Attendu en diffusion sur Arte au mois de mars 2009, La journée de la jupe est bien d’avantage qu’un téléfilm de plus. C’est une tragédie émaillée de rires, une torpille en plein estomac, la photographie d’une réalité qu’on s’en veut d’ignorer sciemment, un huit-clos ouvert sur le monde dont on sort chancelant mais touché au cœur. C’est aussi le retour d’une Isabelle Adjani étourdissante dans un rôle à sa démesure.
Il n’est pas question de mise en condition, de préparation ou de facilité. On n’est pas sur TF1, on entre directement dans le vif du sujet. Sonia Bergerac est prof de français dans une banlieue chaude, son cours n’a pas encore commencé et on a déjà compris : elle ne fait plus face à la pression d’élèves qui ont pris le pouvoir. C’est en découvrant presque par accident un pistolet caché dans le sac d’un élève que Sonia Bergerac va, sans réellement s’en rendre compte, prendre une partie de sa classe en otage. Et se laisser entraîner jusqu’à créer une spirale qui nous plonge, elle, ses élèves, les autres profs, le principal, leurs parents, le brigadier et son chef, la ministre et les journalistes, dans des réalités croisées qu’on comprend une à une, autant qu’on les déteste. Parmi les revendications qu’elle doit trouver pour donner du sens au désastre qu’elle a créé, la prof exigera l’instauration d’une Journée de la jupe…
En découvrant le film sur grand écran avec toute l’équipe dans la salle, l’émotion était palpable, la pression de l’entrée en matière immédiate tellement forte qu’il aura fallu quelques scènes avant de réussir à gérer les (assez nombreuses) répliques comiques. Le principal exploit de La journée de la jupe est de ne jamais juger pour réussir à faire comprendre l’inacceptable. L’ancrage dans le quotidien, avec des références à la culture populaire notamment dans une terrifiante et drôlissime élection dans le plus pur style Star Academy, rappelle à tous les instants que cette violence sociale existe, ici et maintenant. L’exploit dans la salle aura consisté à réussir à sécher les larmes tout en applaudissant pour dire merci.
N’ayant pas réussi à monter son film pour le cinéma, le réalisateur et scénariste Jean-Paul Lilienfeld, a tenu à remercier Arte pour une “folie” que les autres n’ont pas : accepter les idées qu’ils aiment ! Son deuxième hommage appuyé sera pour sa comédienne principale : un “stradivarius” qui a soutenu le projet d’un bout à l’autre.
Mon statut d’inconditionnel faisait de cette projection un moment forcément très particulier et très fort. Ce n’est qu’en voyant le film qu’on comprend la raison de l’engagement d’Isabelle Adjani, pourquoi elle en a accepté les contraintes liées à un financement réduit. Les révélations émaillées tout au long du film touche à son engagement de femme. Mais elle a préféré insister sur le plaisir d’actrice qu’elle espèrait transmettre au public que nous étions.
Sa performance est fracassante, aussi bouleversante que celle de l’Eté meurtrier, Camille Claudel ou la Dame aux Camélias. La peur, la fragilité, la violence, la déchirure, la folie, la légèreté, l’égarement, toute la palette des émotions est là, en gros plan. Avec le sentiment de retrouver une Adjani qu’on avait un peu perdu, ces yeux bleus marine et sa voix grave qui nous ont du coup manqué. Evidemment, je n’ai pas osé lui dire comme je l’aimais alors qu’elle passait à côté de moi.
Le film n’aurait à mes yeux aucun défaut ? Quelques-uns, anecdotiques : quelques scènes inutiles, une dextérité pour monter en quelques minutes des vidéos sur un téléphone mobile assez peu crédible, une ou deux répliques comiques de trop. Rien qui ne gâche réellement le plaisir.
La journée de la jupe sortira au cinéma, j’en suis sûr, c’est déjà arrivé à d’autres films d’ARTE. Il faudra patienter jusqu’au printemps…
Et MERCI pour ce nouveau cadeau.