Autre organisme, autre scénario : l'Institut de stratégie nationale, par le biais de son agence (en ligne) de nouvelles politiques Nord-Ouest a établi cinq scénarios de crise. Mais avant le journaliste, Victor Nesoglasni (dont ça ne doit pas être le vrai nom, "nesoglasni" voulant dire "en désaccord"), dresse un tableau (noir) de la situation en Russie :
- population de 146 millions de personnes
- 10% ont un problème avec l'alcool, soit environ 1,5 million
- environ 1 million de personnes sont emprisonnées
- 5 millions sont drogués
- entre 4 et 5 millions sont sans-abris
- 1,5 millions sont fonctionnaires
- 38,5 millions sont à la retraite (et d'ici 2010, il y en aura 1,6 million de plus)
Les experts estiment que la population active en Russie représente 45 à 50% de la population, soit 73 millions de personnes. En enlevant les prisonniers, les alcooliques, les drogués et les sans-abris, l'auteur estime que l'on ne peut compter que sur 60 millions de personnes pour assurer la stabilité économique de la Russie et nourrir tout le pays. Il enlève encore 1,5 million de soldats et officiers, dont l'activité productrice, à l'exception de la construction des datchas des supérieurs, est nulle. Mais il ne s'arrête pas là et rajoute que selon les données de l'Institut de sociologie RAN, la catégorie de citoyens la plus importante est celle qui "est dans le besoin", "n'a pas beaucoup de moyens" (43% de la population). Et 70% de ces personnes sont celles qui vivent dans de petites villes ou à la campagne et qui ont, selon les sociologues, le niveau le plus élevé d'apathie et de passivité sociales. Mikhaïl Gorchkov, directeur de l'Institut de sociologie RAN, a ainsi déclaré : "On remarque chez les couches démunies de la population une absence de conscience des intérêts de groupe. Surtout chez les jeunes. Ils n'ont pas de compréhension de la solidarité sociale, d'auto-identification politique. Ils vivent selon le principe "ma maison – ma forteresse". Une telle approche freine le développement de la société civile en Russie."
C'est pourquoi, Victor Nesoglasni pense, qu'en prenant en considération cette particularité, on ne peut considérer comme réaliste le scénario décrit par Evgueni Gontmakher.
La Russie compterait actuellement 4,6 millions de chômeurs. En 2009, il devrait y en avoir entre 200.000 et 350.000 de plus, selon les chiffres les plus optimistes ; entre 1,5 et 2 millions dans les scénarios les plus pessimistes. La question centrale est donc de savoir quelles conséquences politiques et sociales engendrait une hausse si importante de sans-emplois. Guennadi Goudkov, député, a déclaré en octobre : "Le plus dangereux serait un accroissement de la tension sociale dans la société, non seulement pour des raisons économiques, mais aussi à cause de l'incapacité des fonctionnaires qui, possédant les pleins pouvoirs, ne feraient absolument rien. En plus, nous sommes obligés d'arrêter la hausse incontrôlable des prix, autrement cela provoquera également des tensions et des conflits. Et la question du logement pour les couches nécessiteuses de la population n'est toujours pas résolue ; le fonctionnement du système de protection des droits et de la justice ne s'améliore pas ; la corruption, qui est devenue le mode de vie de millions de gens, triomphe dans tout le pays ; on va droit dans le mur. Dans ces conditions, les idées radicales et extrémistes, qui sont le plus grand danger pour la Russie, continueront de prospérer. Si nous n'éliminons pas ces phénomènes dans l'immédiat, plus tard, par exemple en 2009, nous pourrons déjà nous heurter au début d'une crise systémique, qui touchera les fondements économique, politique et sociaux de notre société."
Après toutes ces très bonnes nouvelles, Victor Nesoglasni élabore 5 scénarios de crise.
1- Les retards dans le règlement des salaires et les licenciements massifs provoquent d'importantes manifestations, grèves, … mais aussi de nombreuses arrestations, poursuites, fermetures de médias, morts… Le peuple éprouve de la haine pour le régime en place, celui-ci émet la possibilité de provoquer des élections présidentielle et législatives. Le retour de Vladimir Poutine est accueilli avec l'allégresse par le peuple.
2- La crise étant profonde, Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine commencent un "nettoyage" du sommet. Ils "nettoient" le parti Russie Uni, arrêtent certains oligarques, les autres s'enfuient à l'étranger. Une vague de procès semi-politiques déferle dans le pays, provoquant l'allégresse des démunis, des travailleurs et des chômeurs. Les oligarques alimentent secrètement des groupes extrémistes et autres mouvements de citoyens en colère, mais ces tentatives échouent. Résultat : retour triomphal du favori du public, Vladimir Poutine.
3- Dans les petites villes apparaissent des "révolutions locales", puis le "syndrome de Novotcherkassk" se répand dans de grandes mégalopoles. À Saint-Pétersbourg les citoyens furieux prennent Smolny, les OMON affamés n'interviennent pas. Les insurgés sont soutenus par certaines troupes, qui sont commandées par des officiers mécontents de la réforme de l'armée. Moscou bouillonne. Le président, le gouvernement et le parlement donnent de concert leur démission. De nouveaux leaders apparaissent, ceux qui sont connus font également parler d'eux. Une ère nouvelle arrive.
4- Ce scénario a été décrit par le politologue Mikhaïl Leontev : "... la seule sortie de crise est une guerre globale. Qui et comment elle se déclenchera n'est qu'une question purement technique. Je ne vais pas conjecturer sur le prétexte de cette guerre - complication des relations entre la Russie et l'Ukraine ou la Géorgie, la question iranienne, le Pakistan. La lourde situation économique va inévitablement déborder sur le plan politique." On peut donc supposer, connaissant les "mœurs" des maîtres du Kremlin, que la Russie, sous prétexte de protéger ses compatriotes, introduira des troupes en Géorgie, Ukraine ou dans les pays Baltes. Comment l'Ouest répondra à cela, on peut facilement l'imaginer.
5- Enfin, le scénario préféré de l'auteur. Ni les banques s'effondrant, ni le retard dans le règlement des salaires, ni les licenciements massifs, ni l'augmentation de la criminalité, ni aucunes autres conséquences de la crise économique n'influenceront, et ce en aucune manière, l'apolitisme infantile du citoyen russe. Année après l'année, le pays se dégradera avec sa population, qui restera à la maison en se taisant.
De bien réjouissantes perspectives...
Source image : 1- APN / 2- Waking life
Кризис : пять сценариев для России