1er livre : Tableau géographique – portrait début de la rébellion.
Une troupe vint de Métropole.
La littérature n'exprime pas, elle comprime. / Image : moment où l'on rejoint le grand circuit électrique des signes.
Le vide en soi : tout, images, sentiments, etc., est à l'extérieur de soi. Devenir ce que l'on contemple, ce qu'on agit, seul le désir est à l'intérieur de soi. On est tout ce qui est autour de soi.
Renforcer la 1re partie, préciser, ajouter beaucoup, faire un vrai 1er livre de 50-70 pages.
Rupture : je ferme la porte, un linge de toilette reste accroché à mon épaule : je le jette au bas de la porte.
Un chapitre sur le théâtre. Caves sous-sols où un vieillard distribue les costumes. Des garçons teints en roux se pressent pour être les amants du metteur en scène. Loges-boudoirs. Figurants : on ne leur dit pas où ils doivent aller. Des soldats prennent en chasse 2 de ces garçons (ou des enfants) teints et les poursuivent jusqu'à la mer où ils les égorgent, le sang se mêle à la teinture dans l'eau. Tous les égorgements-poursuites s'achèvent sur la plage. Cycles à éviter un peu > ou bien les poursuivent dans les décombres, les terrains vagues.
Les théâtreux viennent aux extrémités du camp toucher des soldats nègres derrière les troncs des eucalyptus.
Paragraphes sur la musique, mettre en scène un musicien : (Prokoviev-Haydn). Prokoviev, robuste, travailleur (plus intéressé par une machine ou un travail Ponts et Chaussées).
1re partie : début de la Rébellion, un homme se lève et voit la mer couverte de bateaux.
Noms : Amelio, Pino, Kara, général Massacrier, général Angiosperme.
Fuite de quelques petits castrats, le soir de la gabarre au jardin. Ils s'enfuient, se forment en bande. Ils sont peu à peu décimés ou réduits à se vendre – ou à se montrer dans les foires (2 font l'amour, etc.) ou bien autre numéro (miment avec une fille les approches amoureuses, puis, au moment de faire l'amour, dévoilent leur mutilation, spectacle pour particuliers corrompus [en Métropole peut-être]).
Même si ce livre n'est pas encore un chef-d'œuvre il en annonce un prochain.
Pierre Guyotat, Carnets de bord volume 1, Lignes Manifeste, P. 124-125.
Magazine Culture
Le premier volume des Carnets de bord de Pierre Guyotat rassemble ses notes, fragments, saccades gribouillés entre 1962 et 1969. Près de sept cent pages de notes parfois sèches, d'autres cycliques. Un reflet du monde s'y dévoile craquelé, brisé en millions de pièces incompressibles. Les esquisses préparatoires à l'élaboration d'un livre deviennent, le temps d'une page ou deux, kaléidoscope de la pensée brute. Chaotique. L'ordre à l'échelle la plus petite est forcé net, il n'a pas sa place dans l'agencement des phrases, celles-ci préparent le terreau d'un ordre à plus grande échelle, beaucoup plus pesant, un comportement, une pathologie. La lecture de ces notes, parfois diffuses, parfois absconses, permet d'en relever pourtant la substance précieuse : la littérature n'exprime pas, elle comprime. Le moment où l'on rejoint le grand circuit électrique des signes, quant à lui, c'est déjà, peut-être, à échelle décalée, à supposer qu'on dévie légèrement, un semblant de vitesse des choses.