Il fut un temps où les entreprises proclamaient le client comme interlocuteur principal. Avec la raréfaction de l'argent et la baisse des affaires, ce sont maintenant les banquiers et les actionnaires qui sont au centre des regards. Est-ce réaliste ou dangereux ? Et si c'était les collaborateurs ?
Quand vous lisez les en-têtes de journaux en ce moment, c'est à qui annoncera le plus grand de pertes d'emplois : "2.000 chez moi", " "3.000 pour moi"…Il y en a même qui surenchérisse d'un jour à l'autre parce que leur annonce n'a pas eu l'effet escompté. Il est vrai qu'il n'y a guère de bonnes nouvelles en ce moment. Les revenus baissent et les jobs suivent. Pendant, les managers, vos managers et vous-même si vous êtes manager ou collaborateur, ont pour principe de penser dans le long terme, tout en survivant à court terme.
J'ai lu dans la presse anglaise cette semaine un article à propos d'une société indienne de services informatiques, HCL, qui place son principe de gestion sous le label "l'employé d'abord", plutôt que le traditionnel "le client d'abord". Le patron d'HCL dit qu'il a gagné une plus grande fidélité des clients et de plus gros bénéfices en procédant de la sorte : "en procédant ainsi, chaque collaborateur devient un partenaire et se sent responsable de la clientèle et de l'évolution de l'entreprise.
Ainsi, par exemple, HCL offre à ses employés la possibilité, une fois par semaine, de voter sur les principales décisions du management (les décisions ne sont pas nécessairement remises en cause, mais la direction est ainsi avertie). Etonnant ! Quelle entreprise française peut se permettre une telle attitude quand l'argent se raréfie ? Nous entendons plutôt des discours du style : "travaillons plus dur pour notre survie et nous ne prenons pas la tête !"
Ces théories peuvent-ils être valables pour des entreprises cotées en bourse et qui doivent rendre des comptes à leurs actionnaires ? L'auteur de la référence cite le laboratoire américain Johnson & Johnson qui a publié dès 1943 un texte baptisé le credo (version française : http://www.janssen-cilag.fr/bgdisplay.jhtml?itemname=about_credo&product=none) où les dirigeants placent leur focalisation dans l'ordre suivant : les clients (médecins, infirmières, patients) = " Nous sommes responsables, en premier lieu, envers les médecins, les infirmières, les malades, les mères et les pères de famille et tous ceux qui utilisent nos produits et nos services." Puis les collaborateurs = " Nous sommes responsables envers nos employés, hommes et femmes qui participent à nos activités dans le monde entier. Chacun doit être considéré en tant qu'individu et reconnu dans ses mérites. Ils doivent avoir le sentiment de sécurité dans leur emploi. Leur rémunération doit être équitable et adéquate. Tous doivent pouvoir travailler dans un milieu propre, ordonné et sain." Et seulement ensuite la communauté sociale (être bon citoyen) et enfin les actionnaires.
Est-ce que cela fonctionne réellement ? Il y a l'analyse globale et celle que chacun peut faire au quotidien (je suis ouvert aux témoignages). Il est vrai que si l'argent se fait rare, les banquiers et les actionnaires peuvent se faire plus présent, à la fois dans les faits et dans votre esprit ("que vont-ils me dire ?"). Il est aussi clair qu'un tel comportement peut développer la forme de résilience qui permet de rebondir, d'évoluer et de réussir à moyen terme.
La responsabilité du management n'est pas seulement de tailler dans les effectifs pour répondre aux besoins à court terme. C'est aussi de poser les fondations de l'après-crise dans le long terme. Il faudra jouer de ces deux approches (à court et long terme) pour réussir.
Motiver et animer vos équipes, les développer dans un cadre de "collective branding" qui leur donne une vision partagée et un goût du développement des compétences, ces recettes n'en ont que plus de valeur aujourd'hui. Dans les années à venir, le départ en retraite des papy-booms va assécher le marché. Tant mieux pour ceux qui auront "profité" de la crise pour développer l'esprit managérial.
(Adapté d'un article de S. Stern dans le Financial Times)