La critique
Film singulier et survolté
Philippe (Lorant Deutsch) et Muriel (Marina Foïs) sont agents secrets. Muriel est la supérieure hiérarchique et elle entretient une liaison avec Philippe, d’au moins dix ans son cadet. Rien de surprenant pour cette femme qui a toujours eu un faible quasi maladif pour les jeunes hommes. Mais, dans le fond, Muriel n’espère qu’une chose : tomber enceinte. Mais elle pense de plus en plus en être incapable... A ces névroses s’ajoute une nouvelle affaire pour ce duo de choc assez improbable : ils doivent retrouver la clé USB d’un traficant d’uranium fraichement décédé. Il semblerait que ce soit sa veuve , Constance (Jeanne Balibar), qui la détienne. Cette dernière vient de s’inscrire dans un cours de chant lyrique, en hommage à son mélomane de défunt mari. Et voilà que Muriel et Philippe se retrouvent infiltrés dans ce cours de chant, où ils ne sont pas les seuls à guetter les faits et gestes de l’ingénue Constance. Alors que l’affaire part dans tous les sens, chacun semble se libérer par le biais du chant. Les névroses s’affichent, les corps se libèrent et la vérité finira bien par éclater…
Il aura fallu attendre quatre ans pour découvrir le nouveau long métrage de Ilan Duran Cohen, réalisateur de La confusion des genres et de Les petits fils. Monté sans l’aide de chaines télévisées, Le plaisir de chanter est un projet qui transpire la liberté. Une œuvre à la folie douce , singulière, qui ne ressemble à aucune autre comédie. Son auteur semble pas mal se ficher de la question du genre et fait passer son film par tous les états. Portraits de différentes solitudes dans la jungle urbaine, parodie de film d’espionnage, comédie légère, polar dépressif…Avec son humour pince-sans-rire, Le plaisir de chanter amuse, touche, surprend, tout en s’appuyant sur un casting absolument jouissif. Le couple principal est formé par Marina Foïs et Lorant Deutsch, alliance étonnante et réjouissante. Chaque acteur semble ici s’éclater, explorant souvent des partitions de jeu nouvelles.
Complètement décalé, ce long métrage réussit le tour de force de bien poser toute une collection de personnages farfelus en mélangeant humour acide et tendresse. Ilan Duran Cohen n’hésite en effet pas à se moquer de ses personnages, de forcer parfois leurs traits pour mieux nous faire rire. Marina Foïs en mante religieuse tordue, Julien Baumgartner en « petite pute » insolente de charme et survoltée, Jeanne Balibar en bourgeoise en proie à la frivolité…Si tout fonctionne et si l’on passe d’un genre à l’autre avec brio c’est sans aucun doute grâce à une écriture aux petits oignons. Les dialogues sont exquis et les psychologies des personnages cohérentes. A cette écriture très maitrisée se mêle une mise en scène très libre, qui pourrait parfois faire penser au théâtre. Au final, Le plaisir de chanter est un concentré de bonne humeur, un film atypique et audacieux qui n’hésite pas à se permettre des moments coquins, délicieusement charnels (les scènes d’intimité sont une véritable réussite). Excellente surprise de fin d’année, Ilan Duran Cohen nous enchante.