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Tristan et Iseult dans la jungle vietnamienne

Publié le 08 décembre 2008 par Magda

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Duong Thu Huon, auteur vietnamienne

Je sais que ce mot, nous n’avons le droit de l’employer qu’avec parcimonie ; qu’on ne doit jamais en abuser, et que tout blogueur “littéraire” qui se respecte ne peut se sentir autorisé à l’écrire qu’après y avoir mûrement réfléchi : je viens de lire un chef-d’oeuvre. Un vrai, grand, sublime chef-d’œuvre.

Il s’agit de Terre des oublis, de l’écrivain vietnamienne Duong Thu Huong, un pavé publié dans la ravissante édition de Sabine Wespieser, en 2006. L’histoire d’un homme, Bôn, qui revient de quatorze années de guerre du Vietnam, et que l’on croyait mort. Il n’a tenu à travers toutes ces épreuves que pour le bonheur de retrouver sa femme, la belle Miên. Mais celle-ci est mariée à l’homme parfait, Hoan, un riche planteur, et vit le grand amour. Par honneur, par dévouement, et par peur de la rumeur populaire, Miên se rend à Bôn et l’enfer commence. Iseult abandonne Tristan à son sort.

A partir de ce postulat très simple, et cependant absurde, voire révoltant (briser de ses propres mains sa plus grande histoire d’amour) Duong Thu Huong crée une histoire à trois voix, alternant des passages descriptifs d’une éblouissante sensualité - où la nature de la jungle et de la montagne se mêle à l’animalité de l’homme - et des pensées intérieures,  murmure continuel de l’âme humaine. Une plume au parfum délicat du thé au jasmin qu’aime tant boire Miên, l’héroïne du roman.

Mais le talent de l’auteur ne s’arrête pas à cette écriture ciselée : la structure du récit est extrêmement construite, faisant de cette histoire toute intérieure et émotionnelle un roman véritablement palpitant où rien n’est prévisible.

C’est aussi un document puissamment émouvant sur les blessures de l’âme laissée par les années de guerre. Bôn, le premier mari, ancien soldat, n’a connu que la vie d’un combattant ; incapable de se réadapter à une vie en société et de prendre son destin en main, il glisse doucement vers la folie. Mais cela, Duong Thu Huong ne l’assène jamais. C’est par l’identification à ce personnage pourri de malchance que nous comprenons, petit à petit, combien l’horreur des combats a détruit cet homme et l’a laissé indigne de vivre parmi ses semblables.

Sans jugement sur ses personnages, sans brusquerie, Duong Thu Huong nous entraîne par le bout du coeur dans la jungle touffue et terrifiante des sentiments amoureux. Et me laisse pantoise, haletante, assoiffée d’autres lectures de sa plume (pourtant, Terre des oublis est un sacré pavé). Un chef-d’oeuvre, je vous dis!

  

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