Magazine

Martine Aubry : Mamie fait de la résistance

Publié le 30 novembre 2008 par Delits

Rupture, renouveau, nouvelle génération au pouvoir… autant de termes et slogans habituels que l’on entend fréquemment dans les diverses campagnes électorales. Pourtant, au final ce sont souvent les mêmes têtes que l’on revoit, quand bien même on ne pensait plus forcément les revoir. L’exemple nous a été donné cette fois par le PS qui pensait en avoir fini avec le jospinisme et qui a élu à tête un de ses membres les plus représentatifs.

Martine Aubry… qui aurait pu penser il y a seulement un an que cette femme ferait à nouveau la une de l’actualité politique ? Et pourtant… Martine s’impose désormais en une de tous les journaux, au point de faire passer le président de la République au second rang.

Cette ancienne énarque, habituée des cabinets ministériels dans les années 80 avant que Pierre Mauroy ne la nomme adjointe à la ville de Lille en 1995, est en effet relativement effacée de la scène politique nationale depuis 2002.  Elle qui connut son apogée sous le gouvernement Jospin, profitant d’une période de croissance exceptionnelle lui permettant même de combler le trou de la sécurité sociale en 2000, mit en place les mesures les plus symboliques de cette période : les “emplois jeunes”, la couverture maladie universelle et bien sûr les 35 heures (qui lui aurait été “soufflées” par Strauss-Kahn). A cette époque tout roule pour Martine : le chômage baisse rapidement, elle affiche des taux de popularité de 58% (en novembre 98) au point qu’on la prédit Premier ministre en cas de victoire de Lionel Jospin.

Puis arriva 2002…

Année qui vit Lionel Jospin perdre au premier tour de la présidentielle  et qui la vit battue à la législative par le candidat UMP Sébastien Huyghe dans une circonscription réputée imperdable.

Traversant une période personnelle difficile, elle connait alors sa plus faible popularité en octobre 2003 avec 24% (cote de popularité TNS Sofres). Crise économique aidant, le climat idéologique se retourne contre les 35h et Martine Aubry devient, malgré elle, le symbole de la gauche, incompétente dans sa gestion des années fastes, et incapable de reprendre le pouvoir.

Le renouveau lillois

Elle se reconcentre sur Lille et réalise un travail remarquable dans l’amélioration de l’image de la ville. En 2006, soit 5 ans après l’arrivée à la mairie de Martine Aubry, 89% des Lillois se déclaraient satisfaits d’habiter leur ville (sondage Ifop de juin 2006), taux tout à fait remarquable pour une grande ville qui dépasse de trois points la norme de référence. De même 72% estimaient que la mairie réalisait un bon travail. L’action économique affiche notamment des écarts considérables de satisfaction avec la norme habituelle des grandes métropoles françaises (près de 30 points d’écart) soulignant ainsi l’efficacité de l’équipe municipale dans ce domaine.

Un renouveau national

D’un point de vue national, l’ascension de Martine Aubry commence en novembre 2007, profitant notamment d’une période post-présidentielle délicate pour Ségolène Royal. A cette époque l’élue du Nord affiche encore une popularité faible de 25%. Celle-ci va rapidement remonter pour atteindre 40% en avril et en octobre 2008, encore loin pourtant de Bertrand Delanoë (encore 53% en juin 2008). La courbe de popularité de Ségolène Royal suit la tendance exactement inverse : au plus haut en 2007 avec un score remarquable de 52% en juin (cote de popularité TNS Sofres), elle chute rapidement avant quelques sursauts pour finalement s’établir à 34% en novembre.

Et ce retour ne semble pas éphémère. En effet, lorsqu’on interroge les sympathisants de gauche sur la personnalité politique dont ils souhaiteraient qu’elle ait plus d’influence dans la vie politique, ils répondent désormais en premier Martine Aubry. (61% selon l’Observatoire de la politique nationale de novembre 2008).

Un effet “tout sauf Ségolène” et une défaite du Maire de Paris

Elle arrive ainsi devant Bertrand Delanöe qui perd 8 points et qui s’affiche comme le grand perdant - pour le moment - du Congrès de Reims. Lui qui avait pourtant tout pour gagner, était la personnalité préférée des militants PS, était celui que les sympathisants de gauche voulaient voir prendre plus de responsabilités, celui qui se construisait petit à petit une carrure d’homme d’état (voir l’article sur Bertrand Delanoë), a finalement perdu pied au sein de son propre parti. Le Maire de Paris qui sur cette question du souhait d’influence dans la vie politique est passé de 71% à 59%, semble en perte de vitesse, peut-être par manque d’intelligence tactique au Congrès puisqu’il n’a su éviter que la Maire de Lille présente une motion, peut-être par le flou de son positionnement idéologique qui n’a su rassembler les opposants à Ségolène Royal autour de lui. Le paradoxe. Son échec est d’autant plus patant que fin octobre le maire de Paris devançait encore le nouveau Premier secrétaire auprès des sympathisants socialistes sur de nombreuses qualités attendues d’un leader : il était notamment perçu comme plus compétent et plus sympathique (sondage CSA).

Quel avenir ?

Il parait aujourd’hui bien difficile de prédir l’avenir de Martine Aubry et à travers elle du Parti Socialiste. A l’heure où ces lignes sont écrites, celle-ci doit rencontrer Ségolène pour tenter une union périlleuse entre des camps opposés, sans parler du courant à gauche du PS qui fait de plus en plus de pied au NPA, de l’électorat de gauche toujours tenté par le MoDem de François Bayrou et de Dominque Strauss-Kahn qui reste très populaire et pourrait faire son retour fin 2010. La victoire, relativement déligitimée vu ses conditions, n’assure en tout cas pas des moments de répis pour le nouveau Premier secrétaire qui en a vu d’autres et dont on ne peut nier l’extraordinaire faculté à rebondir.


Retour à La Une de Logo Paperblog