On n’a pas tous les jours…

Publié le 07 décembre 2008 par Jlhuss

… soixante-cinq ans (*).

par Chambolle

L’INSEE le dit, donc ce doit être vrai : En France, on n’est jamais plus heureux qu’à l’âge de soixante-cinq ans. Pourquoi ? Le délicieux Philippe Séguin qui, quand il ne préside pas la Cour des Comptes, veille sur le Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO) a trouvé LA réponse : Les vieux sont heureux car ils sont riches.

Et de détailler les signes extérieurs qui permettent de classer le retraité moyen dans la catégorie « Privilégiés » au même titre que Mmes et MM Bettancourt, Pinault, Bolloré et autres Lagardère. Le sexagénaire moyen est propriétaire de son logement, il bénéficie d’une retraite obtenue après « seulement » trente sept annuités et demie de service, enfin il paie des cotisations sociales inférieures à celles des actifs. Information supplémentaire et qui ne surprendra que ceux qui n’ont jamais été confrontés à la perversité humaine, non content d’être riche, le vieux est pingre. Au lieu de se payer, comme tout le monde, un yacht, une Ferrari et un ordinateur portable incrusté de diamants, produits qui paient la TVA plein pot, il achète des médicaments ou, pire encore, des livres, marchandises faiblement taxées qui ne rapportent que broutilles aux caisses de l’Etat.

Doit-on comprendre qu’il faut engager les seniors à remplacer la lecture qui, outre sa faible rentabilité pour le budget national, peut, lorsqu’elle mène à la réflexion, se révéler extrêmement pernicieuse pour la paix sociale, par  d’autres activités plus productives pour les finances de l’Etat comme la consommation à haute dose de cigarettes ou de boissons fortement alcoolisées ? On joindrait ainsi l’agréable à l’utile. Notre économie bénéficierait très vite de l’apport d’argent frais dont elle a le plus pressant besoin. En outre, le tabac et de l’alcool ne manquerait pas d’avoir sur la longévité des effets de nature à regonfler les comptes des caisses de retraites par la disparition accélérée des ayants droits.

Plus sérieusement, Monsieur le Président du CPO sait très bien que, la plupart des sexagénaires qui sont propriétaires ne le sont devenus que parce qu’ils ont acquis maison ou appartement à force de travail et d’économies. Il n’ignore pas non plus que, si les politiques des salaires suivies ces trente dernières années avaient été moins outrageusement favorables aux actionnaires et donc, défavorable aux salariés, le problème de l’équilibre du système des retraites ne se poserait pas dans les mêmes termes. Il doit aussi être informé que beaucoup de personnes âgées ne paient pas l’impôt parce que leurs ressources sont des plus limitées. Du coup, ses déclarations enflammées sur l’« inéquité générationnelle » qu’il faudrait combattre toutes affaires cessantes apparaissent pour ce qu’elles sont : un moyen cousu de fil blanc et, pour tout dire, assez pitoyable de préparer l’opinion à un alourdissement des prélèvements obligatoires sur les retraites

En effet, monsieur Seguin, est un homme intelligent, et l’INSEE un organisme habituellement sérieux. Ils  savent que le « pic de bien être des personnes de soixante-cinq ans » n’a pas d’autre cause que le soulagement d’être enfin délivrés de l’angoisse que fait peser sur la majorité des ouvriers, des employés et des cadres de plus de quarante-cinq ans travaillant dans « l’économie réelle » la menace d’un licenciement pour cause de baisse de compétitivité. Quand le gouvernement prêche le « travailler plus pour gagner plus » ce genre d’information est gênant. Il faut donc le détourner. Non pas tant parce qu’il ne serait pas sarkozyquement correct,  mais parce que, bien manipulé, il peut permettre une juteuse opération budgétaire.

Les riches, via le bouclier fiscal et la baisse de l’impôt sur le revenu, contribuent de moins en moins au budget de l’Etat. Il faut donc, nécessairement, faire payer les autres. Parmi ceux-ci, les retraités sont une cible de choix : aucun risque qu’ils se mettent en grève, qu’ils bloquent les aéroports ou les voies TGV ni qu’ils gâchent les voyages du chef de l’Etat par des manifestations musclées. Pour faire passer la pilule, un peu de démagogie n’est pas inutile. Personne n’aime les privilégiés. Pourquoi ne pas tenter de les faire passer pour des profiteurs à qui il faut faire rendre gorge ?

Il n’est pas sûr pourtant que la magouille réussira. Monsieur le Président du CPO note, avec une pointe de regret, que  ces classes d’âges se tiennent mieux informées et sont plus organisées que leurs cadettes…   Des gens qui lisent et qui croient à l’action collective, voilà, en effet, une raison sérieuse de douter du succès. Salauds de vieux !

Chambolle

(*) Les infos reprises dans cette note sont tirées d’articles parus dans le Monde daté du dimanche 30 novembre 2008

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