C'est court, mais c'est beau !

Publié le 03 décembre 2008 par Ansolo

En littérature, la nouvelle constitue un genre difficile et, à nos yeux, pas toujours reconnu à sa juste valeur. Pour le péquin - forcément - moyen (au nombre desquels l'auteur de ces lignes se compte sans aucune fausse modestie), la nouvelle ressemble assez à un roman qui n'aurait pas le souffle nécessaire pour couvrir la distance d'au moins 200 pages. Alors forcément, on hésite à acheter un ouvrage qui regroupe des histoires troussées en quelques dizaines de lignes, on se dit qu'il vaut mieux garder son argent pour un pavé mieux à même de caler nos appétits de lecture.

C'est profondément injuste, comme s'il suffisait de d'écrire beaucoup pour écrire bien. Sans compter qu'aujourd'hui fleurissent les opus qualifiés de "romans", et dont le volume doit essentiellement à une police de caractères permettant aux presbytes de lire sans chausser leurs lunettes...

Sachez donc qu'aux livres bien nés, la valeur n'attend pas le nombre de pages imprimées.

Et que Short Stories est de cette race.

Il peut revendiquer son appartenances à ces oeuvres qui vous nourrissent, qui vous remuent sans avoir l'air d'y toucher et que vous refermez avec le sentiment d'avoir été, même indistinctement, changé.

La nostalgie est très présente dans Short Stories, à l'instar d'autres livres qui ont pris comme sujet le rugby. Mais, paradoxalement, c'est une nostalgie qui ne serait pas colorée en sépia. Ce livre a les couleurs de la vie et de ses accidents : l'amour, la maladie et la mort en imprègnent les pages. A lire Benoît Jeantet, on ne peut s'empêcher de voir dans le rugby une parabole ovale de l'existence. D'ailleurs les paroles du Haka des All Blacks, symbole puissant de la culture "rugby", ne disent-elles pas "c'est la mort... c'est la vie" ? Ces mots, on les retrouve - cela ne peut être un hasard - dans l'une des nouvelles les plus bouleversantes du livre.

Ne croyez pas pour autant que cet opus soit aussi noir que le maillot des néo-zélandais. Il y est aussi (surtout ?) question de bonheur, du plaisir pris à jouer, à regarder, à parler du rugby. La plume de Benoît Jeantet, mariant joliment un style alerte et une belle inventivité syntaxique vous conduit par le bout du nez dans l'ovalie des petits villages où tout le monde se connaît et dans celle des grandes cités anonymes. On y cotoie le Père  Armengo, curé entraîneur, qui n'est pas sans évoquer le légendaire Abbé Pistre, d'anciennes gloires locales ou internationales, des cafetiers accueillants, des "cailleras" converties à l'ovale, bref tout ce qui fait de notre sport préféré un creuset magnifique, dans lequel puisent avec bonheur quelques talentueux conteurs.

Car, comme le rappelle Benoît Jeantet, reprenant Antoine Blondin, "le rugby ennoblit les souvenirs".

Short Stories

Editions Atlantica

16€