Il en va du capitalisme comme du cholestérol, il y en a du bon, il y en a du mauvais. En l’occurrence le capitalisme financier, c’est du toxique. La belle affaire !
Les tenants du libre marché quels que soient leurs bords ne sont plus à une acrobatie sémantique près.
Ebranlés par le choc de la déroute banquière qui secoue la planète, les libéraux de longue date entament la danse de la régulation. Sans aucune gêne. Aucune. Il est vrai que pour cela, ils y mettent les formes (sémantiques).
Tout d’abord par saucissonnage. Le capitalisme financier n’est pas le capitalisme. Il est encore moins le libéralisme, cette forme évoluée et subtile de la libre-entreprise qui prétend être l’alpha et l’omega de l’homo sapiens œconomicus. Pourtant, le libéralisme comme le capitalisme relève des mêmes processus. Le bon docteur Mandeville l’exprimait déjà en 1705, « les vices privés entraine le bien public« . En d’autres termes cupidité, égoïsme, égocentrisme nourrissent le libéralisme (et le capitalisme). Faire la dichotomie entre libéralisme et capitalisme relève du sophisme. Licencier, pressurer, déforester ou abuser des instruments opaques de la finance pour faire sauter le jackpot relève des mêmes tropismes. Quel que soit le nom que l’on donne à la chose, libéralisme, capitalisme financier ou pas, les conséquences ravageuses sont génétiques et consubstantielles au système. Les observateurs miment l’ébahissement. F.Lordon utilisait la métaphore des légionnaires pour en décrire parfaitement l’état d’esprit : en effet, « mettez une douzaine de légionnaires en permission dans une maison de plaisirs, et ne vous étonnez pas si après quelques temps passé là, ils ne jouent pas au rami ou ne dissertent sur la princesse de Clèves« . Banquiers, économistes, pisseurs de pages feignent la consternation. Consternant.
Il n’est pas si vieux le temps (il y a quelques semaines tout au plus) où toute référence à la régulation provoquait huées, quolibets et sarcasmes de la part de nos éclairés analystes de l’économie moderne. Aujourd’hui, on nationalise en toute décontraction. En particulier quand il s’agit de socialiser des pertes dues aux balourdises de la main invisible.
Autre moyen de détourner l’attention : l’individualisation, une sorte de paroxysme du capitalisme (on individualise l’individualisme). Où pour exonérer le système de ses aberrations on sacrifie un benêt sur l’autel de la chrématistique. Il y a quelques mois un trader fou, aujourd’hui, compte tenu des dégâts, on cible du plus gros gibier. Les heureux désignés sont les revenus et parachutes dorés des maîtres du monde. La patronne du MEDEF (où l’UIMM est le plus gros bailleur de fonds) miaulait au petit matin sur une chaine nationale à ce propos. En substance, les grands patrons créent des richesses, il est donc normal qu’ils empochent des bonus astronomiques. Comme le CEO de Lehman Brothers, banque aujourd’hui liquidée, qui empochât en 2007 la coquette rétribution de 40 millions de dollars pour la « bonne » gestion de la crise des « subprimes ». Le problème est que tout cela n’a absolument aucune incidence sur le système. Ce n’est que symbolique. S’occuper des salaires des dirigeants, finalement, n’est qu’un détournement du problème principal. Est-ce que les néo-moralistes d’un capitalisme à visage humain imaginent apporter des solutions globales en limitant les émoluments des dirigeants ? C’est un hypocrite écran de fumée. Un opportunisme. Car le libéralisme, le capitalisme et tous les avatars sémantiques générés pour des objectifs de communication ne sont, à la fin des fins, qu’un opportunisme.
vogelsong – 28 septembre 2008 – Paris