Deux perspectives saisissantes et inversées représentent, à plus de quatre cents ans d'écart, deux visions a priori profondément différentes du Christ mais qui ont en point commun leur réelle singularité.
Celle, bouleversante, d'Andrea Mantegna (Le Christ mort, peint dans les années 1480), tableau a tempera, représentant le Christ mort allongé selon un angle de vue particulièrement audacieux pour l'époque, et l'autre, presque cosmique, de Salvador Dali (le Christ de Saint-Jean de la Croix, 1951).
Dans un cas, Mantegna nous révèle un Christ dont la chair livide se confond avec la couleur grisâtre du drapé. Le rendu typiquement sculptural du peintre (les plis du drap semblent, à l'instar de certains peintres flamands, comme sculptés dans la pierre) y est sublimé. En même temps, Mantegna fait preuve d'un hyperréalisme dans le rendu des plaies du Christ qui, quelque part, nous dérange car il nous ramène à la réalité de ses souffrances atroces. Cette vue en contreplongée, très serrée, nous rapproche du fils de Dieu.
Dans le cas de Dali, la perspective est toute autre. Cette perspective irréelle, nous suggère presque la vue que pourrait avoir Dieu le père de son fils sur la croix. Cette fois, dans la logique du surréalisme, l'espace est déstructuré. Entrer profondément dans cette toile fait perdre tout repère. Il ressort alors de cette composition une force exceptionnelle, rappelant l'angoissant vide cosmique d'un univers infini.
A noter en ce moment, la très belle exposition Mantegna au Musée du Louvre jusqu'au 5 janvier 2009.