Rafraîchissante récréation empruntant les chemins de traverse du Wu Xia Pian, le très codifié genre chevaleresque du cinéma chinois, les « Histoires de fantômes chinois » contées en 1987 par un Ching Siu-Tong et un Tsui Hark au sommet de leur art vont presque instantanément gagner le panthéon des œuvres asiatiques les plus emblématiques. Saupoudrées d’humour et d’autodérision, tout en préservant les qualités artistiques et la créativité incontestables des auteurs hongkongais, les tribulations d’un trio singulier aux prises avec un revenant assoiffé de sang s’imposent comme un jalon mythique du cinéma insulaire.
© Metropolitan Filmexport
Il y a vingt ans tout juste, le public du Festival du film fantastique d’Avoriaz écarquillait les yeux devant les aventures picaresques de Ning, un jeune et bien gauche collecteur d’impôts interprété par Leslie Cheung, étoile filante du cinéma HK trop tôt disparu – il s’est donné la mort en 2003 – alors déjà propulsé au-devant de la scène par sa collaboration, l’année précédente, avec un certain John Woo à l’occasion du premier volet du « Syndicat du crime ». Le percepteur maladroit, en quête d’un refuge pour la nuit, tombe dans les rets tendus par une marâtre, spectrale et maléfique, qui déploie les charmes de belles succubes afin d’amadouer les voyageurs franchissant le seuil maudit d’un temple sinistre. La ravissante tentatrice s’éprenant de l’ingénu Ning, voici que notre fantôme renonce à sa mission, s’exposant aux foudres de la monstrueuse duègne. C’est alors que survient un capitaine de l’armée impériale, écoeuré par la vie militaire et reconverti dans la chasse aux spectres. Une fois ses mœurs patibulaires apaisées, le redoutable quoique goguenard guerrier barbu se laisse convaincre par les deux tourtereaux de faire cause commune, et les trois compères entreprennent de déjouer la machination du monstre.
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Premier et meilleur opus d’une trilogie entrée la légende, « Histoires de fantômes chinois » s’est forgé une solide popularité à travers le monde, qui a beaucoup contribué à reconsidérer le cinéma hongkongais sous un angle moins réducteur que les pitreries certes habiles d’un Jackie Chan prenant alors le relais de Bruce Lee. Le « petit dragon », lui aussi disparu, et son jovial héritier étaient alors bien près d’enfermer définitivement aux yeux du monde le cinéma chinois dans le carcan du film d’arts martiaux musclé, parfois ponctué de bouffonneries d’un goût discutable. La beauté lascive de la sublime Joey Wong, la bonhomie d’un Wu Ma grimé et le charme quelque peu désuet toutefois des effets spéciaux ajoutent à la dimension « culte » de l’œuvre du chorégraphe Siu-Tong, dont Tsui Hark devait produire une version d’animation étonnante en 2000. L’audace de certains cadrages et la valeur burlesque de scènes anthologiques, tel ce bain impromptu où le malheureux Ning se dissimule au beau milieu de l’assemblée des revenantes, classent d’emblée le film dans la catégorie des incontournables. Si vous êtes las des manifestes esthétiques, parfois creux et pompeux, du Wu Xia Pian de Zhang Yimou, sans doute est-il temps de re-découvrir à la veillée ces réjouissantes « Histoires de fantômes chinois ».
Ujisato
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Réalisé par Ching Siu-Tong
Avec Leslie Cheung, Joey Wong, Wu Ma
Année de production : 1987
Durée : 1h38
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