« Ici France télévisions, à vous l'Elysée »

Publié le 30 novembre 2008 par Gezale
François Loncle fait partie des députés socialistes appelés à argumenter contre le projet de loi du gouvernement sur la réforme de l'audio-visuel et à présenter les contre-propositions du groupe socialiste, radical et citoyen. (photo JCH)
La réforme de l'audiovisuel en cours d'examen à l'Assemblée nationale mérite que chaque Français la connaisse et la commente. Lorsque Nicolas Sarkozy déclarait en 1995 « Si je ne faisais pas attention , tous les jours je serais à la télévision jusqu'à ce que les télespectateurs en aient la nausée » il fallait le prendre au sérieux. C'est dire l'attention obstinée que porte le Président de la République à un outil dont il a compris tous les avantages. Sarkozy maîtrise ses prestations télévisées. Il les maîtrise d'autant mieux que les propriétaires des chaines privées, notamment TF1 et M6, appartiennent à sa coterie.
Ses déclarations récentes démontrent le mépris dans lequel il tient les présidents et personnels des chaines publiques : « Personne n'est là pour m'accueillir, toute cette direction il faut la virer. Je ne peux pas le faire maintenant mais ils ne perdent rien pour attendre. Ça ne va pas tarder. » Voilà comment le président s'exprimait en mars 2007 alors qu'il allait pénétrer sur le plateau du journal de France 3. Toujours en mars 2007, sur France 3 Lille, à propos d'un reportage sur un conflit à l'Imprimerie nationale, il commentait en direct : « J'ai déjà vu des reportages malhonnêtes mais de cette nature c'est assez rare. Je vous félicite, Madame…c'est quand même plus compliqué que le reportage sommaire quelque peu politique que vous avez osé présenter. »
Ces pressions sur les médias, elle existent à tous les niveaux. A Europe N°1, au Journal du Dimanche avec le limogeage d'Alain Genestar qui avait autorisé la publication en Une de Cécilia Sarkozy et de son ami. Depuis 2006 tous les membres du CSA (conseil supérieur de l'audiovisuel) ont été nommés par la droite. Le pluralisme dans l'audiovisuel n'a plus de superviseur. Nicolas Sarkozy entretient des relations amicales et fraternelles avec Martin Bouygues (TF1, LCI, Eurosport) Bernard Arnault (Les Echos, Investir, Radio classique…) Serge Dassault (Socpresse, Le Figaro) qui expliquait dans le Monde en 2004 : « les journaux doivent diffuser des idées Saines, car nous sommes en train de crever à cause des idées de gauche. » C'est brutal, c'est direct mais ça le mérite de la franchise. Ajoutons Lagardère (Europe 1, Europe 2, RFM…) Bolloré (Direct 8, Havas, journaux gratuits) l'homme du yacht et la désormais célèbre croisière à Malte, Pinault, (Le Point)… sans oublier les menaces permanentes sur les journalistes avec les perquisitions qui se multiplient (Voir la garde à vue musclée du journaliste de Libération) les accréditations retirées (à une journaliste de l'AFP) le lilogeage de PPDA qui avait osé comparer Nicolas Sarkozy à une petit garçon lors d'une interview.
La loi présentée devant l'Assemblée nationale va priver les chaines publiques de ressources publicitaires soi-disant compensées par une taxe sur les recettes publicitaires des chaines privées et une autre taxe sur le chiffre d'affaires des nouveaux moyens de communication comme l'accès à Internet ou la téléphonie mobile. Les socialistes protestent contre l'absence de toute concertation préalable. Ils précisent : « Il est impossible de laisser le privé se développer sans donner les moyens nécessaires au secteur public. » Nicolas Sarkozy susbtitue une dépendance politique et financière à une soi disant dépendance de la publicité.
La réalité du projet de loi est qu'on aboutit à l'étranglement financier de France télévisions. La publicité sera supprimée dans la tranche horaire 20 heures-6 heures dès le 5 janvier 2009. Au 1er janvier 2001, toute ressource publicitaire sera supprimée. Cela entraînera une perte de recette d'un milliard d'euros pour les chaines publiques alors que l'instauration des deux taxes sur la publicité des chaines et des fournisseurs d'accès rapporteront 450 millions d'euros sans être directement affectées à France télévisions. Le PDG, Patrice de Carolis a pu déclarer : « le compte n'y est pas. » Le contat dressé par les députés socialistes qui se battent bec et ongles contre ce projet de loi c'est la sévère cure d'austérité à laquelle va être confrontée France Télévisions, la sous-évaluation des programmes de remplacement de la publicité, la privation de ressources pour développer France Télévisions dans les nouvelles technologies. Le fameux Frédéric Lefebvre, porte parole de l'UMP et relais direct de la pensée présidentielle, juge « nécessaire un plan social à France Télévisions. »
Si l'on ajoute que le projet prévoit la nomination des présidents de chaines par décret du président de la République, le contrôle parlementaire des nominations avec une domination de la droite outrageuse au Sénat qui rend ce contrôle totalement inoffensif, on en revient aux heures dangereuses de l'ex ORTF et ruine les acquis de la gauche qui, dès 1982, assurait la liberté éditoriale du service public de l'audio-visuel. Si le projet actuiel est adopté, les présidents de chaine seront sous la tutelle directe du président de la République et du Gouvernement. On voit cela d'ici : les copains et les coquins vont s'en donner à cœur joie.
On a même entendu un certain Thierry Saussez, délégué interministériel à la communication du gouvernement, avancer l'idée de « préempter un espace sur les chaines publiques pour produire une émission expliquant la politique gouvernementale aux Français. » On a compris : la télé devient l'annexe du pouvoir, les médias télévisés sont à nouveau aux ordres. Le 26 juin 2008, Nicolas Sarkozy ne déclarait-il pas ? : « Mon souhait est que les groupes audiovisuels privés soient puissants. » Le groupe TFI a soutenu la campagne du président de la République actuel, il subit une sévère chute d'audience et une baisse de son chiffre d'affaires. TF1 récupèrera 300 millions d'euros de publicité ! Les patrons-amis peuvent dire tous ensemble : « Merci Nicolas ! »
Les propositions socialistes, par la bouche de Didier Mathuset François Loncle, principaux intervenants à l'Assemblée nationale contre le projet Sarkozy, sont simples : équilibre des nominations au CAS entre majorité et opposition, rénovation du CSA pour une faire une Haute autorité du pluralisme. Le secteur audio-visuel est un enjeu de démocratie, c'est un acteur du lien social et culturel, il doit être protégé et défendu comme n'importe quel autre élément du patrimoine français.Les socialistes préconisent des médias libres avec un financement pérenne du service public de l'audiovisuel, un développement assuré dans le secteur des nouvelles technologies, favoriser le développement des médias locaux, associatifs, coopératifs.
Les propositions pour la presse écrite : réforme des financements de la presse écrite en indexant les aides sur de nouveaux critères (volume du rédactionnel, nombre de journalistes, place réservée aux sujets sociétaux) fiscalité incitative pour réduire les prix et l'abonnement.
Autres propositions : création d'un statut des entreprises de presse s'apparentant à celui des fondations, attribution du statut d'entreprise aux entreprises éditrices du numérique avec toutes ses composantes, renforcement des droits des journalistes (protection des sources, reconnaissance juridique) développement des logiciels libres…
Ce court dossier a été réalisé grâce au document édité par le Groupe SRC, socialiste, radical et citoyen.
Après avoir lu toutes ces propositions qui seront votées et appliquées par la majorité de droite, on mesure combien le combat pour une télévision et une presse libre, indépendante, pluraliste est aujourd'hui essentiel. « La victoire » idéologique de la droite (même provisoire) a emprunté le chemin des médias aux mains des grands goupes financiers de l'armement et adeptes de la concentration maximum. Nicolas Sarkozy est un homme dangereux puisqu'il fait ce qu'il dit et qu'il avait annoncé depuis des années des projets qu'il concrétise aujourd'hui. La gauche doit s'opposer frontalement à ce projet et le faire savoir aux Français.