Le téléthon aujourd’hui… Je pense à tous ces enfants injustement frappés... Au cours de ma carrière, j'ai côtoyé deux jeunes filles différentes des autres élèves, j'ai pensé à elles en écrivant ce texte.
Dans les murs de mon collège, il y a des enfants ping-pong qui crient, qui courent, qui crachent, font des croche-pattes, des bécots dans les coins. Moi, je circule en fauteuil roulant et tout ce monde en-dessous me fait peur.
Les autres se précipitent vers la cour de récréation, moi, je sors toujours avant-dernière. Le cours qui s’achève me trotte encore dans la tête. C’est précieux un cours de géographie, d’histoire ou de poésie. J’ai une amie qui range mes affaires, l’ordinateur portable et qui pousse le fauteuil. Ce fichu moteur, ça ne marche pas toujours. L’assistance des machines, il ne faut pas toujours compter dessus.
J’ai l’impression parfois de regarder le monde du haut d’un échafaudage. Je n’ai pas trop envie de m’amuser avec les autres élèves, mais je vais tout de même dans la cour. J’avance en fauteuil roulant, Manon se penche et me parle à l’oreille. Elle est grande et belle, Manon, elle marche derrière moi avec beaucoup d’élégance. Elle est plus classe que les autres.
J’aime bien voir les garnements jouer au ping-pong ! J’aime regarder la balle rebondir sur la table. Ils ont des gestes souples. La balle est légère. J’aime le son qu’elle produit, j’aime les sourires gracieux sur leurs visages de coquilles.
En échange, j’aimerais bien qu’ils m’écoutent. C’est Manon qui s’impatiente et qui me fait sortir du préau. « Parce que tu crois encore qu’ils se soucient de toi !... » Je crois bien que je ne pourrais compter que sur elle ici !... Manon et moi, on parle de tout : des murs du collège, du monde immense ouvert au-delà des grilles, des profs, des élèves qui se moquent de moi, de ceux qui sont indifférents, ou qui ne bougent pas, ou qui passent leur temps à courir après les balles de ping-pong.
Manon et moi, on s’en fiche. Ce week-end, c’est le téléthon, et on
franchit les grilles, et on refait le monde, et on laisse derrière nous ceux qui crient, ceux qui crachent, qui crochent, qui bécotent, qui se cachent pour fumer !