Le 10 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait à Paris la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Ce 60 éme anniversaire devrait être pour la France l’occasion de balayer devant sa porte. Stéphane Hessel, co-auteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme dresse un constat sévère : La France ne peut se targuer d’être exemplaire en matière de droits humains vu sa façon de traiter les étrangers et les prisonniers.
Plutôt qu’une politique des droits de l’Homme, Rama Yade a choisi celle de l’autruche. A lire l’entretien consenti ce jour au quotidien Métro, la secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme apparaît satisfaite d’elle-même et de son bilan de 18 mois au gouvernement. A l’inverse, Bernard Kouchner son ministre de tutelle estime dans Le Parisien que son idée de créer un secrétariat d’Etat aux droits de l’Homme était… une erreur. “Je pense que j’ai eu tort de demander un secrétariat d’Etat aux droits de l’Homme. C’est une erreur. Car il y a contradiction permanente entre les droits de l’Homme et la politique étrangère d’un Etat, même en France”, affirme le cynique patron du Quai d’Orsay promu en figure de proue de la realpolitik après avoir construit sa notoriété sur le droit d’ingérence.
Le chef de la diplomatie française a estimé que Rama Yade « a fait, avec talent, ce qu’elle a pu » mais en filigrane, on devine que ce n’est pas grand chose. Cet échec souligne le problème du positionnement de ce secrétariat d’Etat. A défaut de pouvoir agir à l’extérieur, il devrait, pour avoir du sens, être tourné vers la situation intérieure en étant directement rattaché à Matignon.
Stéphane Hessel, co-auteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, n’est pas le seul à porter un regard critique sur ce qui se passe dans nos frontières. En avril 2007, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour la façon dont elle renvoie les étrangers menacés dans leur pays d’origine. Plus récemment, elle lui a demandé de surseoir à un projet de charter franco-britannique visant à rapatrier vers leur pays des Afghans en situation irrégulière. “La France ne fait pas ce qu’elle devrait car elle a une tradition de pays d’immigration et de pays d’asile. Elle n’est pas la hauteur” , regrette le vieil homme.
L’autre sujet brûlant c’est la situation indigne des prisons. Le 16 octobre, après de multiples rapports humiliants et accablants, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné Paris pour manquement à son obligation de protéger le droit à la vie d’un détenu. La justice est devenue le parent pauvre de la 5ème puissance économique mondiale. Manque de juges, manque de places en prisons, interprétations laxistes du code de procédure pénale et multiplication du nombre de gardes à vue. Ces dernières années ces procédures qui oscillent entre humiliation pression et arbitraire ont doublé pour atteindre le chiffre faramineux de 562 000 en 2007.
Dans une tribune publiée sur le site internet Contreinfo , Corinne Lepage, avocate et ancienne ministre de l’environnement n’hésite pas à évoquer une régression démocratique. « (…) Nous n’avons rien à envier aux américains. La passivité organisée par la société médiatique, le règne de « l’insignifiance » aux lieux et places de l’information et du débat, « la vente du temps de cerveau disponible » pour acheter du Coca-cola ne sont pas nouveaux. Mais, nous sommes aujourd’hui entrés dans le « dur » c’est à-dire dans l’organisation du verrouillage de la société directement en opposition à la liberté d’expression et à la liberté du choix politique que celle-ci conditionne. Le vote de la loi sur l’audiovisuel qui vise à détruire la télé publique pour en faire la chose du pouvoir et non la garantie de l’information des Français est un acte grave qui nous ramène 40 ans en arrière. Le flicage qui se met en place par un fichage généralisé que George Orwell n’aurait osé imaginé est la deuxième pièce du puzzle.(…) La 3éme étape est la mise en coupe réglée de la justice par la privation de moyens, la suppression de toute indépendance de la magistrature et donc de la confiance nécessaire du justiciable dans son juge. (…) Désinformation, surveillance généralisée et une justice aux ordres sont les manifestations d’une société qui tourne le dos aux droits de l’Homme. Certes, le terrorisme, la violence et même les incivilités doivent être combattus. (…)Et l’outil majeur est précisément la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, qui réunit l’un et l’autre car toucher à l’un, c’est nuire à l’autre. Pour y tourner le dos, nous risquons de compromettre un équilibre déjà fragile et de nous exposer au retour à la barbarie ».
Pas besoin d’être grand clerc pour saisir qu’en ce début de nouveau siècle, le vernis démocratique, même dans nos vieux pays, est d’une grande fragilité. Face aux vents mauvais qui ont tendance à souffler sur notre continent, les institutions européennes, la Cour de Justice des Communautés Européennes mais surtout la Cour Européenne des Droits de l’Homme représentent la main qui protége la flamme vacillante de ces droits. L’Histoire et ses éternels recommencements nous rappellent que rien n’est acquis et que la vigilance en tous domaines s’impose.
Lien vers le site de Nations Unies (Connaissez vos droits)