Rick Margitza aux Disquaires. Paris. Mercredi 22 octobre 2008. 20h.
Rick Margitza : saxophone ténor
Laurent Coq : piano
Gilles Naturel : contrebasse
Karl Jannuska : batterie
La salle est petite. Pas besoin de micro. Le son du saxophone n'en est que plus beau.
Rick commence avec un de ses classiques, une sorte de valse. Ca balance doucement, roule comme un chariot vers l'Ouest. Laurent Coq se lance dans un solo de la main droite, la main gauche battant la mesure sur sa cuisse.
Les Disquaires sont un club de Jazz à l'ancienne. Beaucoup de gens parlent pendant le concert. Les musiciens en font abstraction. Aux auditeurs attentifs d'en faire autant.
Il y a deux publics dans la salle : celui qui est devant la scène pour écouter la musique, celui qui est au fond de la salle pour bavarder sur fond de Jazz en live. Nous applaudissons de temps en temps pour rappeler aux bavards qu'ils assistent à un concert. Le problème est qu'il y a plus de gens derrière à bavarder que devant à écouter.
Un air vaporeux, langoureux, mystérieux s'élève dans l'air. Il y a 20 ans Rick Margitza jouait dans les plus grandes salles du monde avec le groupe de Miles Davis. Aujourd'hui il joue dans un petit club parisien où plus de la moitié du public ne l'écoute pas. Sic transit gloria mundi. Peu importe. Les gars jouent comme si de rien n'était. Ca balance, monte doucement en puissance avec la rythmique. L'avantage de la petite salle c'est de se trouver à un mètre d'un Géant du saxophone ténor qui joue sans micro, directement du producteur au consommateur. Sans micro, le son a plus de chaleur, plus de vie. Ils montent et couvrent le bruit des bavardages. Chouette ! Pendant le solo de contrebasse, on réentend bien les sauvages sans oreille. Rick Margitza possède cette majesté du son au ténor et cette densité émotionnelle qui sont la marque des Grands. Même les bavards applaudissent.
Je crois entendre un standard du bebop mais c'est un blues de Pat Metheny d'après mon voisin, Italien et guitariste de Jazz. Le piano s'est arrêté. Ils jouent en pianoless trio comme Sonny Rollins couvrant le bavardage. Eux ne bavardent pas mais nous parlent. Rick s'efface. Laurent Coq se lance à nouveau avec sa main droite seule. Un bon blues rapide est ponctué de séries de breaks de batterie efficaces. Le final est viril et musclé au saxophone ténor.
PAUSE
Un saxophoniste alto s'est ajouté au groupe. Ca sonne bebop. Riock lance, l'alto répond. Rick se lance, vif, volubile, poussé par la rythmique. Le petit jeune prend la suite au saxophone alto. Très parkerien dans le style. Il a encore le temps de trouver son son. S'il en est capable. Les solos de contrebasse de Gilles Naturel sont à l'image de son nom. Malheureusement les bavardages empêchent d'en profiter pleinement. Quand les deux saxophonistes jouent ensemble, le ténor domine. C'est lui le Boss.
Un deuxième saxophoniste ténor vient s'ajouter au groupe. Il était spectateur du premier set et devient acteur du deuxième. Margitza lance les débats vite rejoint par les deux autres souffleurs. L'air est rapide, swinguant. Le saxophone alto prend sa part puis le deuxième sax ténor. C'est classique, techniquement impeccable mais, émotionnellement, ça manque de poids. Quand Rick joue à son tour, c'est le même instrument mais ça sonne différemment. Après cela, place à la rythmique. Laurent Coq se lance dans un nouveau solo de la main droite. Un bel exercice de style. Il se lance ensuite à pleines mains sur le clavier et ça balance. Les saxophones prennent chacun leur tour propulsés par la rythmique avec des breaks de batterie très efficaces.
Le public est trop bavard mais aucun club de Paris ne peut se vanter d'accueillir autant de jeunes filles en fleur. Faute de spectateurs, les Disquaires ont fermé fin novembre 2008. L'expérience se prolonge une fois par semaine, le samedi soir, à la Fontaine, rue de la Grange aux Belles, Paris 10e, métro Colonel Fabien. Un retour aux sources pour l'équipe des Disquaires qui en avait été chassée par une voisine gênée par le volume sonore des concerts. Il faudra que j'y retourne.