Il y a quelques mois, pariant sur l’usure de ses créateurs et sur l’arrivée de Lively, un concurrent porté par Google, certains observateurs pariaient sur la mort lente de Second Life et sur sa disparition programmée. Aujourd’hui, les mêmes constatent la fermeture de Lively et le retour d’annonceurs dynamiques et de projets d’implantations sur Second Life. Cet univers en 3D, où les internautes évoluent et interagissent sous la forme d’avatars, semble, en effet, ne pas encore trop subir la crise et même en tirer un profit pour assainir ses Sims et évoluer technologiquement.
Renaissance, consolidation ou croissance ?
Il faut dire que Philip Rosedale, l’un des fondateurs de SL n’a pas hésité à mouiller sa chemise au cours d’un tour d’Europe actif où il a tenu non seulement à rassurer la « communauté » sur les raisons de son repositionnement dans l’entreprise mais aussi les pistes et évolutions envisagées par Linden Lab et ses 250 salariés pour optimiser non seulement SL, mais aussi son fonctionnement, et naturellement son modèle économique. De sorte qu’après le recrutement de Marc Kingdom au poste de CEO de Linden Lab puis celui de Tom Hale, Senior Vice Président et Directeur Général du département Knowledge Worker Business Unit chez Adobe Systems, Second Life est clairement reparti à l’offensive.
Assainissement des low Sims, publication du client français, évolutions technologiques et stratégies commerciales ont contribué à donner des signes à la communauté francophone. Il ne fallut pas plus pour qu’Air France – Klm décide d’ouvrir une île dédiée à ses actionnaires. De quoi faire dire à Jean Cyril Spinetta, président d'Air France-KLM que «L'univers Second Life permet à nos actionnaires de découvrir le Groupe et d'échanger entre eux sur un mode convivial et interactif. À travers les différents espaces, les visiteurs comprennent les atouts qui font d'Air France-KLM le leader européen et mondial et lui permettent de sortir renforcé de cette période économiquement très difficile». Bref, de SL comme un outil de communication directe…
Dans le même temps, des campagnes de recrutement se déroulaient « inworld ». Les journées de recrutement TMP NEO, BNP Paris, l’Oréal et Accenture ont, en effet permis de tester ce mode opératoire avec, semble-t-il, succès.
Evolutions culturelles …
Les exemples de reprises seraient nombreux, mais dans le même temps, il ne faudrait pas nier les départs de Second Life ou les reculs de certaines entreprises qui font le choix, par temps de crise, de se concentrer sur le monde réel.
Reuters a ainsi fermé son agence au cœur de SL. Est-ce, pour autant, un signe ? Non, car il en va de la seconde vie comme de la vraie, le théâtre des opérations évolue, comme le marché !
Mais parmi les raisons des échecs, il faut d’abord considérer la difficulté d’être pionnier dans un monde inconnu. Certaines entreprises ont ainsi conçu leurs territoires de façon passive, comme des sites Internet, alors que l’avatar lui, est actif et demande encore plus à agir. Comme un être humain dans sa ville en fait ! Rien à voir avec l’écran plat d’Internet ….
D’autres se sont confrontées aussi à la nécessité d’animer un espace. Or, qui dit animations, dit animateurs ! Et là, la virtualité s’est heurté simplement à la réalité pratique.
Combien d’entreprises sont-elles prêtes à faire le pari de mettre un salarié dans un univers virtuel et de lui demander de passer son temps à séduire les avatars ?
Combien de salariés sont-ils, de leur côté, prêts à vivre une seconde vie si possible en fin de journée, juste en dehors des horaires de bureau classiques, pour capter l’attention de visiteurs virtuels et ainsi « travailler plus », enfin « travailler ailleurs » aussi.
On l’aura compris, l’intégration des mondes virtuels impose donc une évolution des mentalités, des pratiques et des cultures d’entreprise.
Mais, SL pourrait, avec la « rematérialisation » qu’il induit, être aussi une solution aux déplacements intempestifs et à leurs coûts croissants mais aussi un espace de travail collaboratif, tout au moins durable et responsable, à défaut d’être écologique.
Et l’Alsace dans tout cela ?
Parallèlement, les trajectoires des expériences alsaciennes restent finalement semblables à l’ensemble de celles des autres régions. Quelques entreprises ont fait office de pionniers. Certaines ont renoncé, peut-être présentes trop tôt dans un monde en devenir, et d’autres perdurent, rejointes l’an dernier par la CCI de Strasbourg.
Pour elles, le défi reste le même : « convaincre un monde incrédule que l’ère des mondes virtuels a déjà commencé » et accompagner son développement, en évoquant si besoin, les générations à venir, qui de la «Wii » aux diverses consoles de jeux, passent naturellement une partie de leur vie immergées dans des univers parallèles.
En visitant les initiatives des nos voisins allemands dans le domaine du commerce de l’industrie et de l’éducation et celle de régions et départements français en matière touristique, à l’instar du Jura, du Pays Basque, Midi Pyrénées (et au niveau européen de l’Irlande ou de la Hollande), on comprendra qu’il reste de nombreuses pistes à explorer.
Veille et expérimentation
En même temps, signe de dynamisme ou de passion, des sites et blogs d’informations se développent, à l’instar de VirtuelNews et adressent en textes, en images et en sons, des informations à toutes les strates d’avatars francophones. On comprendra en les suivant, qu’il se passe bien quelque chose sur Second Life !
Tout cet ensemble de témoignages doit inciter les entreprises à tenter leur chance, à expérimenter, lentement mais sûrement, les mondes virtuels ou tout au moins à pratiquer une veille active quant à leur évolution.
Au début des années 90, ne regardait-on pas celles et ceux qui nous parlaient d’un grand réseau qui connecterait chacun d’entre nous au « world wide web » d’un drôle d’œil, les prenant à minima pour de doux rêveurs ou au pire pour des illuminés ? Quelques mois après, ils étaient au cœur de la croissance et de l’essor d’un nouveau média. Une autre aventure, certes.
Note du rédacteur : Et comme le temps s’y prête, n’hésitez pas à venir savourer un vin chaud virtuel au cœur du second marché de Noel sur Second Life, au cœur d’une enclave alsacienne (Villa Alsace sur Liberta) qui humblement fait figure, avec d’autres, de laboratoire expérimental dans le metavers.