Pour certains je suis une Française de famille catholique, une étrangère, une intrus ? Pour beaucoup, je suis une Mumbaikar, tout comme Pooja, brahmane née en Malaisie de mère brahmane, comme Azar, musulman né à Hyderabad, comme Katia née à Los Angeles, comme Saurav né dans les montagnes d’Assam, comme Antonio né à Rome…
Bombay est la ville la plus cosmopolite d’Inde, certainement la plus moderne, la plus ouverte, la plus accueillante, la plus tolérante. C’est cette mixité des modes de vie, des religions, des nationalités… qui en fait sa force, qui lui donne son énergie, sa vitalité ! Ici tout est possible, le meilleur, comme le pire. Nous sommes tous venus ici chercher quelque chose, quelqu’un, réaliser un rêve, un destin. Et nous nous réveillons après un long cauchemar.
Bombay a souffert mais panse déjà ses plaies. L’Inde a vacillé mais l’Inde est indestructible comme le clame le drapeau de ce petit garçon.
Le monde pleure. Mais la vie reprend le dessus. Les assassins ne gagneront jamais.
J’ai reçu sur mon téléphone portable de nombreux sms invitant les Mumbaikars à rester unis dans la douleur, à lutter ensemble contre la violence. Demain nous irons allumer des bougies à Colaba dans le sud de Bombay où l’attaque a eu lieu, nous irons allumer des bougies en l’honneur des victimes de la bêtise humaine, le plus grand fléau de cette planète, depuis la nuit des temps.
J’ai malheureusement également reçu des sms appelant à la violence, “Assez, assez, prenons les armes et battons-nous”. Mais ils sont moins nombreux, et on me peut blâmer certains d’être en colère. Les élections générales ont lieu en mai prochain et les extrémistes hindous du BJP et du Shiv Sena essaient de faire porter l’entière responsabilité des attentats au Parti de Congrès, qui dirige la coalition au pouvoir. Pourtant les tentatives de récupérage politique ont fait long feu. ” Où sont donc passés Raj Thackeray et ses “braves” du Shiv Sena ? Rappelons-lui qui 200 commandos du NSG (les forces spéciales indiennes) sont venus de toute l’Inde défendre la ville pour que lui et ses pairs maharati (de l’Etat du Maharashtra dont Bombay est la capitale) puissent dormir tranquillement. Que ce message lui parvienne et le couvre de honte.” Des millions de personnes ont fait circuler ce texto dans toute le pays.
Je trouve le peuple, les intellectuels et les médias relativement honnêtes. Biensûr les politiciens sont pointés du doigt, mais c’est la classe politique dans sa diversité qui est mise en cause, le système. Le Pakistan est lui aussi accusé, mais pas le peuple, les terroristes qu’il accueille. Pourvu que le réchauffement actuel entre les deux pays ne soit pas trop fragilisé !
Les assassins sont Anglais, Pakistanais, Indiens, Français, Américains… La violence n’a pas de nationalité, la violence n’a pas de couleur, la violence n’a pas de religion. La violence ne disparaîtra jamais, elle est inhérente à l’Homme, à la vie, mais la violence ne gagnera jamais.