Je lis beaucoup de livres et je n’ai jamais trouvé attirant de consulter les articles de critique ou simple avis sur mes livres consommés goulûment. Mais je me laisse tenter par moment, imaginant pouvoir sublimer d’avantage le récit par des détails qui n’auraient pas fait mouche dans mon esprit pas toujours dégourdi. Mais souvent, je reviens pantoise de ma pêche sur Google et me dis que je ne peux décidément partager mes livres avec personne. D’abord, peut être est-ce parce que les critiques m’énervent fréquemment par leur manque de finesse alors que j’ai encore à l’esprit tous ces mots, ces images et ces sensations que j’ai ressenties avec le livre.
Par exemple, je viens de lire « La femme du boucher » de Li Ang l’histoire brutale et malheureuse d’une femme mariée à un boucher aussi tendre et attirant qu’un pied de porc mal cuit. 4 heures chrono pour venir à bout de la dernière page.
Sur ce livre scandale à Taïwan paru en 1983, la moitié des articles " Critique " que j’ai trouvée retiennent les pages racontant les assauts sexuels et se rejoignent sur le même constat : Li Ang dénonce dans son livre la condition de la femme à Taïwan.
Nous sommes d’accord.
Bien sur, occulter ces pages et ne pas souligner l’intention toute vraie de l’auteur serait retirer un aspect important de l’histoire et du dénouement, d’autant plus que Li Ang a fait de sa vie un combat contre la soumission des femmes. Mais ceux qui simplifient leur critique à exposer les tristes rapports sexuels de Chen Li n’ont fait qu’un travail bâclé… Ou ont étaient ébloui par le sujet, ce qui est possible aussi (sic) ;
Car Li Ang la raconte si bien cette histoire triste, avec ses touches allégoriques sur le vent et les roseaux, son odeur de sang et le goût du riz. Et il paraît que le récit gagne à être lu en taïwanais en jouant avec les différents registres de langue ordurier et formel. Dommage pour moi, les roseaux auraient été peut être encore plus gracieux.
L’histoire que décrit Li Ang se distingue par les portraits simples et vrais qu’elle brosse : D’abord, ces femmes commères et aveuglées par leurs propres misères, mais que l’on ne peut détester (enfin c’est moi qui le dis ). Mais aussi les rites religieux où l’action prend le pas sur le sens et cette peur qui tenaille tous ces gens à la gorge de ne pas rentrer dans la norme ; Puis, l’abattoir où dégouline le sang et où le couteau donne un pouvoir que l’on ne sait pas comprendre.
L’auteur plante son action dans une société étouffante dans son ignorance et ses peurs et réalise un exploit d’authenticité avec le personnage de Li Chen. Li Chen est une femme instinctive, peureuse, misérable ; Même un vieux chien est plus joyeux qu’elle. Elle est fatalement condamnée à s’aliéner et son plus beau geste, à la fin, lui rendit ma compassion car elle semblait si loin de nous autres femmes, supportant l'intolérable.
Tant de choses se dégagent de ce récit que j'ai un peu rouspété contre mon écran à la lecture de classique « Dénonciation de la condition de la femme », même si c’est la ligne directrice de ce roman.
( Mon exemple a prit plus de place que prévu et me voici acculée à prendre la chaise de la critique. )
Livrer son avis sur un livre exige un fort esprit de synthèse et une propension à faire parler les détails et à leur donner de la grandeur, du sens. Ce n’est donc pas facile.
D’autant plus que la tâche ne peut être neutre puisqu’on doit céder son avis et je trouve désolant de cataloguer en quelques lignes l’effort d’écriture d’une personne tout comme il est désolant de tomber sur des effusions de louanges et des mystères surprises quand il n’y en a pas. Il est difficile de cadrer son opinion sur un livre sans prendre le temps, de lâcher une appréciation sans aliéner l’objet du libre, cela exige une certaine nature tranchante pour ne pas se laisser aller au conformisme, voir un peu mordante pour être original.
J’ai un exemple de critique "mortelle", c’est celle d’Aude Argouse sur le livre de Chrystelle Barbier « Ombre et Lumière » sur le Pérou, livre que j’ai lu avec beaucoup d’attention et qui a donc été la cible d’une critique particulièrement chargée. Je ne connais pas l’auteur de cette critique, son background ni sa mission, mais ce genre d’écrit porte à la postérité n’importe quel coquin. Sa critique m’a fait mal alors que je n’ai pas écrit le livre ( je ne suis pas Chrystelle Barbier, son blog est dans mes favoris ). Toutefois, je respecte le travail de Chrystelle Barbier et il est réel car c’est celui d’une jeune journaliste qui s’intéresse à une zone qui n’est pas souvent le point de mire de la presse ( A quand Madonna et Ingrid chez les Garcia dans la Casa de Pizarro ) ?
Il s’agit d’une critique condescendante par moment, dure aussi sur un travail qui à mon sens ne le méritait pas. La forme du livre « Ombre et Lumière » est très rigoureuse, les idées ne cessent de faire des ponts tout au long de l’exposé ce qui procure une lecture très agréable et simple. J’ai aimé dans ce livre, le récit d’investigation d’une journaliste passionnée, qui n’a pas seulement été puisé ses informations auprès des chercheurs et analystes, mais aussi avec les gens « communs » dirons-nous. Et ce qui semble déplaire tant à la critique ( je parle toujours de la même ), c’est l’émotion suscitée par ces rencontres, qui transparaît dans le récit et qui l’articule. Qu’il n’en déplaise à cette personne, mais je peux aussi reconnaître, si je devais présenter une démonstration ( sérieuse ) sur la société argentine que le foot est une religion en Argentine (exemple vrai, on ne me fera pas dire le contraire ) sans minimiser ma considération et sans manquer à mon objectivité.
L’approche de Chrystelle Barbier lui est personnelle et ne manque pas de justesse : Le résumé qu’en fait la critique est criant par moment de mauvaise foi : Voire dans le titre une mauvaise "remasterisation" de Nuit et brouillard, c’est un peu fort de café. Ne voir dans ce récit que la représentation parfaite que ce fait l’Européen de nations lointaines est aussi poussé ! Il s'agit du récit d'une femme qui s’appuie sur son expérience pour construire son exposé, n’exigeons pas un robot à blouse blanche qui dresserait l’état du Pérou !
Le pire dans ces critiques presque méchantes, c’est qu’elles sont vite élevées par des nanards comme vérité ( pardon aux nanards, mais lis les commentaires, ils m’ont fait rougir ) ; On enterre le livre sans même l’avoir lu le livre au nom de cette critique. C’est dommage, c’est justement ce dont parlait Aude Argouse, « la culture culture micro-ondes (trois minutes et c'est prêt !) ».
Je défends un peu le livre de Chrystelle Barbier car je l’ai aimé. Peut être parce que je suis tombée aussi amoureuse du Pérou ( et j’ai fait Sc Po aussi… Enfin pas le vrai, un faux). Mais, je n’ai pas tout aimé ! Notamment le dernier chapitre qui donne au tourisme trop d’importance dans l’activité économique et son développement ; Et la conclusion qui me semble être trop de courte vue au regard des ambitions attribuée au livre. Elle parle de la détermination des Péruviens comme s’il s’agissait d’une qualité propre à cette société alors qu’il s’agit plus, selon moi, d’une adaptation à la réalité. A moi, les Péruviens m’avaient semblé emprunt d’une culture fataliste, genre « il faut, y'a qu'a » en définitive.
En fin de compte, critiquer, c’est pas si mal. Bon, je vais essayé de prendre le pli et de faire un petit topo sur tous les livres engloutie lascivement pour revigorer ce blog qui en a besoin ( y’en a marre des photos de l’Alsace… nan ?)