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Foucault et Marx: Le pouvoir

Publié le 07 décembre 2008 par Boutros

On a pour longtemps confondu entre le pouvoir et l’état, cette confusion a cessé de tromper la pensée, depuis que Michel Foucault a pris le soin d’analyser ce concept avec beaucoup de prudence ; à ce propos, il disait que la lutte contre le pouvoir est une lutte qui consiste à le démontrer et l’analyser là ou il est invisible et caché. - Il est question ici, de répondre à cette question : Qu’est ce que c’est que le pouvoir ?
Le pouvoir est donc resté pour longtemps une énigme entourée de mal compréhension et d’ambiguïté ; Or comprendre ce que c’est que le pouvoir, emmène à l’élaboration d’un nouvel humanisme. C’est que la relation entre les gens est une relation de conflit interminable, et ce conflit se passe précisément dans le domaine et au cœur du pouvoir. C’est pourquoi on s’est souvent intéressé à cette question épineuse, depuis l’apparition de ce phénomène dangereux et douteux qu’est l’état. Et pourtant, ce concept n’a pas été bien soulevé au niveau philosophique, ni chez les grecs, ni dans la pensée du moyen âge.
Je pense que Montesquieu était le premier à donner les premiers fondements d’une théorie de pouvoir, c’est qu’il était le premier à définir clairement les trois niveaux du pouvoir, ce qui a rendu possible d’organiser la relation des citoyens avec l’état. C’est un grand événement qui concerne l’homme de façon directe, puisqu’il a montré que cette relation ne doit plus rester dans le statut de l’arbitraire qui a marqué le despotisme des siècles moyenâgeux, où l’état était un outil d’investissement et d’oppression des gens. Cet événement est donc en rapport direct avec les conditions de vie des gens et en rapport aussi avec l’humanisme.
Cela ne veut pas dire que les conditions de l’homme se sont améliorées depuis cette séparation des pouvoirs chez Montesquieu, mais cela veut dire tout de même que la question des rapports des hommes est devenue un objet de réflexion, ce qui est un pas considérable ; On est plus dans l’esprit du moyen âge, mais plutôt, dans une nouvelle époque : Le modernisme !
Montesquieu n’était ni un idéologue, ni un prêcheur d’une certaine morale salutaire, il était plutôt un rationaliste moderniste qui a voulu fonder un rapport raisonnable et rationnel entre les gouvernés et ceux qui les gouvernent, au lieu de laisser ce rapport traîner dans le flou et l’arbitraire ; son souci s’inscrit donc, dans l’esprit de l’époque moderne où tout était à refaire, devant l’évolution de l’Europe à tous les niveaux : économique, scientifique, politique, industriel, philosophique, moral … etc. Pour lui, il était temps de penser et formaliser ce rapport entre citoyens et gérants d’états.
De là, est venue cette idée de séparation des pouvoirs entre l’exécutif : l’exercice des pratiques et des interventions administratives ; le législatif : la formulation des lois ; et le judiciaire : les contraintes aux respects des lois. De cette façon, il n y aura plus, selon lui, de possibilité à l’arbitraire, cela assure un fonctionnement rationnel de la pratique de l’état, et donc, assure sa stabilité.
Il a donc cru qu’en opposant ces trois sortes de pouvoirs, la stabilité sera un bien de toute la société. Mais ce qui reste échappé là dans cette théorie, c’est la nature elle-même du pouvoir. Il n’a pas répondu ce que c’est que le pouvoir, mais l’a organisé ; cette question est restée dans l’impensé. Cela explique les différentes tendances d’insurrection, de révolution et de violence qui ont marqué les 17ème et 18ème siècles, y compris la révolution Française qui a tout mis en question.
Le marxisme était l’une des philosophies qui ont voulu aller plus que l’esprit des lois, il a proposé non pas de produire une théorie du pouvoir, mais un projet de changement socio politique. Il s’est présenté comme un mouvement de libération, en réplique aux conditions humaines connues en ces siècles de changements et de troubles. Le marxisme a voulu proposer et imposer un modèle de pratique politique et de l’exercice du pouvoir à partir de la notion de classe et de l’histoire étant un fait matériel.
Les rapports sociaux sont selon le marxisme un fait de classe, un fait matériel ; la société est un ensemble de classes partagées et divisées selon leurs positions dans les rapports de production. L’histoire lui-même est un processus de luttes de classes, c'est-à-dire, que l’histoire est régie par cette lutte de classes. En analysant donc ces processus historiques, économiques, politiques et idéologiques, on pourra comprendre tous les parcours que l’humanité a passés, ainsi que les formes de rapport de production, pour arriver à ce qu’il faut faire dans le présent.
Le concept de classe est la clé de voûte, dans le marxisme, pour comprendre ce que c’est que le pouvoir, dans le domaine des rapports sociaux, et de la nature de l’état. Ces rapports sont le produit de la division de la société en classes opposées les unes contre les autres. Donc, l’état bourgeois est le produit du capitalisme qui est la formation de l’époque. Il est par conséquent, selon le marxisme, un outil d’oppression, d’exploitation et de répression entre les mains d’une classe qui en use contre les autres ; le fondement de l’état est donc la classe sociale.
La classe sociale se définit à partir de deux niveaux : Le niveau des structures sociales, et le niveau des rapports sociaux. La classe est le produit de l’ensemble des structures sociales et ses rapports entre elles. Cela veut dire, qu’il ne suffit pas d’analyser les classes à partir seulement de ses rapports économiques ; il faut prendre en considération tous les autres niveaux dans leurs rapports réciproques. Les classes sociales sont des pratiques sociales contradictoires qui constituent le champ des luttes de classes ; le concept de classes sociales ne se limite pas aux niveaux structurels, mais plus encore, au niveau des rapports sociaux qui sont des pratiques sociales. C’est pourquoi, les rapports de luttes entre les classes et leurs existences, sont des reflets de la nature des relations entre les structures et les formes que prennent leurs contradictions dans le champ des rapports sociaux : Ces rapports, sont elles, qui définissent, à tous les niveaux, la forme fondamentale entre les classes et leurs rapports d’oppression et d’hégémonie.
Mais puisque le niveau économique ne détermine pas tout seul les classes sociales, son rôle est tout de même décisif dans tout mode de production, c’est lui qui le domine et le régi. C’est lui qui enfin de compte définit ceux qui dominent dans tout mode de production. Marx et les marxistes considèrent que le pouvoir et ses rapports ont un domaine qui est celui de la lutte de classes, c’est que le champ de la pratique de classe est le champ où naît et se forme le concept du pouvoir.
Le pouvoir chez le marxisme n’englobe que le domaine des rapports sociaux avec les interactions des niveaux économiques, politiques et idéologiques, et comme chacun de ces niveaux à sa propre autonomie relative, c’est que chacun d’eux a son propre pouvoir. De là, on peut parler de pouvoir politique, de pouvoir économique et de pouvoir idéologique. Mais cela ne veut pas dire que ces pouvoirs ont des autonomies totales, mais cela veut dire, qu’ils terminent tous dans le champ de l’appareil d’état, car c’est vers cet appareil que tendent et se rassemblent ces pouvoirs ; or cet appareil est entre les mains et dans la possession d’une seule classe qui le gère selon ses intérêts économiques, politiques et idéologiques.
Et le fait que la fonction de l’état a plusieurs formes : économiques, politiques et idéologiques, par ses rapports avec tous les niveaux, alors, elle joue un rôle global ; or ce rôle est politique, qui est en liaison étroit avec l’état. C’est pour cette raison que le rôle politique de l’état lié avec la lutte politique des classes, définit enfin de compte les fonctions économiques, techniques et idéologiques, en tant que rôle total et global de l’état.
L’état est donc lié à la domination de la classe politique régnante, sans que cela ne signifie que l’état a plusieurs rôles se rapportant chacun à un certain domaine défini ; mais plutôt sa fonction et la même dans tous les domaines, qui vise à maintenir la cohérence politique de l’état dominante. Le concept de pouvoir dans le marxisme ne peut pas être isolé de la classe et le niveau social.
Mais malgré l’importance du domaine politique, la lutte des classes dans le marxisme ne peut être globale que si elle tourne autour de ce qui est essentiel dans ce domaine et qui est l’appareil de l’état ; il y a donc une différence entre le pouvoir de l’état et son appareil, de façon à ce que le pouvoir de l’état soit essentiellement entre les mains de la classe régnante dans la production, alors que l’appareil de l’état est l’outil avec lequel une classe pratique son pouvoir.
L’appareil de l’état est donc le noyau de la lutte des classes et de la lutte politique ; c’est lui le moteur de la lutte des classes et son but final, parce que la possession de l’appareil de l’état entraîne automatiquement la possession du pouvoir de l’état qui est la fin de toute lutte de classe. Ce pouvoir est donc entre les mains d’une classe, et lorsqu’on parle de pouvoir de l’état on signifie le pouvoir d’une classe, dont les intérêts se croisent, sur les autres classes sociales. Les rapports de classes dans tous les niveaux de pratiques sont des rapports de pouvoir.
Le pouvoir est la capacité d’une classe à réaliser ses intérêts politiques, économiques et idéologiques ; un groupe ne peut pas être défini comme classe s’il n’a pas d’intérêts commun qui l’aident à jouer son rôle de classe bien organisé et déterminé sur tous les niveaux ; la classe est donc liée avec l’intérêt, et là où il y a des intérêts commun, il y a une classe qui les représente. Le pouvoir se trouve dans tous les différents niveaux de pratique du moment qu’il y a des intérêts économiques, politiques et idéologiques.
La classe sociale et le pouvoir, dans le marxisme, sont liés aux intérêts de classe. Car le pouvoir se base sur les pratiques de classe et leurs rapports, de là, se définit le pouvoir par un mode de rapport social caractérisé par la lutte. Et puisque le pouvoir est lié aux intérêts et aux classes définies par leurs intérêts, alors, la lutte est le fondement du pouvoir et son indicateur ; de là, le rôle du prolétariat comme classe est de faire sa lutte contre la classe bourgeoise. La notion de la masse gouvernante est aussi un des concepts du marxisme, il signifie le groupe qui appartient au pouvoir ou qui soutient le pouvoir directement ou indirectement, sans que ce groupe ne soit d’une seule et même classe. Ce concept montre précisément la forme du rationalisme dans les sociétés occidentales.
Le marxisme a proposé une analyse de la répartition des classes : la classe gouvernante qui est celle qui prend en main la domination politique ; la classe régnante qui est celle qui domine l’économie ; la classe possédant le pouvoir qui est celle qui occupe et maîtrise le pouvoir, et puis la classe gérante qui est celle qui occupe et possède l’outil de l’état ; ce groupe de classe est bien lui qui forme le pouvoir. Il y a aussi les classes alliées aux classes possédant le pouvoir à travers leur possession de l’état, et puis il y a les classes qui soutiennent les classes possédant l’état, par l’illusion idéologique et sans en tirer profit. Dans l’autre camp, il y a les classes dominées et exploitées. Cependant une classe peut jouer plusieurs rôles, ce qui est un statut complexe, et c’est ce qui explique l’importance des intérêts dans ces rapports de classes et qui fait son impact sur les relations politiques.
Le pouvoir est donc une pratique légitime soutenue par la force : économique, politique, idéologique. La classe dominante exerce son pouvoir sous le titre de la loi et de la légitimité ; de là, on arrive aux conclusions suivantes :
1- le pouvoir est lié à l’intérêt politique.
2- Le pouvoir se limite dans les appareils de l’état et ses institutions, l’état est donc le pouvoir.
3- On ne peut pas parler de pouvoir en dehors des relations sociales des classes et qui est un reflet des structures sociales.
4- Le pouvoir est donc une propriété d’une classe.
Mais là, on se pose les questions suivantes : s’agit-il d’une lecture de l’évolution économique des sociétés où l’infrastructure est la cause de la superstructure et sa raison unique ? Où s’agit-il d’une histoire de la lutte des classes comme étant la référence des rapports de production et de ses conditions historiques d’action politique ? Où s’agit-il de la volonté où il est question de l’action et de l’efficacité ?
En général, c’est là, la vision marxiste du pouvoir qui s’est constituée à partir de Marx et des marxistes. Puisque le marxisme a évolué dans beaucoup de contexte bien différent : La Russie, la Chine et d’autres. En fait, le marxisme voyait qu’il faut toujours partir de l’analyse concrète de la réalité concrète, de là la nécessité d’adapter le marxisme aux différents contextes, comme ce fût le cas chez Lénine, Mao Tsé Tung. Or cette différence est allée jusqu’à la contradiction entre les différentes théories et pratiques marxistes.
Le marxisme définit en général le champ du pouvoir dans les pratiques sociales et l’assigne dans l’appareil de l’état qui garantit les intérêts des classes dominantes par l’idéologie et la violence. Selon Michel Foucault, cette vision prend sa base dans le discours juridique qui se caractérise par les abstractions et les spéculations sur ce que c’est que l’appareil de l’état, c’est pour cette raison qu’elle set restée inefficace et restreinte, elle n’a pas pu connaître le sens minutieux du pouvoir et les éléments qui le gèrent.
En réalité, l’analyse du pouvoir et de sa nature ne doit pas partir de la souveraineté de l’état comme évidence, ni des formes juridiques, ni de l’unité globale de l’hégémonie générale d’une telle domination, car ces postulats ne sont que les formes terminales d’un pouvoir.
Ayant compris cette difficulté, Louis Althusser a essayé d’éviter cela en définissant le déroulement du pouvoir comme un système complexe, comprenant plusieurs institutions comme la police, le corps militaire, l’administration, les tribunaux, les prisons, mais aussi les appareils de l’état comme l’enseignement, l’information, la religion, l’éducation, la loi, l’action syndicaliste ; en faisant une simple différence entre les deux formes d’institutions. La première agit pour défendre le système politique et l’exploitation des classes. La deuxième consiste à reproduire le même mode de rapport dominant ; mais le pouvoir reste quand même cette chose qui fait l’objet pour lequel les classes font la lutte.
Althusser a essayé par là, de mettre la théorie marxiste sur le pouvoir dans un cadre adapté à la nature de la pensée occidentale, pour l’éloigner de la mauvaise image donnée par l’expérience soviétique, alors que les horreurs de Staline n’étaient pas du tout tolérées par la raison Européenne, cette raison qui se situe entre l’exagération du model soviétique et la modération du model libéral. Althusser voulait donner un autre visage du marxisme comme théorie de libération de l’homme, avant que ce marxisme ne s’effondre ; mais il a gardé le même concept sur le pouvoir comme étant lui-même l’état : Le pouvoir c’est l’état. Et quand on parle de l’état on signifie également le pouvoir et rien d’autres.
Pour Althusser, il faut garder l’aspect révolutionnaire du marxisme, concernant le Tout social qui est différent du Tout hégélien, c’est là les propos du matérialisme historique ; Marx conçoit la structure de toute société comme étant formée de plusieurs niveaux qui se manifestent en infrastructure ou en fondement économique ( l’unité des forces productives et les rapports de productions) et la superstructure qui comprend deux niveaux : le niveau juridico-politique et le niveau idéologique, tels que religion, morale, et politique.
Nous sommes donc dans la littérature marxiste où les éléments de base sont la superstructure et l’infrastructure, et lorsque Althusser parle de conception révolutionnaire, il s’éloigne totalement de la notion de résistance comme le propose Foucault ; en fait, entre la notion de révolution et la notion de résistance, s’impose la différence radicale entre la notion de pouvoir de Marx et celle de Foucault, chez le premier le pouvoir c’est l’état, chez le second, il est plus vaste et plus ample, où l’état n’en est que l’outil apparent ; l’état n’est qu’un point dans le champ du pouvoir.
Pour Althusser, sa conception permet d’adapter la preuve de l’efficacité cohérente dans son dispositif théorique et conceptuel, il en vient à deux remarques : Il y a une relative indépendance de la superstructure dans sa relation avec sa base ; et il y a aussi un impacte de cette superstructure sur sa base. Mais cette constatation chez lui reste descriptive et métaphorique, car, il s’agit d’un rapport formel avec la production, et c’est sur cette base, qu’Althusser analyse l’état et ce qu’il considère lié à lui.
Depuis le manifeste du parti communiste de Marx, et l’état et la révolution de Lénine, l’état est la répression, il est une machine de répression entre les mains des classes dominantes qui leur permet de contrôler et de maîtriser tout. L’état est un appareil, et cela veut dire qu’il est une nécessité à partir de la pratique judiciaire : La police, la justice, les prisons et les forces militaires qui interviennent comme forces répressives appartenant au chef de l’état, du gouvernement ou de l’administration, et c’est exactement ce que Foucault refuse.
Althusser voit que la théorie de l’état dans le marxisme léninisme a mis la main sur l’essentiel : L’appareil de l’état comme force exécutive et répressive au profit de la classe dominante dans sa lutte contre son opposée qui est la classe prolétaire. Althusser définit donc l’état par l’état, c'est-à-dire qu’il en fait une tautologie, en confondant entre l’état et le pouvoir.
Althusser voit que l’état et ses appareils n’ont de sens que dans la mesure où ils sont le pouvoir d’état, il est donc une propriété qu’on doit garder avec soin. Il faut cependant faire la différence entre le pouvoir de l’état qui est la cible de toute lutte de classe, et l’appareil d’état. De là, l’état est le pouvoir lui-même, qu’il faut bien garder et maintenir pour l’utiliser dans la lutte.
Selon le marxisme : 1- L’état est l’appareil répressif de l’état. 2- Il faut faire la différence entre le pouvoir de l’état et l’appareil de l’état. 3- Le but de la lutte des classes est dirigé vers le pouvoir de l’état et donc la possession du pouvoir de l’état et de l’appareil de l’état. 4- Le prolétariat doit prendre par le pouvoir de l’état pour détruire l’appareil de l’état bourgeois, en vue de détruire l’état lui-même à travers l’état communiste prolétaire. La destruction de l’état est le but final pour la libération de l’homme, après l’état prolétaire qui détruira l’appareil de l’état quant il aura fondé le communisme, c’est le but sublime du communisme conçu par Marx !
Althusser a fait de son mieux pour rénover ou de mieux montrer la conception marxiste, en essayant de faire des distinctions entre le niveau idéologique, avec sa relative autonomie, et le niveau matériel ; il a fait une démonstration méticuleuse sur le rôle des institutions idéologiques par rapport à d’autres institutions dont le rôle est la force. Mais il n’a pas pu quitter la confusion faite dans le marxisme concernant l’état et le pouvoir ; et cette confusion n’est pas un simple hasard ou accident d’interprétation, mais il est bien élaboré pour justifier la force et la violence que doit pratiquer la révolution prolétaire pour détruire l’état bourgeois. Pour que la classe prolétaire réalise son pouvoir, elle doit faire la révolution contre l’état bourgeois, en vue de lui confisquer ce pouvoir en lui confisquant l’état ; c’est pour cette raison que le marxisme parle et prêche la révolution qui exige la violence totale et globale, voire universelle.
Mais ce que Althusser, et les marxistes en général, n’ont pas remarqué, c’est le monde microphysique du pouvoir. Cela explique les horreurs arrivées et faites dans le model soviétique. Ces visions et ces pratiques, sont restées loin de comprendre la nature du pouvoir, ses relations, ses mécanismes et ses techniques. Le pouvoir n’est pas une chose qu’on peut obtenir ou posséder, il n’est pas une chose qu’on peut confisquer et distribuer, il n’est pas une chose qu’on peut conserver et garder, ou laisser échapper ; le pouvoir s’exerce à partir d’un ensemble illimité et indéterminé de points, et ce dans un jeu de relation toujours ambiante et inégale.
Le pouvoir vient d’en bas, cela veut dire, qu’il n y a pas de dualisme qui met dans un camp les gouvernés et dans l’autre camp les gouvernants. Ce dualisme se reflète à partir d’en haut vers l’en bas, et se généralise de plus en plus dans tout le corps social. Le marxisme considère l’hégémonie comme essence du pouvoir, cela suppose l’existence immanente de la répression et de la soumission. Mais cela suppose finalement le partage de la société selon une dualité métaphysique, d’un coté le gouvernant de l’autre le gouverné, d’un coté ceux qui ont en main le pouvoir, et ceux qui subissent les effets de ce pouvoir. Le pouvoir selon cette conception, est la domination dont le rôle est d’interdire, d’ordonner tout en imposant la soumission ; le pouvoir est finalement la répression qui est l’impôt de la loi, et celle-ci impose la soumission. La violence et la loi sont les moyens qu’utilise le pouvoir pour assurer son effet. Le pouvoir est une contrainte et une négation, une fonction dont le résultat est le refus systématique de la vérité, et l’empêchement de la production du savoir.
Ces pratiques du pouvoir s’accroissent parce que le pouvoir craint la vérité qu’il doit cacher, de là, le marxisme trouve que la vérité et le pouvoir sont contradictoires, et c’est la raison pour laquelle il faut lutter pour faire entendre la voix de la vérité qui est un défi au pouvoir répressif. La vérité est donc un contre pouvoir ; mais la vérité elle-même n’est pas sans pouvoir, elle est pour ça au service de la bonne conscience et de l’intérêt général. Le pouvoir n’est qu’un champ de production de la violence, de la répression et des lois régnantes ; il est une force qui détermine les limites qu’il ne faut pas dépasser, une force qui réprime toute déviation et toute violation de la loi ; en échange, la vérité serait une tendance pour la clarté, la production du savoir et le défi du pouvoir, il est la voie vers le bonheur et la libération.
Selon cette vision, la société vit à la merci du dualisme gouvernant/gouverné : Le pouvoir légal et les corps dociles, la société vit à la merci du pouvoir exclusif de l’état qui est un rassemblement de classes dominantes résultant des rapports sociaux politiques et idéologiques.
Pour Foucault, c’est le contraire même : Le pouvoir ne se localise pas dans un seul champ qui lui serait son siège, il n y a pas qu’un seul, mais plutôt des pouvoirs, à la fois pluriels, dispersés, différents et producteur de plusieurs rapports, et de ce fait, ils n’ont pas de centre qui le possèderait ou le gérait selon leurs propre volontés ; le pouvoir est un rapport de conflit et non pas une propriété, il se trouve partout, et il est un acte pratiqué à partir de plusieurs différenciations ambiantes. Les rapports de pouvoir ne se trouvent pas dans une structure supérieur, et leurs rôles ne se limitent pas à l’interdiction, au contraire, ils ont là où ils s’activent un rôle extrêmement créatif, en plus, ils se pratiquent à partir d’un ensemble infini de points et dans une relation variante et inégale. Mais Foucault n’exclue pas l’aspect d’hégémonie du pouvoir, cette hégémonie existe bien ainsi que la classe, la bourgeoisie n’aurait pas pu apparaître comme classe dominante, si elle n’était pas constituée comme classe ayant ses propre caractères.
La classe bourgeoise a passé plusieurs périodes qui l’ont qualifiée d’être une classe, dans ces périodes elle a pu maintenir un contrôle général et minutieux sur elle-même à partir des questions de la sexualité, de la santé et de la vie … etc. Mais l’hégémonie ne veut pas dire que cette classe possède a elle seule le pouvoir. Foucault a voulu montrer que le pouvoir s’exerce sur les gouvernés comme sur les gouvernants : L’hégémonie n’est pas l’essence du pouvoir. Personne ne se trouve en dehors des rapports de pouvoir, sans que cela ne signifie qu’il y a un dedans et dehors du pouvoir, et sans que cela ne signifie que le pouvoir est au-dessus de toute la société, mais plutôt, qu’il est propagé dans toute la structure sociale, et même dans ses lieux les plus marginaux, et dans toutes les opérations sociales les plus fines des échanges sociales. Le pouvoir s’exerce dans des systèmes divers : Les rapports sexuels, les rapports familiaux et les rapports scolaires.
On ne peut pas parler de pouvoir unique à la possession d’une classe, parce qu’il naît dans l’architecture sociale sous formes de réseaux très riches et complexes, et qui ne cesse de muter d’un point à l’autre. Et pourtant là où il se trouve, la résistance se trouve avec lui comme ses cotés les plus dynamiques. Le pouvoir et la résistance sont deux choses indisparates, chacun d’eux fait face à l’autre dans ce rapport infini.
Mais cette résistance n’a pas pour but de détruire le pouvoir, mais elle est sa contrepartie dans le champ stratégique des rapports de forces. Or les rapports de pouvoir ne se trouvent pas en dehors d’autres formes de rapport : économiques, scientifiques et sexuels ; mais ils lui sont immanents, ils sont les résultats directs qui se produisent des inégalités et des dysfonctionnements qui arrivent au sein de ces rapports, ils sont les conditions intérieurs de ces différenciations.
Le marxisme ne s’est pas présenté seulement comme théorie du pouvoir, mais comme projet de libération ; Marx comme grand critique de la pensée Allemande, surtout critique de Feuerbach et Hegel, a trouvé qu’il ne suffit pas d’interpréter le monde, mais de le changer. La praxis a pris sa place essentielle dans le marxisme, c’est pourquoi les œuvres de Marx étaient soit une critique de la pensée Allemande (L’idéologie Allemande), soit une installation de l’outil révolutionnaire (Le manifeste du parti communiste).
On peut avancer ici quelques remarques à ce propos :
1- La classe n’est pas un concept stationnaire comme l’a cru Marx. Elle existe bien, mais elle n’est pas le moteur de l’histoire, or ce qui fait bouger l’histoire, ce sont les hommes comme individus ou comme groupe. 2- Il en résulte que le marxisme fait disparaître l’individu au profit de la classe. 3- L’individu ou les individus sont gouvernés par les désires et ses dynamismes, et cela compte beaucoup dans la notion de la libération de l’homme, c’est aussi le trou qui explique l’échec du communisme comme projet libérateur. 4- Le marxisme néglige la dynamique de l’individu et son être, c’est pour ça qu’il a échoué comme projet de libération de l’homme, au contraire, il a abouti à une aliénation de l’individu dans le groupe et dans l’état, il est devenu par conséquent plus docile et plus soumis. 5- Le marxisme, en vénérant les intellectuels dirigeants, confisque d’emblée son projet libérateur. 6- Le marxisme a parlé d’un transfert du conflit entre les hommes à un conflit entre les hommes et la nature ; il nous a mis là, devant un projet utopique qui aboutit à autre chose que le communisme, c’est pourquoi l’humanisme marxiste a échoué, au contraire, cela a permit une forme plus violente et plus nuisible à l’homme : Le modèle soviétique !
Je pense que Michel Foucault a repris d’une façon radicale, la question du pouvoir : Le monde du pouvoir est un monde microphysique. Le pouvoir n’est pas une idéologie, mais plutôt un producteur de savoir, avec lequel il renforce ses stratégies, sans ce savoir, le pouvoir ne pourra pas continuer. Foucault renverse les choses : Les institutions sont des formes apparentes du pouvoir, il faut donc aller encore plus loin pour analyser le pouvoir, il faut dénicher la présence du pouvoir et ses techniques là où il est le moins visible ! Comprendre le pouvoir est un acte interminable, vigilant et prudent, au lieu de se contenter de l’explication simpliste du marxisme.
Foucault a donc présenté une lecture plus radicale, plus minutieuse et plus flexible du pouvoir. Il a eu le courage de poser et de répondre aux questions suivantes : Qu’est ce que le pouvoir ? Comment se fonde-t-il ? Comment se définit-il ? Où peut-on chercher ses traces ? ET quelle est la nature de son intelligibilité ? Qu’est ce qui justifie ses proliférations et ses manifestations multiples à travers et dans le corps social ? Dans ses recherches, Foucault a découvert ce corps étendu et propagé comme le loyer d’une araignée, qui tire vers lui toutes les dimensions existentielles de l’homme, l’assimilant avec violence jusqu’à ce qu’il se transforme en contre force ! Y compris contre lui-même !
TRIBAK AHMED

1- Foucault M. : « Les intellectuels et le pouvoir » Entretien avec Gilles Deleuze, in Dits et Ecrits, n° 106.
2-Foucault M. : « La volonté de savoir » Gallimard, 1976.
3- Althusser L. : « Positions » Editions Sociales, Paris, 1976. p.74.

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