Guérilla

Publié le 08 décembre 2008 par Malesherbes
Ce dimanche, plusieurs organes de presse rendent compte d’une interview accordée par Xavier Bertrand, notre ministre de l’Emploi, au Parisien Dimanche. Au passage, soulignons comme ce mot accordée est délicat. Je suis personnellement prêt à accorder à différents médias un entretien dans lequel j’exprimerai mon opinion sur notre gouvernement actuel. Je ne crains guère d’être sollicité. Pourquoi ne pas quitter cette langue de bois si chère à nos ministres et dire que Le Parisien a accordé à M.Bertrand quelques colonnes dans son édition du dimanche pour lui permettre de vendre son projet ? Je consacrerai mon prochain billet à de nouveaux commentaires sur ce projet d’extension du travail dominical. Mais ce qui m’occupe aujourd’hui n’est pas le fond de ce sujet mais plutôt la façon dont il a été traité dans les médias.
M. Bertrand ayant déclaré sur Europe 1 à propos des présents débats à l’Assemblée : « il y a une obstruction sans nom des socialistes », la presse, en rapportant l’interview du Parisien, a systématiquement évoqué le décalage que subirait vraisemblablement l’examen du texte sur le travail dominical du fait du retard subi par la réforme de l’audiovisuel. Ainsi j’ai pu lire, sur le site de TF1 LCI, ceci : « En raison de la guérilla menée par la gauche contre le projet de loi sur l'audiovisuel public qui chamboule tout l'agenda parlementaire jusqu'à Noël, l'examen de la proposition de loi UMP sur l'extension du travail dominical pourrait bien être reporté à l'année prochaine».
Poursuivant mes recherches, j’ai trouvé sur le site des Echos, la dépêche de l’AFP suivante, signée d’Eric Feferberg : « Nicolas Sarkozy joue une partie du succès de la présidence française de l'UE jeudi à Bruxelles, tandis qu'à l'Assemblée, la semaine sera de nouveau marquée par la guérilla de la gauche contre le texte sur l'audiovisuel, qui vient chambouler l'agenda parlementaire jusqu'à Noël ». Il est difficile de déterminer si c’est là la source de ce leitmotiv de guérilla qui a contaminé de nombreux sites mais le fait est qu’on le retrouve tel quel sur le site de SFR, de Challenges, du Nouvel Observateur, de l’Express et légèrement amendé sur celui de RMC.
On a l’impression que l’esprit saint a soufflé et su inspirer à ces différents rédacteurs les mots propres à fustiger comme il se doit ces infâmes députés de gauche, voire aussi de droite, qui ont l’audace de faire leur travail et essaient d’améliorer les textes qui leur sont proposés. Je plaisante bien sûr. Il est possible que, pris par l’urgence, qui plus est punis d’un travail le dimanche, ces journalistes n’aient pas le temps de réviser ces dépêches et doivent se contenter de les livrer telles quelles.
Certes, mais leur travail étant d’informer leurs lecteurs, il leur appartient, lorsqu’ils rapportent des phrases sans les encadrer de guillemets, de veiller à ne diffuser qu’une information et non un commentaire. Ce mot de guérilla a une connotation guerrière totalement impropre dans le cadre d’une Assemblée. Le trésor informatisé de la langue française nous fournit pour guérilla la définition suivante : « Guerre généralement conduite par des partisans et fondée sur le harcèlement de l’adversaire par des embuscades et des coups de main ».
Dans une démocratie, où l’Assemblée ne se contente pas d’être une simple chambre d’enregistrement des fantaisies du pouvoir exécutif, le fait de tenter de faire évoluer des textes discutables n’a pas à être qualifié de guerre. De là à les imposer par la force, il n’y a qu’un pas.