The Devil's Whore est une mini-série, créée par Peter Flannery, comportant 4 épisodes de 60 minutes chacun, actuellement diffusée sur Channel 4 (Grande-Bretagne). Il s'agit d'une coproduction entre Channel 4 et HBO.
Ca parle de quoi ?
XVIIe siècle. Angleterre. La série nous plonge au coeur de la guerre civile anglaise, à travers le personnage intense et trouble d'Angelica Fanshawe. Petites histoires et grande Histoire se mêlent, tandis que l'on côtoie Oliver Cromwell (Dominic West), Edward Sexby (John Simm), ou encore Thomas Rainsborouh (Michael Fassbender).
C'est avec qui ?
Que du beau monde : Andrea Riseborough (Party Animals), Dominic West (The Wire), John Simm (Life on Mars, State of Play), Michael Fassbender (Hex, Band of Brothers), Tom Goodman-Hill, Peter Capaldi (The Tick of It).
Et alors ?
La perspective d'une mini-série historique, co-produite par Channel 4 et HBO, avait suffi à attirer mon attention ; un rapide coup d'oeil sur le casting m'avait incité à noter sur mon agenda les jours de diffusion de ladite série. Non seulement, c'était l'occasion de retouver quelques "perdus de vue" depuis la fin de leur série respective, tels Dominic West (avec son vrai accent! -de Sur Ecoute) et John Simm (Life on Mars), mais le sujet traité, la guerre civile britannique au coeur du XVIIe siècle, m'était suffisamment inconnu pour aiguiser en plus une réelle curiosité.
Sur la forme, les Britanniques nous prouvent encore une fois qu'ils excellent dans la reconstitution de cette époque en costumes, en nous offrant une mise en scène à l'esthétique soignée jusqu'au moindre détail. Lumineuse, cette réalisation recrée une ambiance travaillée et donne une profondeur poétique aux tragédies qui se croisent et s'entrechoquent à l'écran. Une musique sobre accompagne ou vient exacerber l'intensité de certaines scènes, parachevant ainsi l'atmosphère et le ton du récit.
Sur le fond, certes, les épisodes (trois diffusés à ce jour) ne sont pas exempts d'une certaine inégalité. Cependant, cette ligne directrice que constitue la vie d'Angelica Fanshawe nous propose tous les ingrédients fondamentaux d'un drame historique classique, entre passions, amours, rivalités avec en toile de fond une Angleterre tourmentée par le conflit entre le Roi et un Parlement qui s'émancipent, laissant entrevoir des jeux de pouvoir inquiétants. La série commence par la vie d'Angelica à la cour, le jour de son mariage avec son cousin et meilleur ami. Un jour qui symbolise l'insouciance d'un temps passé déjà révolu, mais dont les protagonistes n'ont pas encore conscience. Le ton se noircit au fur et à mesure que le premier épisode progresse, comme Angelica se retrouve à son tour projetée dans les remous de l'Histoire. Le téléspectateur est le témoin privilégié de cette engrenage vers ce qui semble inéluctable, même si c'est au détour des petites histoires personnelles que la grande Histoire se croise. Ce n'est pas le sujet principal, mais ce sont les évènements déclencheurs qui vont bouleverser la vie des personnages.
Ainsi, au fil du premier épisode, les tensions s'exacerbent dans la société, incarnées par le polémiste John Liliburne qui enchaîne pamphlets sur pamphlets. La répression se durcit. Une étincelle suffira pour enflammer le conflit entre le roi et le Parlement. Les principaux éléments historiques permettant de comprendre les enjeux sont rapidement posés. Nous n'entrons pas dans les détails, inutiles, mais croisons les personnages aux moments clefs où leurs choix déterminent ce que sera l'Angleterre dans les années futures. A travers l'affirmation d'Angelica, sa dégradation comme sa force de ne jamais renoncer, le téléspectateur s'attache à ce personnage, où l'innocente apparence se dispute à des calculs conscients ou inconscients qui permettent de ne pas l'enfermer dans le cliché de la jolie jeune noble en détresse. Le destin tragique qui semble s'acharner sur elle concerne avant tout ceux qui gravitent à ses côtés, s'attachant et tombant sous cet indéniable charme. Qu'ils la connaissent depuis l'enfance, ou qu'ils incarnent la revendication politique d'une utopie égalitaire -"fanatique" diront certains- sous-tendant ces temps troublés, ou le romantisme d'un homme de guerre aux idéaux brisés, Angelica ne laissera personne indifférent, à dessein ou inconsciemment, elle est à la fois témoin et catalyseur de passions qui ne demandent qu'à exploser.
Le souffle du récit est cependant quelque peu inégal, suivant les épisodes. Si le téléspectateur se laisse aisément happer dans ce tourbillon personnel et historique, le lien dans l'enchaînement des différents évènements, de certaines scènes, n'est pas toujours pleinement convaincant. Il manque peut-être l'affirmation d'un fil directeur clair, qui ne s'éloignerait pas lorsque le rythme baisse. Le téléspectateur a parfois cette impression fugace que certaines scènes sont plus porteuses d'une poésie esthétique romanesque que d'une réelle avancée scénaristique, étrangement déconnectées de tout les évènements qui l'entourent. En effet, la série use et abuse de la symbolique et de la mise en scène théâtrale, toujours efficace, mais parfois un peu trop appuyée. Cependant, l'ensemble demeure convaincant dans un style à la fois classique mais à l'identité pourtant clairement affirmée. Il y a une petite étincelle qui jaillit dans cette série, allant exercer une certaine fascination sur le téléspectateur.
A travers les turbulences de l'Histoire, dans cette toile de fond qui parfois s'invite au premier plan, pour s'effacer à nouveau, c'est avant tout une histoire personnelle qui nous est contée : nous suivons le destin tourmenté d'Angelica Fanshawe, "The Devil's Whore". Etrange qualité soulignée par un surprenant élément fantastique, perdu dans ce drame historique, que sont ces visions d'un diable caricaturé qui apparaît à Angelica depuis, qu'enfant, elle a maudit Dieu de lui avoir enlevé sa mère, partie dans un couvent français. Illusion hautement symbolique aussi, tant du danger qui entoure la jeune femme que de cette malédiction tenace à laquelle son destin est à jamais lié. Une mise en exergue du contraste entre le visage angélique que la jeune femme offre au monde et les maux dont on l'accuse, à voix basse, puis devant un tribunal.
Enfin, ajoutons que le casting est à la hauteur des ambitions de cette belle mini-série, incarnant parfaitement les protagonistes de cette tragédie historique. Je garde un faible pour John Simm, figure combattante et brisée, héros romanesque qui se heurte à cette image glacée, innocente et belle, d'Angelica.
Bilan : Si cette mini-série historique n'est pas dénuée de défauts, la continuité du récit étant marqué par quelques sauts narratifs et quelques longueurs. Et si on peut également lui reprocher quelques arrangements factuels avec la réalité historique [Intéressant article à lire sur le site du Guardian], l'ensemble demeure prenant.
Outre le souffle d'une tragédie historique aux bases classiques, le téléspectateur ne pourra qu'être marqué par l'indéniable beauté esthétique de la réalisation qui exerce un attrait fascinant, illustration réussie de tout ce savoir-faire britannique. Le casting prend bien la mesure de ce récit, au centre du tourbillon de l'Histoire, où se mêlent avec plus ou moins de réussite (plutôt plus que moins) tous les ingrédients des tragédies, entre passions, drames, guerres et amours.
Pour vous faire une idée complémentaire, visionnez la bande-annonce :
Et en bonus, une interview de John Simm (*soupir rêveur*) et de Peter Flannery (le créateur de la série) dans l'émission BBC Breakfast :