Si l'on s'attache comme moi aux références, on se perdra ici à coups sûr : « Abraxas » est une formule magique de la Gnose Grecque et le nom d'un album de Santana à la superbe pochette en collage surréaliste. Mais peut-être la gnose se rapporte-t-elle au mystère qui entoure cette musique et la richesse des couleurs en collage à un univers foisonnant malgré un apparent minimalisme, et les collages aux couches musicales superposées avec soin. Le titre de l'album « Baraka Visions » s'inspire, pour « Baraka », d''un mot soufi qui donne sont titre à plusieurs interludes courts et à un film de Ron Fricke. Jérôme Paressant est aux clarinettes (basse et Bb), à la guitare, et les lamelles de son kalimba (piano à pouces Africain) nous emmènent en Afrique dans « Origan », mais aussi en Asie sur « Zenn » et en Orient dans « Amor Fati », dans un tour du monde des fantasmes exotiques. La batterie live d''Antoine Hefti en fait évoluer la dramaturgie de manière passionnante, avec parfois les nappes quelques acolytes électroniques comme Lena, Vadim Vernay, Hopen ou la voix sombre d''Oldman, pour une sorte de Jazz teinté d''électro au naturel servi par des compositions intéressantes. Dès l'embarquement sur cet « Ocean Ship » flotte sur les bols tibétains en gongs Balinais frappé par les vagues de beats de Lena (Mathias Delplanque) répercutées par le dub où se déploie une clarinette basse lyrique à la Louis Sclavis.
Dans « Origan », rythmé par le kalimba africain, on pense davantage aux aventures Africaines de Sclavis dans « Carnets De Routes », Aldo Romano et Henri Texier mettant en musique les photographie de Guy Le Querrec. De Sclavis, Paressant a à la fois le mordant rythmique un peu free-Rock-Balkanique, et quand il le dépasse, les belles mélodies envoûtantes composées.
Dans « Zenn », le kalimba se fait asiatique sous l''électro lent de boucles atmosphériques. On arrive à la croisée des chemins, à « Demosaurus Junction », croisement de cordes mixées, un de ces « Crossroads » ou Robert Johnson vendit son âme au diable pour le jeu d''une telle guitare Bluesy électrique en slide autoroute poussée jusqu'à l''électro, puis jusqu''au crash des beats soutenant les clarinettes inquiétantes, criées.
Dans « Tabula Rasa », Vadim Vernay soutient la clarinette de plus en plus violente d'un film sonore de voix en manèges tournoyant, mixées, samplées, scratchées. On entre avec « Climax » dans l'œ'oeil du cyclone entourant de ses échos les lames du kalimba où la clarinette se fraie un passage vers le haut. Comme dans « Clarinettes » de Sclavis, elles créent à elles seules un univers très personnel, ces histoires sans paroles.
Dans « Mr Oldman Blues », la guitare et la clarinette au son soufflé très pur improvisent sur un fond d''électro, qui se prolonge dans « Sémaphores Dub », aux vagues répétitives, crissées, grinçantes, inquiétantes.
Dans « Amor Fati » (« Amour du Destin tragique chez Nietzsche, mais aussi maison de disques de musiques improvisées ou enregistra Paul Rogers »), un Blues aux percussions orientales soutient la voix sombre à la Hugo Rage ou Kelly Joe Phelps d''Oldman (Charles-Eric Charrier) .
« Shadow Connection » invite les miroitements électroniques et oiseaux mutants d''Hopen (Childe Grangier) dans le paysage orchestré par le mât de la clarinette et du kalimba. Suit « L'Appel » de la clarinette comme du fond d'une forêt de percussions électro-ethniques. On peut parfois penser à cette clarinette à celle de Denis Colin, mais avec des moyens plus électroniques, quoique légers, ou à celle du groupe « Limousine », passée à l''énergie hybride. Dans « Radio Adonaï », les souffles des clarinettes évoluent sur les ondes, les cordes crissées jusqu''à trouver à la fin la pureté d'une kora Africaine.Enfin, « Asak Dream », l''influence avouée d''Akosh S (Szelevény) se fait ressentir dans la violence Balkanique. Bref, le dépaysement de ces folklores imaginaires est garanti et passionnant.