Car le scénario de L’invasion se situe durant les combats dans le camp de Jénine, en Cisjordanie. Sous administration palestinienne en vertu des accords d’Oslo, Jénine fut occupé et en grande partie détruit par l’armée israélienne en 2002 dans le cadre de l’opération « Rempart ». Les méthodes de « l’armée de défense » israélienne avaient déclenché une violente polémique, un journaliste israélien respecté tel qu’Amnon Kapéliouk (qui avait déjà enquêté sur Sabra et Chatila) parlant à l’époque de « crime de guerre ».
Comme nombre de productions de ce type, L’invasion conjugue des talents en provenance de tous les horizons du monde arabe. Les acteurs sont syriens, palestiniens mais surtout jordaniens : Saba Mubarak (صبا مبارك), Abbas al-Nuri (عباس النوري), Munthir Rayyahneh (منذر رياحنة) entre autres ; l’auteur du scénario est un Syrien d’origine palestinienne, Riad Saif (رياض سيف) ; à la caméra, le Tunisien Shawqi Majiri (شوقي الماجري), réalisateur remarqué pour de nombreux succès dont, tout récemment, Esmahane (article en arabe). Les décors sont ceux des camps palestiniens autour de Damas, avec du matériel prêté par l’armée syrienne !
Le site de L’invasion, qui propose plusieurs bandes annonces (voir plus bas), donne également un résumé du scénario. Construit à la manière des séries américaines, de type Urgences, le feuilleton entrelace les destinées d’une série de personnages parfois inspirés de visages rendus célèbres par les médias qui ont couvert l’événement : Khaled, le professeur, Amjad le prisonnier, Mustafa, un prisonnier en fuite, Hanan une infirmière, Saïd, le caméraman prêt à risquer sa vie pour le reportage qui lui permettra d’épouser celle qu’il aime s’il se vend bien… Et cette histoire qui veut éviter les stéréotypes politiques pour mieux mettre en valeur la dimension humaine de ce drame n’a pas peur d’évoquer une histoire d’amour entre Mustafa le Palestinien et Yaël l’Israélienne…
Même si le producteur (article du Jordan Times), comme l’ensemble de la presse, attribuent les difficultés de diffusion du feuilleton à des raisons politiques, c’est peut-être cette histoire d’amour qui constitue l’élément que les programmateurs régionaux ont estimé le plus déstabilisant pour le public (et c’est peut-être aussi la raison pour laquelle il a été repéré par les jurys des Emmy Awards). Quoi qu’il en soit, Talal al-Awamleh n’ignorait pas qu’il prenait un grand risque. De fait, en dépit d’un très gros budget (plus de 3 millions de dollars, avec certaines scènes où huit caméras ont été utilisées simultanément lors d’un tournage qui aura duré six mois), L’invasion, aujourd’hui auréolée par un prix prestigieux, n’a été diffusée jusqu’à présent que par la chaîne libanaise LBC durant le mois de ramadan 2007 (puis, par la télévision libyenne) !
On voit ainsi que la multiplication des chaînes (arabes) ne suffit toujours pas à assurer la diversité de la programmation. La donne va peut-être changer à la suite de cet Emmy Award, et le public arabe pourra se faire une idée par lui-même. Dans l’immédiat, on peut acheter en ligne le DVD et visionner des épisodes… En attendant une version avec des sous-titres ?