Dans la nuit des temps

Publié le 03 décembre 2008 par Didier54 @Partages
Et puis j'ai marché sur le lac gelé sans me rendre compte que j'étais pieds nus.
Je laissai le froid me saisir puis m'envahir et je mis à courir dans cet océan blanc qui ne me disait rien qui vaille. Pas un souffle et pas l'envie de me retrouver nez à truffe face à un ours blanc. Sa haute stature était une montagne de trop pour moi et je cavalai sur cette croute glissante à souhait pour arriver je ne sais où.
Il y eut un flash et je me retrouvai cette fois sur un cheval, cavalant dans la plaine, ça sentait la fumée derrière moi et puait le sang sur mes bras.
De nouveau le flash et cette fois, je fus allongé sous un arbre, un hêtre je crois. Il y avait une légère brise et pas une ville à l'horizon. Aucune voiture ne semblait devoir réussir à passer par là et si cet endroit ne ressemblait pas étrangement à ce nulle part filmé par Clint Eastwood avec la merveilleuse Meryl Streep, je n'aurais pas hésité à penser que j'étais aux Etats-Unis. Ce qui était évidemment impossible, surtout que quelques minutes plus tard, un drôle de type armé d'un bâton et tout déguingandé, de fripes vêtu, me fonça dessus en hurlant. Il causait une langue que je ne connaissais pas mais il n'était pas bien nécessaire, dans ce cas précis, de la connaître. Ce n'était pas de l'anglais, en tout cas. Alors je détalai sans demander mon reste et fut sauvé par le flash.
Cette fois, j'avais atterri au milieu d'une ville étrange pour moi. Le sol était de pavés. Le jour n'était pas encore levé et il faisait nuit. Je veux dire vraiment nuit. Pas un lampadaire. Pas de bruits. Je me cachai à toute vitesse quand je vis un cavalier fendre l'air sur une monture déterminée. Je me frottai les yeux.
Mon rêve était bizarre. Ca ne ressemblait pas à un rêve. J'entrepris de rassembler mes esprits. Ce qu'il en restait. Fermement décidé à hêler la première âme humaine que je finirais bien par rencontrer. Bien sûr, je n'écartais pas l'idée que ce fut encore une langue étrange qui me dirais je ne sais quoi, mais il me fallait en avoir le coeur net.
Il me semble que je me suis endormi, ou quelque chose comme cela car quand mes yeux se sont ouverts, j'étais cette fois transi de froid, de nouveau les pieds nus, tout nu, allongé sous une espèce de couverture faite de feuilles. Je me sentais sale, apeuré, il pleuvait dehors. J'étais tapi sous un rocher, une sorte de dolmen dans lequel visiblement je m'étais aménagé un abri. Habitais-je là ? Au loin, j'entendais de drôles de cris d'animaux. Ils stridaient le silence par à coups, c'en était un peu terrifiant, alors je me recroquevillai.
C'était curieux, tout de même.
La banquise, le cheval dans la plaine, la ville sale, le cavalier, et maintenant une caverne improvisée. Cette langue inconnue. Cette absence de bruits familiers et cette omniprésence de bruits inconnus qui, pourtant, résonnaient en moi, comme si je les avais toujours connus, toujours sentis. Je me sentais l'humanité toute entière. J'avais faim et j'étais tout désemparé. Dans ma tenue, évidemment, ce n'était pas évident de s'imaginer partir à l'assaut du premier magasin que je pourrais trouver. Et je ne le sentais pas trop, ce magasin.
De nouveau le flash. De nouveau un endroit curieux. Une chaleur épaisse, cette fois. Pas d'eau.
Je sentis que je commençais à avoir peur, terriblement peur, une peur effroyable, insondable, au-delà de l'imaginable. Je ne comprenais rien à rien. C'est ce qui me minait le plus et me taraudait d'autant : j'avais faim, j'avais froid, j'avais soif, et le plus important, c'était de comprendre. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, je me suis dit. Depuis combien de temps je voyageais ainsi dans la nuit des temps ?