Chronique sur le social capitalisme (suite)
La guerre du pétrole n’aura pas lieu…un vœu pieu ? par Teaki
Social-capitalisme et pétrole
« Light sweet crude », « North Sea Brent », « Sour Crude » ne sont pas de noms de cocktails à la mode mais des appellations du pétrole qui pourraient inspirer un Molotov du 21ème siècle. Le prix du baril a remplacé la météo au hit-parade de l’information quotidienne. Est-ce à dire que nous craignons plus la hausse du prix du baril que les désagréments climatiques ? Dans les deux cas, l’Homme a peur que le ciel lui tombe sur la tête. Notre tension dépend du prix du baril, notre humeur de ses variations, nos angoisses de son augmentation régulière et sans limite. Voici revenu le temps des prophéties, des craintes déraisonnables et autres délires cataclysmiques. Les expressions comme « crise systémique mondiale » sont de nouveau à la mode. Les frustrés du big-bang de l’an 2000 prendraient-t-ils leur revanche à l’aube de la première décennie du nouveau siècle ?
Dans cette pièce de théâtre aux accents tragiques, l’Etat, les entreprises et les consommateurs forment un triptyque à l’équilibre périlleux avec comme ligne de terrain l’Equateur et les tropiques. ON ne réagit pas de la même façon au prix du baril selon que l’on vit à Paris ou à Colombo. Mais on réagit… L’équation semble sommaire : « Plus le pétrole augmente, plus nous serons privés donc malheureux… » L’étau se resserre au rythme des calamités, guerres ou conflits sous-jacents (tensions entre l'Iran et Israël), calculs de pays producteurs (augmentation du prix du baril malgré l’engagement de l'Arabie saoudite d'extraire davantage de brut) …
A chaque semaine sa mauvaise nouvelle. Somme-nous les otages des enjeux géopolitiques et des spéculateurs navrés du dollar dépressif? Les évènements à l’échelle planétaire se répercutent de manière quasi-instantanée dans la vie quotidienne des foyers. A ce titre, nous vivons tous des destins globalisés. A ce titre aussi, est libre celui qui ne subit pas l’impact du prix du pétrole…
Le pétrole nous apporte une nouvelle définition de l’existence, de la liberté comme du malheur. Nous pouvons choisir de l’ignorer et de feindre que le prix du pétrole n’a pas d’incidence sur notre quotidien ou faire face au problème, essayer de le comprendre, en extraire des comportements et des solutions vivables pour le plus grand nombre.
Voilà en quoi ma réflexion sur le pétrole, son prix, la taxation de ses profits, la subvention de ses victimes nous ramène au social-capitalisme. Le pétrole concerne (presque) tout le monde ; est-ce normal que (presque) tout le monde n’en tire pas quelques profits ? Le capitalisme peut-il engendrer une économie plus sociale en entamant une politique énergétique pluraliste ?
Pouvons-nous éviter la vie en monochromie?
Les entreprises se partagent en deux espèces : Les entreprises productrices de pétrole et les entreprises qui en consomment (même si celles-ci regroupent aussi les premières). Les rangs sont serrés, la colère actuelle, le découragement latent. Quand Mustafa Al-Shimali, ministre des Finances du Koweït, partage l’opinion de Michael O'Leary, CEO de Ryanair en estimant que le baril à plus de 100 dollars est trop élevé et stimule l'inflation, que devons-nous penser ? La situation est-elle toujours « under control » ? Sur l’esplanade de La défense, le quartier d’affaires parisien, des routiers étalaient leur banderole TIPP : Taxe intérieure pour Périr, tandis que Frédéric Beigbeder, Président de Poweo, fournisseur de gaz alternatif à la compagnie nationale française décrie les appels à la taxation des profits sur l’exploitation pétrolière comme de la démagogie menant à la fuite des investissements et la délocalisation. Chacun y va de son « Va de retro Satanas » mais qui a le courage parmi nos hommes politiques pour passer la vitesse supérieure dans le processus de désintoxication pétrolière ?
Les pays producteurs de pétrole sont souvent décriés comme les premiers profiteurs de la situation. Or, l'inflation a dépassé 10 % dans cinq des six Etats du golfe Persique, parmi lesquels l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis . Mahmoud Ahmadinejad de l’OPEP a jeté le pavé dans la mare. «La hausse de la consommation est inférieure à celle de la production, a-t-il déclaré lors de la réunion du Fonds Opep pour le développement international. Le marché est bien fourni mais les prix augmentent et cette situation est artificielle et imposée (…) Certaines puissances capitalistes tirent artificiellement à la hausse les prix du pétrole pour assurer les coûts de leurs guerres et occupations ou pour justifier les investissements pour l'exploitation de nouvelles sources d'énergie au fond des océans, aux pôles et ailleurs».
Dans les pays développés, consommateurs et non producteurs de pétrole, pouvons-nous copier des pays comme l’Algérie et taxer les profits exceptionnels des sociétés pétrolières étrangères ? La proposition de Ségolène Royale de taxer les bénéfices des entreprises pétrolières apparaît comme une fausse bonne idée car 80%+ du capital de TEP appartient à des petits porteurs et fonds divers. Taxer les bénéfices reviendrait donc à taxer tout le monde.
Pour le pays pauvres, l’issue est d’autant plus cruciale qu’elle induit une augmentation de la pauvreté et de la faim. Aucune solution facile mais il est urgent de résoudre les manquements graves de la santé, la nutrition, l’éducation. Le droit au développement et à la vie passe avant toute considération financière mais nous devons tenir compte de la nature humaine et en particulier de l’attitude des consommateurs.
Les consommateurs : Révolution ou adaptation
Nous sommes malgré l’Internet et autres médias, désinformés quand au prix réel de l’énergie qui est en fait resté à des niveaux artificiellement bas pendant très longtemps, ce qui nous a confortés dans de mauvaises habitudes de consommation. La pollution en est la principale conséquence.
Si nous prenions le problème à l’envers ? Au lieu de nous lamenter sur le prix du pétrole qui, s’il n’est pas une fatalité est aussi contrôlable que le temps qu’il fait…Au lieu de chercher un responsable ou d’organiser des séances de boycott ou de lynchage collectif, nous pourrions éviter de nous engager dans un combat perdu d’avance.
Ne rien faire ? Que nenni. Contourner l’obstacle est une solution : changer nos habitudes pour consommer moins et de manière plus efficace et ainsi, polluer moins. Cela détendrait les marchés et découragerait les spéculateurs. Changer le cercle vicieux en cercle vertueux.
Les consommateurs du quotidien qui ne sont pas regroupés en organisation professionnelle comme les pêcheurs, les chauffeurs-routiers,...doivent prendre conscience de leur pouvoir et réexaminer les solutions alternatives : notre idée du nucléaire, les énergies renouvelables,…
Nous pouvons devenir nos propres producteurs d’énergie en optimisant panneaux solaires, énergie électrique, récupération de l’eau,…
Nous devons optimiser l’utilisation de l’Internet en minimisant nos déplacements. Travailler de visu devient un luxe. Tirons-en profit en travaillant à distance. Ce sont des solutions de longue haleine mais comme tous les grands enjeux, ils demandent un effort important et constant. La guerre du pétrole n’aura pas lieu, voilà qui devrait être notre nouveau mantra…
Teaki est écrivain, chroniqueuse et chef d’entreprise. Originaire de Polynésie française (Iles Marquises), née au Sénégal, elle a beaucoup voyagé en Afrique, en Asie et travaillé au Japon.
Teaki livre sur le blog d’Alternativechannel.tv son point de vue pragmatique et sortant de sentiers battus sur le social-capitalisme. (Lire aussi www.teaki.net)