Plus dramatique, se complaisant dans l'absurde de scènes où les décalages constants apparaissent jubilatoires au téléspectateur, voilà encore un très bon épisode continuant un arc qui s'assombrit au fil des épisodes. La situation de Nancy se dégrade, le ton est plus sombre. Pour autant, le dynamisme engendré par des scénaristes décidés à ne reculer devant rien cette saison offre un ensemble qui fonctionne parfaitement, réjouissant à suivre mais aussi éprouvant par moment.
L'épisode précédent se concluait par la découverte du stock de marijuana de Nancy barbotant dans sa piscine sous l'oeil satisfait d'une Celia impériale bitch d'Agrestic. La confrontation entre les deux anciennes amies est décalées, irréaliste par ce ton alternant un sérieux de circonstance et cette touche de décalage absurde dans laquelle la série se complaît pour notre plus grand plaisir. Marvin, dont toute l'apparence clame l'appartenance à l'image clichée du gangster, tente sans succès de se faire passer pour un innocent caissier, tandis que les nerfs de Nancy lâchent. Après avoir tenté de calmer sa frustration en attaquant Celia avec une pierre -ce que Marvin a, fort sagement, empêché-, notre improbable duo entreprend d'essayer de rendre comestible ce stock de marijuana chlorée et mouillée, qui constitue désormais la seule monnaie d'échange de Nancy. Malheureusement sans succès.
Désespérée, Nancy se tourne alors vers la seule personne qui pourrait avoir une motivation et les moyens de contre-carrer l'inévitable : Heylia. Cela permet une confrontation explosive à souhait, qui dégénère en un n'importe quoi plus ou moins maîtrisé, joyeusement absurde, offrant quelques scènes jubilatoires pour le téléspectateur. Nancy et Heylia finissent ainsi par régler leurs différends à mains nues, devant un Marvin, incarnant parfaitement le gangster "bad guy mais pas trop" obéissant aux ordres de manière pragmatique, cependant cela ne l'empêche pas d'être un peu embêté par la situation. Heylia vide finalement sa réserve de liquidités (i.e. le fauteuil de son salon). Seulement, quand elle remet l'argent à U-Turn, elle ne paie qu'une seule dette : celle de Conrad. Laissant une Nancy, se tapant la tête contre le mur en signe de désespoir, à laquelle Conrad tourne pour la première fois le dos. Mary-Louise Parker joue de façon extra les femmes désespérées tentant vainement d'assimiler, avec ce sourire de circonstance dont elle a le secret, toutes les tuiles qui lui tombent dessus. L'horizon continue de s'assombrir pour Nancy. Elle a désormais une dette à rembourser à U-Turn. Tandis que Conrad se retrouve embauché de force comme "jardinier à marijuana" au service de U-Turn.
Si le téléspectateur compatit certes avec les malheurs de Nancy, comment ne pas suivre avec énormément de plaisir ces péripéties et retournements, ponctués de dialogues parfois complètement déconnectés, toujours savoureux et rythmés. J'adore. Autre exemple de ce ton unique, via lequel les scénaristes ne se refusent rien : lorsque U-Turn se rend compte que Sanjay est resté dans le placard depuis le début, il ouvre avec un air très menaçant la porte, braquant son arme sur l'employé de Nancy... qui choisit cet instant pour faire son coming out. "Révélation" sortant de nulle part, au timing osé, qui vient perturber le fil de la narration pour offrir une étrange pause dans les histoires de marijuana et de dette. U-Turn se penche sur les introspections récentes de Sanjay pour un dialogue entre les deux totalement irréaliste.
Parallèlement, Andy continue d'atteindre des sommets dans le domaine des qui pro quo. La police ayant arrêté Shane pour conduite sans permis (à l'âge de 12 ^_^), Andy a récupéré le van sur le bas-côté de la route et se dirige vers le commissariat où il a été appelé. Seulement l'Amber Alert lancée mentionner ledit véhicule comme moyen de transport du kidnappeur... Des clients un brin zélés, croisés dans un magasin, se chargent d'exposer à Andy leur opinion sur les "pervers kidnappant leur neveu". L'épisode se conclut au commissariat, où Nancy, venue recherchée Silas, découvre Shane à ses côtés dans la cellule, avec un Andy ensanglanté et essoufflé, débarquant quelques secondes trop tard pour éviter ses foudres. Encore une scène d'anthologie dans ce commissariat.
Enfin, Celia a poursuivi sa route après avoir contribué à aggraver la journée de Nancy. Passablement éméchée, elle échoue dans son ancienne maison, où son futur ex-mari et sa fille ré-apprennent à vivre sans sa présence étouffante, avec toujours autant de bonheur. Dean ayant révélé à la femme de Doug la liaison de ce dernier, le comptable tente de retourner vers Celia. Mais il finit la nuit à pleurer dans ses bras, se lamentant sur son sort, en hurlant qu'il aime sa femme... Unique.
Finalement, à la fin de l'épisode, Nancy fait la seule action logique après une pareille journée en enfer : elle saute dans sa piscine et hurle, dans l'eau verdâtre encore 'marijuanée', toute sa frustration devant un tel enchaînement improbable d'évènements... Après une saison 2 où tout se développait sans anicroche ou presque, la saison 3 se présente comme celle d'un brusque retour à la dure réalité du business où elle s'était imaginée prospérer. Elle parait bien loin, l'innocence arrogante des débuts.
Bilan : Jubilatoire, ne s'interdisant rien, sombre tout en gardant cette touche caractéristique d'absurdité comique, ce début de saison est véritablement excellent. Cela se savoure sans modération.