J’avais déjà, depuis quelques jours, repéré cette chaine qui consistait à se
refiler un mistigri constitué de quelques questions certes intéressantes mais
qui nécessitaient pour y répondre, de mener une réflexion d’une l’intensité à
laquelle je ne suis pas habitué et donc particulièrement éprouvante pour mes
quelques neurones en état de marche.
J’avais donc espéré passer entre les gouttes et ne pas avoir à m’y coller
lorsque j’ai constaté avec effroi que cet autre ami des bêtes, à plumes dans
son cas (mais c’est pas grave), m’avais désigné, parmi d’autres, pour remplir
cette difficile mission, je le remercie chaudement d’avoir pensé à moi
!!!!
Alors puisqu’il le faut, allons-y !
Question 1: Quel thème généralement peu évoqué, ou selon vous traité
avec légèreté, aimeriez-vous voir occuper une place plus importante dans la vie
intellectuelle, politique et médiatique ?
Plusieurs réponses me viennent à l’esprit mais les 2 plus importants sont
pour moi l’Economie et l’Europe.
L’Economie est clairement un sujet traité non seulement avec une légèreté et
une partialité que je qualifierais assez bien de coupable. Mitterrand disait
« l’économie c’est simple, c’est deux colonnes: une dépenses et une
colonne recettes. N'importe quelle ménagère vous le dirait. ». Or, même si on
peut considérer que cette formule est un peu réductrice, ce qui n’étonnera
personne de la part de Mitterrand qui avait une conception un peu simpliste de
l’Economie, il n’en reste pas moins que contrairement à ce qu'il semblait
penser, elle est complètement ignorée de beaucoup de français(es) !
En France, il n’y a jamais eu de débat consistant à poser d’un coté les
recettes possibles et souhaitables et de l’autre les dépenses nécessaires et
souhaitables. Pire encore, tout le monde a sa suggestion pour contribuer à
augmenter les dépenses mais personnes ne pose de questions sur la manière
d’augmenter les recettes durablement.
Les problèmes ne sont jamais posés de cette manière.
Les débats sont avant tout politiques sinon idéologiques, l’Economie en tant
que telle n’intéresse personne ou du moins considère-t-on qu’on peut lui faire
faire ce que l’on veut et qu’elle va naturellement s’adapter aux choix
politiques.
En conséquence de quoi, la France n’a jamais su lier dépenses et recettes.
Elle cumule les déficits depuis 30 ans, se trouve un tas de raisons de dépenser
mais considère les recettes comme une manne céleste intarissable et qui devrait
s’adapter naturellement aux besoins toujours croissants de la collectivité.
Plus fort encore, l’activité génératrice de richesses et donc de recettes est
considérée comme un mal nécessaire.
Difficile, en conséquence, de raisonner en termes d’efficacité économique,
pas de raison de se demander si les dépenses sont efficaces par rapport à leurs
objectifs, pas de réflexion sur l’efficacité des prélèvements considérés comme
des ponctions sur des richesses nécessairement mal acquises.
Les réactions au fameux plan de relance de Sarkozy sont particulièrement
révélatrices de ce délaissement de l’Economie. Quel média nous a présenté une
analyse économique de ce plan ?
La nécessité de ce plan a-t-elle été justifiée devant les français par de
réels arguments économiques ?
Qui a expliqué pourquoi le choix a été fait de favoriser les
infrastructures, le bâtiment et l’automobile plutôt que de distribuer
directement du pouvoir d’achat par une augmentation du SMIC ou une distribution
de primes ?
Qui nous a expliqué pourquoi 26 milliards et pas 10 ou 100 ? etc
etc
Un autre thème qui mériterait d’être correctement traité par les médias, les
politiques et autres intellectuels, c’est l’Europe. Afin de pouvoir juger de
l’Europe telle qu’elle est et de l’Europe que l’on veut, il faut au préalable
en connaitre à minima, le fonctionnement, les prérogatives et les actions
menées et en cours.
Or, on entend parler de l’Europe uniquement lorsque les pécheurs protestent
contre les quotas de pêche ou qu’elle fustige la France pour son déficit
trentenaire.
Résultat, les Politiques se servent de l’Europe pour se dédouaner de leurs
responsabilités, les nationalistes de tous poils racontent tout et n’importe
quoi (surtout n’importe quoi) à son sujet et la belle idée qui a prévalut à sa
construction s’est complètement noyée dans les égoïsmes nationaux.
2. Inversement, quel sujet fétiche des médias, "nouveaux" et/ou
"anciens", trouvez-vous futile ou superficiel au point de ne mériter qu'une
faible part de l'attention qu'on lui porte ?
Oh là mais il y en a un paquet !
Il y a d’abord l’essentiel des évènements que l’on regroupe sous le vocable
« faits divers ». Pour moi, le seul fait divers qui vaille d’être diffusé
à grande échelle est celui dont la collectivité peut tirer des enseignements
utiles à tous (par exemple les intoxications au monoxyde de carbone pour cause
de chauffage mal réglé). Sinon, aller s’appesantir à longueurs d’actualités
télévisuelles ou de pages de journaux sur tel meurtre sordide, tel accident de
la route ou tel braquage de fourgon ou de banque et d’une manière générale sur
tous les évènements tragiques ou futiles qui parsèment la vie en société, n’a
comme seul intérêt que de satisfaire la part plus ou moins importante de
voyeurisme qui sévit en chacun de nous.
Il y a également les épisodes sans intérêt de la vie des personnalités, des
petites paroles de l’une ou de la vie amoureuse de l’autre qui satisfont
également notre voyeurisme mais aussi notre besoin de nous identifier avec
admiration à toute personne qui bénéficie d’un soupçon de notoriété médiatique
quelle que soit sa valeur (à la personne)!
Enfin, il y a tous ces thèmes rabâchés pour l’unique raison qu’ils
correspondent à ce que les sondages révèlent ou prétendent être les
« principales préoccupations des français ». C’est comme cela que l’on
nous bassine à longueur de journées avec le pouvoir d’achat qui n’arrête pas de
baisser ou avec l’insécurité qui n’arrête pas d’augmenter sans jamais vraiment
traiter la question de fond, simplement pour pouvoir dire ou écrire aux
spectateurs, lecteurs et autres auditeurs ce qu’ils ont envie d’entendre.
3. Quelle pratique d'ordre public ou privé, largement autorisée par
la loi, vous semble nocive au point de devoir faire l'objet d'une interdiction
ou d'une réglementation sévère sans plus tarder ?
Face à une telle question, spontanément je serai tenté de répondre que les
interdictions, obligations et autres réglementations sont déjà légions,
qu’elles concernent tous les aspects de notre vie et que plutôt que de se
demander ce qu’on pourrait rajouter à une hotte déjà bien remplie, on ferait
mieux de s’interroger sur la manière de l’alléger un peu.
Dans le principe, je ne suis pas un fan des interdictions et des
règlementations partant du principe que par définition elles empiètent sur la
liberté et se substituent souvent à la responsabilité individuelle.
Malheureusement, cela fait longtemps que je ne me fais plus aucune illusion
sur la capacité de mes concitoyens à respecter spontanément les autres et la
collectivité dans laquelle ils vivent. L’égoïsme voir l’égocentrisme est une
« qualité » extrêmement bien diffusée dans notre société et sans un
certain nombre de règles, d’interdictions ou d’obligations, la vie serait, je
n’en doute pas, beaucoup plus difficile pour ceux qui ne pourraient ou ne
voudraient imposer à tous les exigences de leur petite personne.
L’interdiction du tabac dans les lieux publics en est la parfaite
illustration. Les fumeurs n’ayant pas été capables de s’auto discipliner pour
respecter les non-fumeurs, il a fallut que la législation leur impose une
interdiction.
Tout ça pour dire que si ça ne tenait qu’à moi, malgré mes beaux principes
libéraux, il y a encore quelques pratiques qui auraient leur place dans la hôte
des comportements prohibés.
Par exemple, tout ce qui provoque d’inutiles mais importantes et très
désagréables nuisances sonores.
Les klaxons seraient interdits sur les voitures (à la limite un petit pouet
pouet discret pour avertir l’andouille qui est en train de reculer que l’espace
entre son pare-choc et le votre se réduit dangereusement).
De même que toutes les saloperies mécaniques de type quad et autres
mini-motos qui ne servent qu’à casser les oreilles des banlieusards qui n’ont
vraiment pas besoin de ça.
4. Inversement à nouveau, quelle interdiction ou contrainte apposée
à un comportement privé ou public vous apparaît si injustifiée qu'elle devrait
être levée aussi vite que possible ?
D’une manière générale, toutes les interdictions ou obligations qui tendent
à déresponsabiliser les individus c'est-à-dire à leur interdire ou à les
obliger par la loi ou par un règlement une action, un comportement, un mode de
vie « pour leur bien ». A partir du moment où il n’y a pas mise en danger
des autres et à partir du moment où il assume les conséquences de ses actes, il
ne doit pas y avoir de contrainte règlementaire, l’individu doit-être
libre.
Un exemple me vient à l’esprit :
La consommation de cannabis devrait-être soumise aux mêmes contraintes que
celle du tabac, pas plus pas moins. Outre le fait que cela permettrait de
remplacer les petits trafics en un commerce contrôlé et accessoirement taxé, il
est de la responsabilité de chacun, à partir du moment où il est informé, de
prendre le risque d’en consommer.
5. Enfin, quel évènement contemporain a, selon vous, le plus façonné
ou modifié vos opinions politiques ?
A y bien réfléchir, je dirais l’élection de François Mitterrand.
Non pas qu’elle m’ait bouleversé au point d’aller exprimer, une rose à la
main, un enthousiasme exubérant et dansant place de la Bastille.
Non, ce n’est pas tant l’élection de François Mitterrand lui-même pour
lequel je n’éprouvais que peu de sympathie qui a été pour moi un évènement
marquant mais le fait qu’elle marquait une alternance que je n’avais jamais
connue et que je n’imaginais guère possible. Enfin, me disais-je, certainement
un peu naïvement, on allait voir ce que serait la France selon la
Gauche !
Du balai tous ces vieux conservateurs qui monopolisaient et profitaient du
pouvoir depuis 25 ans, place à la rénovation sociale et à toutes ces belles
utopies auxquelles on pouvait encore croire quand on est un jeune étudiant de
l’époque !
Bon, tout ça pour dire que j’étais persuadé que cette alternance en forçant
l’opposition à se confronter au pouvoir serait l’évènement majeur de la vie
politique française. Quelques années plus tard, j’en reste persuadé, même si la
situation actuelle du Parti Socialiste peut laisser penser qu’ils n’en n’ont
pas tirés beaucoup d’enseignements.
Ouf ! Voilà qui est fait, j’ai répondu aux questions, au prix d’une
longue et intense réflexion qui va me mettre à plat pour quelques semaines.
Maintenant je suis censé refiler le mistigri à d’autres malheureux blogueurs.
Le problème c’est que la plupart de ceux que je connais ont déjà passé
l’épreuve et pour les autres j'hésite à me les mettre à dos pour 3
générations...alors il faut que j’y réfléchisse !