Ça dure ce que ça dure, un laps de deux-trois minutes, le temps de se frotter au quai, d'entrebâiller les portes. Plus loin sur le quai, dans la largeur, il y a cette borne Selecta cabossée par l'avant. On l'a enroulé de ruban blanc et rouge pour pas qu'on lui pique dans le ventre, mais la vitre a été enfoncée violente et rabattue vers l'avant. Les touches de sélection sur le côté sont arrachées et le plastique à demi fondu. La porte en dur déclipsée de l'armature et le panneau métallique qui pendouille dans l'ouverture béante. A l'intérieur les tiroirs sont vides ou clairsemés, quelques canettes subsistent et des sachets de rien. Vestige de tout ce qu'on n'a pas voulu, déchets des choix des autres, abandonnés gratuits. Par dessus le ciel lourd d'une journée qui n'a vu que la nuit, là-bas stagnante juste sous le jour.
Puis le train redémarre, laps de temps déjà éteint, le quai s'allonge dans l'autre sens, il est écrit, tagué en gras par dessus le toit Selecta : Molotov, signature pissée en rouge à un mètre de l'asphalte à peine.