On apprend parfois de très bonnes choses sur le Net, et la reformation imminente de The Jesus Lizard en est une - j'insiste sur le "the" dont nombre de plumitifs peu attentifs ont maintes fois spolié le groupe !
C'est donc Pitchfork qui m'a appris la bonne nouvelle : le groupe des albums-aux-titres-en-4-lettres a décidé de remettre ça, le tout dans son line-up originel s'il vous plait, Mac Neilly récupérant les baguettes abandonnées sur l'ultime Blue (1998).
The Jesus Lizard, formation hard core est apparue à l'orée des 90's ; et doit bien sûr un tribut certain aux défunts Hüsker Dü, Minutemen, Dead Kennedys et autres pionniers d'un hard core dévastant tout sur son passage, mais n'oubliant jamais l'essentiel, à savoir la mélodie !
Ce qu'il y a de bien, de mythique avec ce groupe qui a, plus souvent qu'à son tour, mis le feu aux différents Lollapalooza Tour, éclipsant parfois des pointures tels Sonic Youth ou Butthole Surfers, c'est qu'il est composé de 4 personnalités marquantes, de musiciens importants et non interchangeables ! Au delà du batteur racé et du bassiste débonnaire David Ws Sims qui rue dans les brancards, le groupe du chanteur cintré David Yow, compte également dans ses rangs l'un des plus subtils guitaristes qui soient, j'ai nommé l'essentiel Duane Denison !
Mais on ne saurait aborder l'univers de l'un des groupes fétiches de Steve Albini, pour la première fois absent sur ce disque fondateur, sans évoquer la psyché complètement outrée et sauvage de David Yow ! Le chanteur de The Jesus Lizard fait partie de ces frontmen qui oeuvrent pour beaucoup dans la dimension scénique de leur groupe. Ses prestations, à l'image de ses textes, évoquent le stupre, l'aliénation, les sévices, un comportement extrême qui pour certains témoins, faisaient passer Lux Interior ou le Iggy Pop séminal pour d'aimables plaisantins !
Sexe, sang, sueur......pas la peine d'aller chercher des références littéraires, du Kerouac ou du Ginsberg chez ce combo radical ! Sur scène, Yow se baladait suant, torse nu, dévoilant sa bite à l'occasion - ce qui était bien la moindre des choses pour ce qui était de l'acte d'uriner en live, dont l'intransigeant chanteur avait fait sa marque de fabrique ! Premiers rangs, s'abstenir !
Si les disques précédents, parus chez l'indépendant Touch and Go, avaient fait leur effet et, pour les meilleurs d'entre eux, Liar (1992) et Down (94), dénotaient une adresse mélodique confondue dans une sauvagerie sans égale et concise (albums atteignant à peine les 40'), Shot, paru chez la multinationale Capitol, allait magnifier le son bruitiste de ces vilains garçons, et disons-le, allait simplement permettre, d'une fait d'une production moins rudimentaire,de rendre justice aux meilleurs hymnes du groupe !
Sur des accords cisaillants, secs comme des dermes tailladés de lames de rasoir, s'ouvre "Thumper", qui permet d'emblée d'affirmer deux choses : Duane Denison n'est pas un guitariste lambda, balançant des riffs punky en bougeant des vertèbres façon Linda Blair. Son jeu, subtil et minimaliste, doit beaucoup au jazz et nombre de ses soli restituent cette évidence.
Ensuite, David Yow dont les borborygmes étaient précédemment noyés dans des mix approximatifs, -mais il hurlait plus qu'il ne chantait, on est d'accord !- reprend le flambeau d'un Johnny Rotten, insolent et sarcastique, avec des inflexions démentes, au sens clinique du terme ! Le (presque) morceau-titre, "Blue Shot", offre l'une de ces attaques basse-guitare que les Jesus Lizard affectionnent. Tempo saccadé, harmoniques entêtantes, et ce chant d'épileptique où l'pn jurerait entendre "possédé" en lieu et place du "passodils" de la chanson.
C'est tout juste si les trainées de slide de "Thumscrews" et l'accalmie de ses breaks parviennet à nous faire oublier combien ce morceau est dangereux !
Les guitares acides façon Killing Joke - une autre référence évidente- nous emportent sur une fausse piste à l'écoute de l'intro de "Good Riddance" jusqu'à l'assaut du refrain, où le choix délibéré de chanter faux sied au chant maniaque de David Yow.
On pourrait toutes les passer en revue ainsi : qu'il s'agisse des breaks de basse malades, des scansions de "Skull Of A German", de l'ébouriffant "More Beautiful Than Barbie" qui balaye tout sur son passage, des digressions jazz de "Too Bad Bout The Fire", du démoniaque "Now Then" au blues tordu de "Pervertedly Slow"...tout ici n'est que pure folie non feinte.
Tiens, et tant pis pour eux, je terminerai cette chronique en disant qu'après l'écoute de ce disque, tous les Vines du monde qui prétendent être dangereux avec un chanteur autiste à la noix, prêteront évidemment à rire !
en bref : un disque toxique, contagieux, sexuel, moite, traversé de fulgurantes et décalées parties de guitare, et assaisonné du chant le plus malsain entendu depuis les Pistols. Résolument un classique de son époque de la part d'un groupe qui, à la manière de Hüsker Dü, transcende le genre hard core par un sens mélodique hors pair.