Qu’est-ce qui distingue Lausanne, où la Municipalité voulait ouvrir un espace de consommation de drogues et Saint-Moritz, où le président de commune se dit bien embêté de décrocher la 6e place mondiale du nombre de ligne de cocaïne snifées – ou injectées ? – pour mille habitants ?
Qu’est-ce qui fait qu’à Lausanne les partis bourgeois, dont la populiste UDC, se sont littéralement acharnés contre un espace de consommation destiné à diminuer les risques encourus - SIDA, hépatites, overdoses, etc … - par les toxicomanes, alors qu’à Saint-Moritz, commune pas particulièrement à gauche, Peter Barth, le président de commune déclare « C’est un problème général de société. On ne va quand même pas faire la guerre. »
Qu’est-ce qui fait qu’à Lausanne, les opposants au local de consommation poussaient des cris d’orfraies à l’idée de l’existence de la zone de non droit que constituerait l’espace de consommation de drogues, bien évidemment illégales, alors qu’à Saint-Moritz le chef de la police déclare : « On peut bien faire des descentes dans les clubs, mais cela n’est pas très utile. »
Qu’est-ce qui fait qu’à Lausanne les toxicomanes sont mal venus alors qu’ils sont les bienvenus à Saint-Moritz ?
L’explication est pourtant simple, les toxicomanes qui peuplent la place de la Riponne à Lausanne sont pauvres, sales, font du bruit en public et ne rapportent rien à la société. Ceux qui peuplent les discothèques et clubs privés de Saint-Moritz sont riches, sentent bon et font un bruit raffiné dans un espace privé tout en emmenant dans leurs bagages, avec la coke (?!), des montagnes de dollars ou d’euros.
Les toxicomanes de Saint-Moritz sont des gens de la haute, ceux de la Riponne sont des gueux. Et c’est bien connu : la société doit tout au beau monde alors que les marginaux doivent tout à la société. C’est d’ailleurs ce qu’avait finement rappelé Bernard Nicod, cocaïnomane à l’insu de son plein gré, lorsqu’il avait traité en 2003 les manifestants anti-G8 de détritus de la société.
Que celui ou celle qui pense que la lutte des classes est une vieillerie de gauchiste passéiste réfléchisse bien avant de faire un commentaire dans ce sens. À mon avis la lutte des classes a encore de beaux jours devant elle.
J’allais oublier, pour sa prochaine campagne d’affichage anti-drogue à Saint-Moritz, l’UDC devrait prévoir une affiche représentant une petite Heidi de la jet-set snifant un gros rail de coke.
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