Mais le bonheur, à chaque fois, est de courte durée : l’armée, en planque dans les taillis environnants, une fois réveillée, se jette sur l’infortuné John qui voyait déjà son mariage accompli. La jeune Mac Donald hurle à s’arracher les poumons tant le nombre des soldats et leur tenue de camouflage l’indispose.
- Ola, dit John, laissez-moi donc. Que faites-vous ?
- Au nom de la loi 504 bis et de la loi 87503, vous êtes arrêté pour avoir semé votre groupe pendant une mission et avoir trahi l’armée en vous acoquinant avec l’ennemi !
- Enfin, dit John, est-ce parce que je propose à l’ennemi des pavés de saumon, des cailles farcies, des purées d’endives et de marrons, des gâteaux crémeux à la cannelle, qu’il me faut être accusé de traitrise ?
- Je ne comprends pas très bien, s’exclame le nouveau commandant en chef.
Sa fine moustache, ciselée comme une porcelaine martraise, oscille à chaque syllabe, comme un compteur de rimes. « Que les poètes auraient aimé cet homme », pense John.
- Ecoutez, tout cela est très simple. Vous avez ici une informatrice.
- Quoi ? s’exclame la jeune Mac Donald, rouge de rage.
- Je rectifie, complète John, vous avez devant vous un otage qui vous dira, sous la torture ou sans, tout ce que vous voulez savoir sur les escargots et la fabrication des frites.
- Comment osez-vous ! S’exclame la jeune Mac Donald ivre de colère.
- Oh, s’exclame le commandant en chef, mais c’est merveilleux ! Nous allons de suite faire interroger cette jeune sauvage pour tirer au clair le commerce de son père !
Le commandant fait signe à deux soldats de s’emparer de la jeune fille.
- Au camp, et vite. Tout cela va refroidir. Nous pouvons nous servir, Soldat Bonhomme, n’est-ce pas ?
- Faites comme chez vous commandant, le dîner était bien sûr prévu pour vous. Je savais que vous me suiviez, et ma foi, je me disais qu’un bon festin remettrait nos idées en place.
- Fort bien, fort bien, s’exclame le commandant. Vous irez haut en grade, Monsieur Bonhomme, vous irez haut en grade !