Les chiens aboient, la caravane passe. Jusqu’au bout les partisans de Ségolène Royal, volontairement absente, auront tout fait pour gâcher la fête. Certes au final, le Conseil national a approuvé par 146 voix le texte d’orientation politique proposé par la direction de Martine Aubry. Mais, dès la proclamation des résultats, Vincent Peillon a donné le ton qui devrait prévaloir dans les mois à venir “aujourd’hui un Conseil National composé de plus de 300 membres a approuvé cette ligne à moins de 150 membres. Ca s’appelle une minorité et je ne crois pas qu’à la sortie d’un Congrès, ce soit une bonne chose pour le PS”.
Les partisans de Ségolène Royal se sont abstenus (72 voix) plutôt que de voter contre. Une neutralité de façade après avoir dénoncé l’exclusion dont ils se sentaient frappés et les insuffisances du texte d’orientation sur la question salariale ou l’Europe.“C’est du ‘gloubi-boulga’ sans le rassemblement et le sourire de François Hollande”, a commenté Vincent Peillon.
Les Ségolènistes ont choisi une technique de guérilla en multipliant les batailles de procédure. Après avoir déposé une demi-douzaine d’amendements, tous rejetés, notamment sur le mode de désignation du prochain candidat à la présidentielle et les alliances électorales,ils ont réussi à imposer le recours au vote nominal. Une procédure exceptionnelle qui atteste d’une volonté d’en découdre.
Pas de quoi traumatiser le camp Aubry. François Lamy, bras droit de la Maire de Lille, indiquait très serein que “C’est juste pour créer une ambiance”. “Le baroud d’honneur d’un courant qui ne pèse que 30% et qui ne va plus avoir les moyens de nuire“, a susurré perfidieusement un dirigeant proche de Laurent Fabius.”Un jour, ils nous accusent d’être des tricheurs, le lendemain ils veulent rassembler. Hier, ils nous disent que la cohabitation leur va bien et aujourd’hui, ils font de l’opposition“, a pour sa part déclaré Christophe Borgel, Strauss-Kahnien et nouveau secrétaire national chargé des élections.
C’est donc dans une ambiance lourde, que Martine Aubry a prononcé un discours très complet, marqué à gauche et particuliérement offensif à l’égard du Chef de l’Etat. Le message qu’a tenu à faire passer la nouvelle Première secrétaire est avant tout celui d’une page qui se tourne: “les socialistes sont de retour”. François Hollande appréciera. Précautionneusement, le député de Corrèze, n’avait pas fait le déplacement.
Martine Aubry a indiqué avoir proposé des postes de direction aux proches de Ségolène Royal et que la porte du PS serait “toujours ouverte” à l’égard de sa rivale. Vincent Peillon dressait pourtant dans la journée le constat inverse “proposer deux ou trois sièges au secrétariat national à des gens qui font 50% du parti, c’est une gifle. Ca s’appelle une porte fermée“.
Le nouveau secrétariat national, l’équivalent du gouvernement du PS,est avec 38 membres plus étoffé que prévu signe de la difficulté à respecter un équilibre entre les composantes de la majorité. La vraie nouveauté repose sur le respect d’une parité totale hommes-femmes, et de 20% de représentants des “minorités visibles”. Benoît Hamon nouveau porte-parole du parti est censé symboliser le renouvellement. Pourtant, les observateurs avisés font remarquer que derrière la rénovation affichée qui devrait donner lieu à des “assises de la rénovation”, se profile la vieille garde et surtout les hommes des basses manœuvres, le fabiusien Claude Bartolone et le strauss-kahnien Jean-Christophe Cambadélis.
Consciente de la fragilité de son camp sur la question européenne, la Maire de Lille a annoncé qu’elle s’engagerait en première ligne dans cette échéance électorale mais en évoquant une Europe différente “une Europe telle que nous la rêvons”.
Martine Aubry, a donné l’image d’une force tranquille au féminin qui tranche avec la causticité souvent creuse de son prédécesseur. Ses collaborateurs ou ex-collaborateurs le confirment. Outre son autorité l’ancienne ministre de François Mitterrand surprend par sa détermination et sa capacité à créer une dynamique. Martine Aubry ne veut pas être une socialiste honteuse mais à l’inverse en tirer orgueil. Servie par une crise économique majeure, elle qu’on présentait comme ringarde retrouve une soudaine modernité. De quoi lui faire parler de Renaissance pour ses idées et son parti certes, mais aussi pour elle même. La Première secrétaire a assigné au PS ce qu’elle considère comme un objectif essentiel: donner du sens à la société.
L’actualité aurait du retenir le lyrisme affiché de la nouvelle patronne du PS articulé autour de l’affirmation que “les socialistes sont de retour”. C’était sans compter sur Ségolène Royal qui, dès dimanche soir, parasitait le message en usant une nouvelle fois du canal de la TV (le JT de France 2) pour une déclaration assassine.
La présidente de Poitou-Charentes a démenti avoir refusé d’entrer dans la nouvelle direction du Parti socialiste et a au contraire déclaré souhaiter “avoir des responsabilités”, “travailler dans la direction du PS” avant de préciser …qu’elle ne se considérait pas “dans l’opposition” du PS. Une ligne de conduite à la godille qui risque de lasser plus d’un socialiste.