Voici des extraits de la note de Béatrice Bourges adressée au gouvernement en réponse à l'avant-projet de loi sur le statut du beau-parent (pdf, 3 pages), qui doit être examiné en commission parlementaire au premier trimestre 2009 :
"Ce projet de loi prend appui sur la loi du 4 mars 2002, dite loi sur la coparentalité. En vertu de cette loi, le juge aux affaires familiales peut décider, pour les besoins d'éducation de l'enfant et avec l’accord des parents, le partage de l’exercice de l’autorité parentale (articles 377 et suivants du Code civil) avec un tiers. Ce tiers est alors en droit d’exercer les actes quotidiens de surveillance et d’éducation de l’enfant. La question de savoir si ce partage de l’autorité parentale avec un tiers peut s’opérer au sein d’un couple homosexuel a déjà été posée à la Cour de cassation, laquelle a accepté que l’autorité parentale puisse être partagée entre la mère et la compagne homosexuelle de celle-ci (Cour de cassation, 24 février 2006) [...]. Le droit français est donc déjà capable de répondre aux situations des familles recomposées actuelles. Les couples homosexuels peuvent également bénéficier de cette loi. Une nouvelle loi est alors inutile. Celle du 4 mars 2002 aurait pu être juste amendée. On peut ainsi légitiment se demander pourquoi une telle loi ? N’est-elle pas simplement idéologique ? Que peut on penser de cet avant-projet de loi ?
- L’avant projet s’intitule « Avant-projet de loi sur l’autorité parentale et les droits des tiers » Les tiers, par définition non parents, auraient-ils donc des droits en matière d’autorité parentale, concernant des enfants qui ne sont pas les leurs, sous prétexte qu’ils résident avec l’enfant et l’un de ses père et mère ? Non, les tiers en la matière n’ont aucun droit, et le dispositif doit être recentré sur l’enfant lui-même, dès l’intitulé du projet.
- Tiers concernés. L’exposé des motifs emploie à tort le terme de « beaux-parents » pour désigner la personne qui vit avec lui et son père ou sa mère. En langage juridique, le beau-parent désigne le père ou la mère de son conjoint. La personne qui vit avec un des parents de l’enfant n’est désignée par aucun terme particulier, même lorsqu’il y a eu remariage. L’utilisation abusive du terme de beau-parent ne peut qu’être source de confusion.
- «L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, ainsi qu’avec le tiers qui a résidé avec lui et l’un de ses parents et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit» Art 371-4 Cette définition est très floue. [...]
- Le partage de l’autorité parentale n’est possible aujourd’hui que lorsqu’il est justifié par les besoins de l’éducation de l’enfant. Cette exigence disparaît dans l’avant-projet qui envisage la possibilité de faire intervenir des tiers dans l’exercice de l’autorité parentale sans que cela ne soit justifié par les besoins de l’éducation de l’enfant. Si une telle mesure n’est pas justifiée par les besoins de l’éducation de l’enfant, par quoi est-elle donc justifiée ? [...]
- Le projet consacre le droit de l’enfant à entretenir des relations avec le tiers qui a résidé avec lui et l’un de ses parents et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits. D’un point de vue pratique, y a-t-il un nombre limité de tiers potentiellement concernés ? [...]
- Le projet prend des mesures pour que l’enfant puisse être confié, en cas de décès du parent avec lequel il résidait, au tiers qui vivait avec eux. Il sera sans doute, dans des circonstances exceptionnelles, profitable à l’enfant, en cas de décès du parent avec lequel il vivait, d’être confié au tiers partageant leur vie. Cela pourra se justifier dans certains cas, mais cela ne peut pas devenir une mesure générale. Il faut préciser ce caractère exceptionnel afin que la mesure ne soit pas convenue entre adultes mais qu’elle corresponde réellement au bien de l’enfant, lequel est a priori d’être élevé par son parent survivant. En effet, l’enfant a le droit d’être, dans la mesure du possible, élevé par ses parents (Convention de New York) et ce droit est un devoir pour le parent survivant qui n’a pas à se décharger de l’enfant sur le tiers, pas plus qu’il n’a à être privé de l’enfant au profit du tiers.
[...] Au-delà de ces commentaires portant sur telle ou telle mesure de l’avant projet, ce texte est l’occasion de constater et de regretter le manque d’ambition du législateur en ce qui concerne l’intérêt de l’enfant, intérêt dont on ose espérer qu’il pourrait un jour fonder des réformes un peu plus ambitieuses. Voici encore un projet qui vise à compenser les effets de la désunion dans l’environnement de l’enfant. Si l’intérêt de l’enfant est de bénéficier d’un environnement familial stable, n’y a-t-il pas urgence à renverser la perspective pour imaginer une politique positive visant à favoriser, encourager le mariage et la stabilité familiale ? La désunion est-elle considérée comme inévitable, que tout soit fait pour l’organiser, voire la faciliter, et rien pour l’éviter ? [...] Si les adultes veulent vraiment prendre leurs responsabilités vis-à-vis de l’enfant, et les assumer, ne faudrait-il pas songer aux moyens de favoriser la stabilité de son environnement familial ?"