A las cinco de la tarde…
Je grille la politesse à Eolas pour parler de droit aujourd’hui et saluer la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui a débouté deux requérantes de confession musulmane. Ces dernières avaient en effet contesté leur exclusion définitive de leur établissement scolaire en 1999. Elles avaient refusé de retirer leur foulard pendant les cours d’éducation physique et sportive, alors qu’elles étaient scolarisées en classe de 6e.
Oui, pour une fois, la Cour sert à quelque chose. Elle qui, depuis plusieurs décennies, multiplie les jurisprudences fantaisistes* en torturant dans tous les sens cette pauvre Convention a fini par accepter de mettre le hola à la fête du slip. Ainsi, la CEDH peut être qualifiée d’innovante par rapport à un texte écrit par des juristes conservateurs il y a cinquante ans.
Pour info, le droit à la vie privée a pu être réinterprété – c’est un arrêt Botella de 1992 – de manière à permettre à un transsexuel de changer son genre sur le livret de naissance (je ne dis pas que c’est bien ou pas, hein, mais simplement que la base juridique est ténue). Le droit à un procès équitable a conduit à alourdir considérablement les procédures avec des navettes contradictoires et des audiences publiques, y compris pour des petits contentieux tout simples (arrêt Procola, 1995).
Dans le cas d’espèce c’est surtout la notion de délai raisonnable du procès (article 6) qui en aura pris un coup, puisque il aura fallu quasiment 10 ans pour que le cas soit tranché, entre les appels, cassation et instructions à l’échelle européenne.
En revanche, la laïcité respire car la CEDH, avec un seul arrêt, aurait pu mettre à bas le principe de l’Ecole laïque. Le Chien de garde des droits aboie lorsque le chat dort, se réveille et menace.
Ceci nous amène finalement d’ailleurs à une question qui va dominer les prochaines élections européennes : l’élargissement à la Turquie. En 2004, la Cour européenne des droits de l’homme avait été amenée à se prononcer sur le port du foulard islamique en Turquie dans l’affaire Sahin. Leyla Sahin, étudiante turque se plaignait de l’interdiction qui lui avait été faite de porter le foulard islamique à l’université d’Istanbul. La Cour avait estimé que l’interdiction du foulard à l’université pouvait être considérée comme « nécessaire dans une société démocratique » et noté qu’elle était fondée « sur deux principes qui se renforcent et se complètent mutuellement : la laïcité et l’égalité ». N’est-ce pas quelque part considérer que l’Union Européenne – même si la CEDH n’en fait pas à proprement parler partie – se caractérise par la coexistence de démocraties laïques ?
* J’espère ne pas tomber sous le coup de l’article 434-25 du Code pénal : Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende. Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas aux commentaires techniques ni aux actes, paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d’une décision. Dieu merci, la CEDH me protège grâce à l’article 10 (liberté d’expression) !
CEDHfoulardlaïcitéSujets: Paso Doble | 2 Comments »