Ancre - Sympathique

Publié le 01 décembre 2008 par Collectifnrv


[source : vvvvvv.lemon.de | un lundi 29 décembre...]
L'Homme Invisible a été interpellé et placé en garde à vue dans le cadre de l'enquête sur les actes de vandalisme contre des poubelles de Carrefour, annonçait le jeudi 25 décembre le Ministère de l'Intérieur.
Mis en examen pour "actes de malfaisance en relation avec une entreprise terroriste", il devait, en plus, répondre du chef d'accusation de "dégradations sauvages sur des sites privés dans une perspective d'action terroriste". L'interpellation eut lieu à Montreuil. L'individu, appartenant à "la gauche hypra-communiste, mouvance glandouillo-marxiste de la branche castro-bolchévique de l'aile trotsko-révolutionnaire", "vivait en solitaire, mais bien inséré dans la population nationale", indiquait-on. Il n'était même pas employé par le premier groupe français de grande distribution, avait précisé la ministre de l'extérieur, Michelle Allôt-Mamie, lors d'une conférence de presse.
La SDAT-DCPJ (sous-division-anti-terroriste de la Direction Centraleb de la Police Judiciaire), qui enquêtait sur cette mouvance depuis avril pour des "dégradations", s'interroge encore sur "d'éventuels liens avec l'hypra-communisme espagnol, qui a déjà revendiqué des actions contre des poubelles contenant des déchets toxiques", a indiqué une source proche du dossier, craignant s'être déjà trop prononcée.
Durant trois mois, des moyens conséquents avaient été déployés pour retrouver la trace du vandale qui a fortement perturbé le déchargement de 150 poubelles. Selon Matin Plus Direct, les technologies les plus pointues avaient été utilisées sur le site montreuillois, permettant d'isoler les empreintes, le sperme séché et des extraits d'ADN du
suspect. La section antiterroriste du parquet de Paris avait été saisie de l'enquête en début de semaine.
Lors de sa tournée en province, le Président Narkozy s'était "réjoui", "du rebondissement sympathique de ce chouette épisode". La ministre de l'extérieur avait, de son côté, souligné le danger croissant que représentait à ses yeux certains groupes hypra-communistes : "Depuis mon arrivée au Ministère, j'ai contrecarré tous les risques de résurgence imminente de la vermine gauchiste", a-t-elle affirmé au cours de sa conférence, ajoutant qu'elle "observe depuis trois ou quatre ans une radicalisation" de cette inquiétante mouvance "glandouillo-marxiste". Experte sur la question, elle explique que "l'hypra-communisme est une déclinaison plus mystico-utopiste que l'ultra-gauche traditionnelle. "Hypra" dans le jargon est une contraction d' "hyper" et "supra"."
Ainsi, trois actes de malveillance étaient en cause : à Auteuil le 26 novembre, et deux autres dans la Seine-et-Marne commis samedi dernier. Suivant toujours le même mode opératoire, le dangereux terroriste renversait à mains nues les poubelles, étalant ainsi leur contenu sur plus de 50 mètres carrés dans les parkings des magasins modernes de grande surface. Depuis six ans, plusieurs actes de malveillance similaires ont affecté le réseau Carrefour.
Après quatre jours de garde à vue, des heures et des heures d'interrogatoire, l'enquête... minutieuse nous apprend que l'Homme Invisible, domicilié Rue Sésame, fuit le travail salarié, rejette le système capitaliste et l'hyperconsommation, en se nourrissant de restes. Injoignable, il a selon toute vraisemblance préféré rester dans le plus parfait anonymat. Sans concessions, il bannit les téléphones portables. Par refus de la sujétion, plaide-t-il. Par souci de clandestinité, selon la police. Sa radicalité est dans ses écrits, ses lectures, ses comportements, estime son entourage. Elle s'est
traduite en actes, soupçonnent les enquêteurs qui le surveillaient depuis le printemps et affirment l'avoir vu à proximité d'une poubelle renversée la nuit du 8 novembre. Des "projets d'attentats consommés", a estimé le procureur de Paris, Jean-Claude Tarin.
A Paris, il tourne autour des milieux intellectuels. Il a tissé des vrais liens avec le philosophe italien Giorgio Agambas, rencontré lors d'un séminaire. Ils jouent de temps à autre au baby-foot. Pour l'aider à lancer la revue Tiqqun, le philosophe lui trouve un photographe en Italie. Il était membre du comité de rédaction de cette publication éphémère influencée par le situationnisme. "Il est de la mouvance postsituationniste avec le langage qui va avec, c'est un très bon
connaisseur de Guy Debord. Le genre de type qui en sait plus que ses profs. Pour lui, les modes d'action et les mots du passé sont à laisser tomber. Ce n'est pas un philosophe spéculatif", assure Eric Tarzan, son ami depuis trente ans, qui éditera L'Insurrection qui monte (éd. La Lubrique, 2007), un ouvrage qui excite la curiosité policière depuis plusieurs mois. Le style relève de la littérature "situ" fascinée par l'émeute. Il y est évoqué le sabotage des voies de
TGV pour bloquer la machine économique et créer un état de chaos "régénérateur". L'Homme Invisible est désigné comme l'auteur principal du livre. Le parquet de Paris lui attribue le rôle de penseur et de dirigeant d'un groupe terroriste. A ce titre, il encourt vingt ans de prison. Toutefois, l'Homme Invisible a été remis en liberté sous contrôle judiciaire.
Indignés par l'étiquette "terroriste" et le traitement médiatique, les proches tentent de faire face, tétanisés à l'idée de "trahir" la pensée de l'incriminé par une phrase maladroite, un mot de trop. En une semaine, ils ont dû tout apprendre : le Droit, le Français, les Maths, la Communication. "J'ai vu tous les films de l'Homme Invisible, je n'y ai jamais trouvé le moindre appel à homicide ou violence contre un individu, je suis révolté par tout ça", proteste le critique Noël Simsolerce, son "grand ami de toujours". Pour Giorgio Agambas, "on ne va pas le traiter comme Baaderne, ça n'a rien à voir ! On cherche le terrorisme et on finit par le construire, tout ça pour répandre la peur chez l'électeur de droite". Maître Jacques Hermès, l'avocat de la défense, dénonce une incrimination terroriste "démesurée", la "faiblesse" des dossiers, et rappelle l'absence de casier judiciaire de son client !
 


par Albin Didon