Le délibéré dans l’affaire opposant le propriétaire de l’île d’Arcins à une société de travaux publics doit être rendu aujourd’hui. Ce joyau de la nature reste toujours inaccessible au grand public
Vue du ciel, sa forme oblongue dessinée par les courants de la Garonne lui donne une certaine élégance. Vue de terre, l’île d’Arcins, 37 hectares entourés des rives de Bègles et de Latresne, émerge tel un vrai havre de nature préservé de l’urbanisation. Profitant d’un microclimat de 2 à 3°C supérieur aux températures des rives, des dizaines d’arbres donnant kiwis, pommes et noix y prospèrent, fréquentés par les hérons et les grues cendrées. Ce petit paradis fait pourtant rives closes. Pendant près de 50 ans, jusqu’à la fin des années 90, il fut le fief privé de l’Institut scientifique de recherche (INRA) qui y multipliait les croisements et expériences agronomiques. Une lueur d’espoir de l’approcher apparut au début de la décennie. Un propriétaire privé, voulant sauver l’île des inondations de la tempête de 1999, l’achète avec l’intention de l’ouvrir au public. De premiers aménagements voient le jour : renforcement des digues, déboisement, création de sentiers et de pistes cyclables, réhabilitation de bâtiments, … Son propriétaire, Patrice Benghiati, originaire de Meknès au Maroc, menuisier de formation, Bordelais depuis 1984 et gros propriétaire immobilier tombé fou amoureux de l’île, se dépense sans compter. «Mon idée, c’est qu’à quelques minutes en bateau du centre-ville, les Bordelais auraient pu venir faire des balades, manger un bout, faire du jardinage, pêcher, respirer à plein poumon… Cette île, c’est aussi un cadeau que je voulais faire à mes enfants et à mon associé», souffle cet homme aujourd’hui vidé moralement et physiquement par des démêlés judiciaires avec des sociétés du bâtiment qui dure depuis six ans (voire encadré). «J’ai passé mon temps à me battre contre ces puissantes entreprises sans compter les tuyaux à la dérive, les poteaux détruits, mon tractopelle enlisé, ma barge coulée…», énumère, les nerfs à vif, Patrice Benghiati, également connu sur Bordeaux pour son action sociale de logements de sans-abris. «On veut m’épuiser, mais je tiendrai bon, j’ai pris trop de coups. Ma fierté, c’est de sauver l’île et je n’abandonnerai pas».
Marianne Peyri
Imbroglio judiciaire
Tout a démarré en 2002. Les digues conçues par la société Balineau s’effondrent, du matériel appartenant à la SCI Ile d’Arcins est également dégradé. Les procès s’enchaînent jusqu’à la décision, en octobre dernier, de la cour d’appel de Bordeaux qui condamne les sociétés Balineau et Pierres de Frontenac, responsables du chantier, à payer plus de 500 000 €, donnant ainsi raison à Patrice Benghiati. Un autre procès est en cours avec la société GTM (groupe Vinci), accusée d’avoir détruit et mal réparé la ligne électrique et la canalisation d’eau, privant actuellement l’île d’électricité et d’eau. Le délibéré sera rendu aujourd’hui. La page des procès sera-t-elle enfin tournée ?