Un colloque sur les métros de banlieue, ça commence par un accueil du maire de Nogent-sur-Marne la ville hôte qui entre dans le vif du sujet, parlant de « la colère » de ceux qui sont « confrontés aux galères des transports en commun » lorsqu’ils « se risquent parce qu’ils n’ont pas le choix à prendre les rames des RER A, B, C ou D ». Jacques JP Martin continue dans une vaine plus lyrique en disant qu’Orbival est « le premier chaînon de la reconquête de la métropole par des moyens de transports modernes » et qualifie Orbival de « fils du Grenelle de l’environnement ».
Devant une audience qui dépassera le millier de personnes au cours de la journée, trois exemples de réalisations ou de projets sont présentés. Singapour, Vancouver et Madrid. Et c’est surtout Madrid que tout le monde retient, avec MetroSur le contre-exemple que tout le monde envie. La question est de savoir comment l’Espagne a réussi à construire un réseau automatique de 40 km en 35 mois, études comprises, (6 mois d’études et 29 mois entre la première pierre et le premier train) là où la France n’arrive pas à seulement formaliser de façon cohérente le besoin d’une rocade de métro autour de Paris, et que la première version du SDRIF, renvoyait le bouclage de cette rocade parisienne au-delà de 2035 ! Je reviendrai dans une autre note sur cette partie du colloque organisé par Orbival, mais point important à souligner tout de suite, MetroSur a été divisé en 5 lots, entamés simultanément. Les tunneliers creusaient 1km de tunnel par mois, soit multiplié par 5 tunneliers 5 km de tunnel par mois. On rêve, pourquoi ne pourrait-on pas faire la même chose avec Orbival, Métrophérique ou Arc-Express ?
Tout d’abord le projet Orbival est légitimé par l’ensemble des intervenants, belle action de lobbying conclura Jean-Paul Huchon, le président de la Région Ile-de-France et du STIF, en fin de journée. Pour les uns comme Jean-François Voguet, sénateur-maire de Fontenay-sous-bois, il s’agit d’un projet « porté par un mouvement populaire », et il est vrai qu’Orbival a reçu déjà plus de 30.000 signatures de soutien. En général les grands projets suscitent une réponse négative, de suspicion voire de rejet, et c’est la première fois qu’un projet reçoit un tel soutien populaire mettent en avant tous les élus de gauche, mais aussi de droite. Pour Laurent Cathala, député-maire de Créteil, Orbival « métro dit de banlieue » sera un moyen de « réduire une fracture territoriale et sociale, de lutter contre la relégation territoriale ». Et jusqu’à Pierre Mongin, le président de la RATP qui insiste sur l’aspect « intérêt général » du projet, et sur le fait qu’avec ce dernier, « on commence à apporter en banlieue, le principe républicain d’aller et venir librement, comme c’est aujourd’hui le cas dans Paris intra-muros », avec en prime la certitude de faire gagner « 20 minutes de fatigue en moins à tous les citoyens ». Difficile de faire plus consensuel, du moins entre les élus maires et élus des conseils généraux, et la RATP…
Le consensus tiédit un peu quand on parle financement, et le débat prend une tournure plus idéologique. Jean-Yves Le Bouillonnec, député-maire de Cachan fait une incidente sur le fait qu’on dépense beaucoup plus avec le TGV et que personne ne conteste la validité du projet et se demande pourquoi cela pose problème quand il s’agit de trouver 2 ou 3 milliards pour un équipement en banlieue. Pierre Mongin, président de la RATP fait part des études conduites par la RATP à la demande de l’association Orbival, pour lui le projet n’aura aucun problème de financement, parce qu’il est rentable. Et il annonce que si le projet est confié à la RATP, il prend l’engagement de trouver les financements, déclenchant les applaudissements de la salle. Et surtout il explique qu’un projet de rocade de métro, c’est une « bonne dette », car c’est une infrastructure que l’on va laisser à nos enfants dans 20 ans, 30 ans, et même 100 ans, comme le réseau de Paris aujourd’hui, qui est une bonne dette qui s’est étalée sur 4 à 5 générations.
Alors PPP ou non, contrats de partenariat, rôle du privé dans les investissements d’infrastructure, dans l’exploitation d’un réseau, rôle de l’Etat. Il est important que l’Etat soit la « locomotive » dit un des élus pour ce rattrapage de l’équipement de l’Est parisien par rapport à l’Ouest, et plus globalement pour ce retour aux investissements dans les transports en commun parisiens. Et face à un projet qualifié d’« extra-ordinaire » on demande des financements « extra-ordinaires », de l’innovation. Enfin tous les intervenants, élus de gauche comme de droite, soulignent à quel point ce type de projet s’intègre dans une politique de relance de grands travaux, sans compter l’effet induit de développement dans les zones desservies et en particulier dans le périmètre proche autour de chaque station. A propos du financement, la question de la difficulté à emprunter pour le projet Orbival seul ou pour l’ensemble de la rocade est abordée à plusieurs reprises, avec un certain consensus sur le fait qu’il serait certainement plus facile de lever 6 à 7 milliards d’euros pour un projet complet à l’échelle du Grand-Paris, plus « vendable » internationalement que les 2 milliards pour un projet limité au seul Val-de-Marne. Quelques questions de la salle soulèvent le problème de Christian Blanc, le secrétaire d’Etat au développement de la région-capitale, et à ses prises de position contre le projet, inquiétude rapidement calmée par une réponse du maire de Nogent affirmant qu’il travaille étroitement avec Christian Blanc et que celui-ci « n’est pas opposé sur le principe ». Bref, un bonheur métropolitain s’installe dans le Pavillon Baltard.
Mais l’intervention de Sophie Mougard pour le STIF fait amorcer un retour brutal à la réalité terre à terre d’un immobilisme et d’un manque de volonté manifeste. Et face à la légitimité politique et économique du projet se dresse une légitimité procédurière et bureaucratique brandie par Sophie Mougard, la psychorigide directrice générale du STIF dans une délectation froide et arrogante. Adieu Orbival, la représentante du STIF parle des études réalisées pour l’arc Sud-Est d’Arc-Express, et lorsqu’on lui demandera si Orbival et l’arc sud-est c’est bien la même chose, Sophie Mougard répondra « on parle du fuseau Sud-Est d’Arc Express, après les résultats des études, on verra si c’est la même chose… » En réponse à Pierre Mongin qui avait défendu un peu plus tôt dans la journée le fait que ce projet devrait être porté par la RATP, sans doute la plus capable au monde pour le faire, demandant que la RATP soit désignée comme maître d’ouvrage, tout en laissant le soin du tracé aux politiques, Etat et collectivités territoriales, la directrice générale du STIF répond que le projet Arc-Express, « ce n’est pas d’abord un projet de transports, c’est un projet d’urbanisme », un projet complet, et que le STIF “ne veut pas se faire dessaisir de son rôle par la RATP“. Et les élus auront beau répéter comme Laure Cohen élue du Val-de-Marne, siégeant à la région mais aussi au STIF qu’Orbival fait partie intégrante du SDRIF rien n’y fera.
“Que quel que soit celui qui portera le projet, on ne doit pas sauter les étapes“, un débat est nécessaire, Sophie Mougard prévoit les résultats des études courant 2009 (alors que la RATP dit les avoir déjà réalisées), une enquête publique pourra alors se dérouler au second semestre 2009, et elle ajoute qu’il faut faire avec les échéances électorales régionales qui « peuvent se mettre en travers ». Questions délais, elle annonce 5 à 7 ans avant le premier coup de pioche, et de 10 à 12 ans pour le total, soit 2020… « Je ne voudrais pas tempérer l’enthousiasme, que je partage » déclare la directrice générale du STIF, déversant une ambiance douche froide dans le Pavillon Baltard. Elle oppose une fin de non recevoir à toute ouverture. Allant jusqu’à arguer des bienfaits de la démocratie participative pour justifier la nécessité d’une enquête publique importante, déclenchant des réactions particulièrement vives de la salle, « je suis outré, ça me fait bondir… excès de démocratie participative, on se concerte et on ne fait rien, 6 ans d’études pour savoir si c’est d’utilité publique, c’est ahurissant, etc. » le tout salué par de très vifs applaudissements. Oubliant les échanges autour du PPP, certains élus comme Daniel Davisse, maire de Choisy le Roi, mais aussi vice-président du STIF propose une « procédure d’urgence », proposition reprise par Michel Herbillon, député-maire de Maisons-Alfort, « il faut passer rapidement aux étapes suivantes et sans réponses idéologiques aux financements, explorer toutes les pistes et être pragmatique. »
La conclusion de la journée est donnée par Christian Favier, le président du Conseil Général du Val-de-Marne, suivi par Jean-Paul Huchon. Après avoir rappelé à quel point les transports et en particulier Arc-Express étaient une priorité pour la région, les études d’Arc-Express ne sont-elles pas inscrites au CPER 2007-2013 fait remarquer le président de la Région Ile-de-France et à ce titre président du STIF, ce dernier réussit le tour de force de ne pas prononcer une seule fois le mot Orbival, si ce n’est pour qualifier les équipes du projet de « professionnels du lobbying, extrêmement insistants, voire harcelant mais avec succès… », il qualifie d’ailleurs la RATP et la SNCF à leur tour de professionnels du lobbying, et sous des airs patelins confirme point par point, mais avec plus de chaleur le discours de Sophie Mougard, de l’enquête publique au calendrier, ça roulera à partir de 2020, ce sera un projet global dont il « fait attention de dire qui forme une boucle, même s’il y aura avant de la fermer des arcs prioritaires ». Pas de surprise à ce que le Président du STIF se trouve sur la même ligne que sa directrice générale, de plus ancienne directrice générale des services au Conseil régional de l’Ile-de-France.
Le nouveau préfet du Val-de-Marne, Michel Camux ferme le ban, parle d’un « projet phare », du soutien des ministres Jean-Louis Borloo et Dominique Bussereau au projet Orbival, et diplomatiquement parle d’un projet « quelle que soit son appellation » tout en constatant que les choses n’avancent pas assez vite, il s’inquiète « si en plus il y a trois projets… », et préfère parler de « grand chantier mobilisateur », d’un projet qui « s’inscrit dans le Grenelle de l’environnement », qui rejoint d’autres priorités dans le cadre du Plan Espoir Banlieues. « Nous vous assurons de l’attention, de l’intérêt et de la volonté que l’Etat portera à ce dossier », mentionnant ses acteurs, les collectivités et les opérateurs, et « la RATP dont on peut voir l’enthousiasme ! »
A la question de savoir pourquoi Madrid a pu aller si vite, Carlos Esquiroz Sors, directeur de MetroSur avait répondu « par ce qu’on avait le pouvoir et l’argent ». Cela résume bien la problématique parisienne. Et à travers la position du STIF, les précautions oratoires de Jean-Paul Huchon et les déclarations beaucoup moins précautionneuses de sa porte-flingue du jour, on voit à quel point la question du Grand-Paris se pose à chaque fois que l’on essaie de faire avancer un projet d’envergure dans la zone dense de l’agglomération. Et peut-être le message du préfet mériterait-il d’être relu, un peu plus entre les lignes, à se demander si à force d’impuissance et d’immobilisme, un retour de l’Etat dans les grands projets du type Orbival ou Métrophérique n’est pas ce qui risque d’arriver. Et enfin, Jean-Paul Huchon, à nouveau éligible, s’il souhaite se représenter aux régionales, aurait tout à gagner à être celui qui a construit Orbival, Métrophérique ou Arc-Express aussi vite que les Espagnols, plutôt que celui qui brandira comme bilan de son action les 600 pages du SDRIF ;-)
à suivre…
Jean-Paul Chapon