Un billet un peu particulier pour relever ce qui aurait pu être une bonne
nouvelle mais qui ne l’est malheureusement pas tant que cela. Dans un billet en
2007 (ici) j’exprimais mon
humeur scandalisée après que les USA aient fait des remontrances publiques à
Israël pour avoir employé des bombe à sous munitions (BASM) pendant leur
intrusion au Liban, dans des zones ou habitaient des populations
civiles.
Le caractère scandalisé de mon humeur n’était évidemment pas lié à la
remontrance en tant que telle mais au fait que ces BASM avait été fabriquées et
vendues aux Israéliens par les américains eux-mêmes. J’avais considéré et je
considère toujours comme particulièrement ignoble cette hypocrisie qui consiste
à fabriquer et à vendre des armes notoirement dangereuses pour les populations
civiles et notamment pour les enfants, puis à s’indigner qu’elles soient
utilisées.
Pour ceux qui ne connaitraient pas, les BASM sont des bombes qui peuvent
contenir plusieurs centaines de "bombinettes" qui se dispersent sur un vaste
périmètre et en conséquence sans aucune précision, avec un risque de dégâts
« collatéraux » importants.
Plus grave encore, on estime qu’entre 30 et 50% de ces bombinettes
n’explosent pas ce qui en fait, de facto, des mines antipersonnel, lesquelles
sont interdites par la Convention d'Ottawa de 1997. Selon Handicap
International, environ 100.000 personnes, dont 98% de civils, ont été tuées ou
mutilées dans l'explosion de ces engins à travers le monde depuis 1965. Plus
d'un quart sont des enfants qui les confondent avec des jouets ou des boîtes de
conserve.
Si je reviens à l’actualité plus immédiate, la bonne nouvelle c’est qu’une
centaine de pays ont signé à Oslo, un traité d'interdiction totale de ces
bombes à sous-munitions.
Plus précisément, le traité en interdit non seulement la production et
l'utilisation mais également le stockage, le commerce et le transfert. Enfin,
il oblige les signataires à venir en aide aux pays et personnes victimes des
BASM.
En cela, cette nouvelle est vraiment une bonne nouvelle !
Des pays comme la France qui après avoir longtemps trainé des pieds
(remercions, à ce propos, Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner et Hervé Morin qui
avaient pris position pour une interdiction de ces armes avant leur entrée en
fonction), et qui produisait et achetait pour son armée des BASM, s’engage non
seulement à les interdire purement et simplement, à ne plus en posséder, mais
également à aider ceux qui en seraient victimes !
Le lien avec la mauvaise nouvelle est en conséquence vite fait, si il
continue à y avoir des victimes c’est que certains continuent à utiliser ces
armes et si certains continuent à les utiliser c’est qu’eux même ou d’autres
continuent à les produire et à les vendre.
Effectivement, la mauvaise nouvelle c’est que parmi les pays signataires on
ne trouve ni les USA, ni la Chine, ni la Russie, ni l’Inde, ni le Pakistan qui
sont pourtant de gros producteurs de ces saloperies.
Les Etats-Unis en sont même les premiers producteurs au monde. En 2007, 8
entreprises ont été identifiées comme produisant et faisant la promotion des
sous-munitions ou des bombes à sous-munitions (Cf. Handicap
International).
Les américains se sont toujours opposés à un tel traité arguant que ces
armes étaient indispensables à son armée. L’administration américaine a même
menacé les pays signataires du futur traité de ne plus participer à des
opérations conjointes de maintien de la paix ou d’aide humanitaire.
L’attitude des américains n’est guère surprenante lorsque l’on connait leur
rapport avec les armes. Ils préfèrent clairement interdire le camembert au lait
cru qu’une arme fut-elle particulièrement meurtrière pour les populations
civiles.
Cela étant, après une première réaction pas forcément erronée, consistant à
se dire « ces américains, ne changeront jamais, le business avant tout,
malgré leur prosélyte moralisme, leurs décisions sont toujours dictées par les
lobbies militaires et industriels », mais ne voulant pas avoir l’air de faire
de l’anti-américanisme primaire, je vais essayer d’exposer leur point de
vue.
L’attitude des américains peut s’expliquer de 2 manières:
Tout d’abord, ils considèrent que puisque leur armée semble particulièrement
y tenir, il vaut mieux fiabiliser ces armes en diminuant le taux de bombinettes
qui n’explosent pas, que de les interdire.
Le Congrès a adopté une loi dans ce sens en 2007, interdisant tout transfert
d’armes à sous-munitions ayant un taux d’échec supérieur à 1%.
Il y a également, certainement, l’argument assez classique consistant à se
dire « si ce n’est pas nous qui vendons ces armes, ça sera les Russes ou
les Chinois qui, eux, ne s’embarrasseront pas de considérations morales
».
Que dire face à ces 2 arguments ?
Qu’effectivement, faire descendre le taux d’échec des bombinettes à moins de
1% réduirait le risque pour les populations civiles et notamment pour les
enfants de les voir leur exploser à la figure, plusieurs semaines, mois, voire
années après les combats. Néanmoins, 1% sur plusieurs centaines que peut
contenir une BASM, cela fait encore trop !
De plus, le manque de précision inhérent à ce type d’arme, reste une source
importante de dommages collatéraux d’autant plus que l’on est plus à l’ère des
combats en ligne façon guerre de 14 ou guerres napoléoniennes et que les
combattant agissent souvent au sein de zones urbaines ou semi-urbaines ou les
civiles ne sont jamais très loin (l’utilisation de ces armes par Israël lors de
son intrusion au Liban en est la parfaite illustration).
Enfin, en en refusant l’interdiction, les Etats-Unis donnent une bonne
excuse à des pays qui continueront à produire, utiliser et/ou diffuser des BASM
moins « évoluées ». Comment espérer convaincre les chinois, les russes ou
les indiens de ne plus produire ce type d’armes, si les USA le font eux même et
à grande échelle de surcroit !
En conséquence de quoi, malgré un effort méritant d’objectivité, je persiste à penser que les Etats-Unis, toujours prêts à exporter massivement leur religion, leur morale et leurs beaux principes démocratiques font preuve sur ce sujet d’une belle et hypocrite immoralité.