils les vendent. Or, et l'Europe et la France ont, en réalité, avec de la volonté, les moyens de trouver des produits de synthèse. Donc, on peut très bien utiliser l'arme commerciale pour faire pression sur les dictatures sans pour autant dérouler le tapis rouge à leurs chefs.
Nicolas Sarkozy n'a pas fait ce choix, sans doute parce qu'il est plus subtil et plus complexe à mettre en place, et je le lui reproche. Si Rama Yade est évincée aujourd'hui, c'est la conséquence de ce renoncement.