Magazine Culture

Le pays sans adultes

Par Liliba

coe10

adultes_2
Présentation de l'éditeur

J'ai onze ans, et je vis dans une famille complètement tordue. Heureusement qu'il y a mon frère Maxence. Lui, c'est mon manuel de savoir-survivre. Le soir, on ferme nos oreilles à double tour, pour ne plus entendre les cris de nos parents qui se disputent.

Croyez-moi sur parole, la vie, c'est pas pour les enfants.

Maxence a préféré partir au Pays sans Adultes. Moi, j'ai voulu le rejoindre, mais je me suis trompé de chemin. Avec mes nouveaux amis, Valentine et Hugo, on a beaucoup discuté et on s'est fait une promesse : quand on sera grands, on prendra tous les enfants malheureux dans nos filets, et on ne les relâchera que quand ils sauront vraiment nager. Promis, juré.

Quand Suzanne de Chez les Filles m'a contactée pour me proposer ce nouveau livre, j'ai un peu hésité, échaudée par ma dernière lecture, que je n'avais pas du tout appréciée (Le chemin des sortilèges) et déçue par la précédente (Le fiancé de la lune). Puis, comme je suis une LCA aggravée, et curieuse de nature, et que je ne sais pas refuser un cadeau, surtout si c'est un livre, j'ai accepté... Et je m'en félicite !

Un énorme coup de coeur pour ce livre, que j'ai lu, avalé, dévoré (2 nuits) et qui m'a fait sangloter comme très rarement...  Mon mari dit que je suis vraiment, définitivement ravagée, d'aimer lire des histoires tristes qui me mettent dans un état pareil, mais moi, j'en redemande !

C'est un enfant de 11 ans qui raconte son histoire, sa vie, avec ses mots à lui, qui nous livre sa souffrance, sa douleur, mais aussi son espoir d'une vie meilleure, ses rêves d'une famille unie et aimante, ses projets d'avenir... Quand cela va trop mal, il imagine avec l'aide de son grand frère qu'ils iront bientôt voyager avec le travelator magique au Pays sans adulte, loin du Démon, ce père alcoolique, chômeur et violent, qui assène et décharge son mal-être sur les autres sous forme de coups. Quand les coups ont plu, les deux enfants accrochent leurs ailes d'anges, volent vers le ciel et imaginent leur vie. Maxence, le grand frère de Slimane est un enfant surdoué, qui a tout compris et même disséqué la mécanique terrible de leur enfer quotidien. Avec sa sensibilité ultra-développéeultra-développée, il choisit d'être malgré tout comme une lumière pour Slimane, il le réconforte, il lui apprend la vie et le console, et joue un peu en même temps le rôle du père et de la mère, malheureusement complètement défaillants.

C'est simple, c'est beau, c'est émouvant, c'est souvent empli d'humour, et c'est horrible tout à la fois... L'auteur a réussi ce tour de force d'allier l'espoir au noir le plus total, de mettre entre les mots de la douleur des petites touches de soleil, de bleu, pour réchauffer les coeurs de ses héros, et surtout le notre, bien mis à mal par cette lecture. Ce livre qui m'a fait pleurer des rivières m'a fortement bouleversée. J'ai pensé en le lisant au livre de Marie Sizun La femme de l'allemand (que je vais relire un de ces jours pour vous pondre un petit billet), qui m'avait également fait beaucoup pleurer, et dont l'histoire raconte aussi la souffrance d'une enfant face à sa mère malade et folle.

Je n'ai pas lu la bio de Ondine Khayat, mais j'ai été impressionnée par son style et surtout par son art à rendre toute cette violence, les coups du père, la soumission de la mère, avec autant de finesse, d'acuité, et pourtant sans jamais sombrer dans le voyeurisme ou le mélo. J'espère de tout coeur pour elle qu'elle n'a pas puisé dans ses propres souvenirs pour écrire l'histoire de Slimane et Maxence, qui m'a tant émue... Mais plus encore que l'horreur de la violence au sein de la famille, la soumission et la passivité de la mère, qui entraîne des drames supplémentaires, c'est le renoncement des deux enfants qui m'a fait une peine immense. Ces deux garçons qui se tenaient la main, qui se tenaient le coeur, qui, ensemble, par leur amour immense l'un pour l'autre arrivaient à surmonter leur quotidien et à s'évader, ces deux garçons qui d'un coup n'en peuvent plus, baissent les bras, abandonnent, laissent au père la suprématie de sa violence, j'ai trouvé cela vraiment atroce. C'est la fin de l'espoir, c'est pire que la mort. Ne plus avoir envie, ne plus vouloir aimer, ne plus y croire, ne plus se battre... La lettre de Maxence, que je ne recopies pas ici pour vous laisser la découvrir, est superbe, terrible. Elle résume presque à elle seule tout le malheur de ces enfants auxquels on ne donne rien, et qui ne trouvent plus ni en eux même ni autour d'eux la force de continuer.

Je ne vous raconterai pas plus avant ce livre, car je voudrais que vous puissiez y plonger sans trop d'a-prioris, en vous délectant jusqu'au bout. Sachez juste qu'il y a toujours, toujours un rayon de soleil qui arrive à traverser la grisaille... Valentine, Hugo, Margueritte et les autres amis de Slimane sont criants de vérité, débordants d'espoir aussi, et la dernière partie du livre, pleine d'espoir, d'élan de vie, de force positive, m'a fait penser à Oscar et la dame rose, le fabuleux conte de EE Schmidt, qui m'avait en son temps énormément émue.  '

Merci, Madame Khayat, si par hasard vous me lisez, pour cette lecture magnifique, je vais m'empresser d'acheter votre premier livre !

Wictoria (une blogueuse que je viens de découvrir) a fait un superbe billet sur ce livre. Praline a beaucoup aimé aussi, de même que Lili et Cécile.   

Quelques extraits, mais pas trop, parce que sinon, je peux recopier tout le livre ! :

"Je m'appelle Slimane, j'ai onze ans, et je vis dans une famille complètement tordue. Heureusement qu'il y a mon frère Maxence. Lui, c'est mon manuel de savoir survivre. Mon père, on l'appelle le Démon, parce qu'il est tout le temps en colère. Le soir, je ferme mes oreilles à double tour pour ne plus entendre les cris de mes parents qui se disputent. Hier, le Démon a cogné maman jusqu'à ce qu'elle tombe par terre. Max a voulu la défendre, mais il lui a donné un grand coup de poing. J'ai regardé le sang du nez de Maxence se mélanger à celui de l'arcade sourcilière de maman, et on s'est serrés très fort, pendant que des coquelicots fleurissaient sur mon tee-shirt blanc. La vie, c'est pas pour les enfants. Maxence, il supportait plus la violence du Démon, alors un jour, il est parti au Pays sans adultes. Moi, j'ai voulu le rejoindre, mais je me suis trompé de chemin et j'ai atterri dans un endroit où on fait de la réparation de gens. Là-bas, j'ai rencontré Hugo, qui a le crâne tout nu mais qui se bat pour vivre, et aussi Valentine, plus légère qu'un nuage. Ensemble, on a beaucoup discuté, et on a décidé que quand on sera grands, on prendra tous les enfants malheureux dans nos filets, et on les relâchera que quand ils sauront vraiment nager. Promis, juré."

"Ca m'a rassuré de savoir que dans ma tête, il n'y a pas un cratère comme dans celle du Démon, et que dans ma poitrine , il y a un coeur pour ranger tous les gens que j'aime.  Des fois, je pose la main sur mon coeur, et je tends l'oreille. Les battements de nos coeurs, c'est rien d'autre que les murmures de tous ceux qui s'agitent dedans. Quand il n'y a plus personne, il s'arrête de battre. Il faut un grand coeur pour y mettre tous les gens qu'on aime, et laisser  de la place à tous ceux qu'on va aimer, mais qu'on ne connaît pas encore. Un grand coeur en forme de loft, même si on doit abattre des tas de cloisons. Un coeur avec des fenêtres pour voir le ciel, et dessiner dessus des beaux nuages en barbe à papa."

"Est-ce que le Démon connaît ma couleur préférée ? Les films qui me font rire ou pleurer, mon gâteau favori ? Est-ce que le Démon sait qui je suis ? Il faudrait un énorme marteau-piqueurmarteau-piqueur pour percer son coeur de pierre et voir un peu de tendresse s'écouler. (...) Si, quand on nous aimait pas assez, nos cheveux arrêtaient de pousser et nos coeurs de battre, je serais entièrement chauve, avec une poitrine sourde et muette. Si, quand on nous aimait pas assez, nos corps se desséchaient et s'envolaient comme des feuilles mortes, on retrouverait des morceaux de moi en Australie, en Chine et au Pôle Nord."

"Moi si j'étais au pouvoir, aucun mari n'aurait le droit de battre sa femme. Et aucune femme ne pourrait rouspéter bêtement auprès de son mari. D'ailleurs, si j'étais au pouvoir, le mariage, ça n'existerait plus. Les mamans et les papas ne vivraient pas ensemble, ou alors seulement après avoir passé des tests. Un genre de permis de vivre ensemble. Un permis à point, comme pour les automobiles. Si vous perdez trop de points, c'est fini, vous ne pouvez plus vivre ensemble. Il faut repasser l'examen pour avoir un nouveau permis. Dans les films, les gens ont l'air amoureux, ils vivent dans des beaux appartements et ils portent des vêtements chics, mais on nous montre uniquement les bons côtés. Dans la vraie vie, les gens font leurs courses au supermarché du coin, et ils se disputent pour tout, même pour choisir un paquet de pâtes. Dans la vraie vie, les gens vivent dans des appartements trop petits, et parfois même, ils sont renvoyés de leur travail. Alors, ils restent dans leur salon, assis devant la télé, "emberlifagotés" dans leur tristesse. Ils se mettent à crier les uns sur les autres, et leurs enfants grandissent avec de des ronces dans le coeur. Les mauvaises herbes, si vous ne les arrachez pas tout de suite, elles finissent par tout recouvrir : les terres vierges et les fleurs sauvages. Moi, ce que je crois, c'est qu'aucun enfant ne peut survivre à la sécheresse."


Le pays sans adultes

Merci de tout coeur à

chez_les_filles
et aux Editions Anne Carrière
Anne_carri_re
pour cette lecture magnifique !

Un petit mot pour compléter : Ondine Khayat s'investit depuis plusieurs années auprès de Frédéric Koskas aux côtés de huit ONG : Aides, Care, la Chaîne de l'Espoir, Intervida, WWF, terre des Hommes, SOS Sahe et l'AFXB pour qu'un loto mondial humanitaire puisse voir le jour.

Si cela vous intéresse, vous pouvez voir le site internet :

www.parionspourunmondemeilleur


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Liliba 2705 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines